Alimentation, santé globale 3 min

Les virus de bactéries : nos fidèles alliés contre l’antibiorésistance

COMMUNIQUE DE PRESSE - Les virus sont parfois nos ennemis, mais parfois aussi nos amis. Dans la lutte contre les bactéries pathogènes, ils peuvent être des alliés précieux, pour éliminer ces bactéries quand nos médicaments ne fonctionnent plus. Mais plus important encore, ils ne sont pas sources de nouvelles résistances aux antibiotiques chez les bactéries. C’est la conclusion d’une étude menée par INRAE, parue le 25 octobre 2021 dans la revue ISME Communications.

Publié le 25 octobre 2021

illustration Les virus de bactéries : nos fidèles alliés contre l’antibiorésistance
© Pixabay

C’est un fait, de plus en plus de bactéries résistent aux antibiotiques. Le grand public sait déjà, grâce aux campagnes d’information, que la principale explication vient d’une « pression de sélection » élevée sur les bactéries, due à un usage massif et inapproprié d’antibiotiques, en santé humaine, mais aussi en santé animale.

Mais ce n’est pas la seule explication. Un groupe de mécanismes présents chez les bactéries est en jeu également : les « transferts horizontaux de gènes ». Les bactéries sont en effet capables d’échanger des morceaux d’ADN entre elles. Certains morceaux d’ADN échangés n’apportent rien de particulier, d’autres pourraient apporter du matériel conférant une résistance aux antibiotiques. Si les scientifiques comprenaient quels mécanismes transmettent des morceaux porteurs de gènes de résistance, alors une piste pourrait se dessiner dans la lutte contre les bactéries résistantes.

Les bactéries échangent des morceaux d’ADN ?

 

Ces morceaux d’ADN peuvent être soit libérés dans l’environnement (ils sont alors en libre-service pour toutes les autres bactéries qui peuvent les incorporer), soit transmis via une « reproduction » entre deux bactéries, appelée conjugaison. Une troisième voie de transmission de gènes utilise les bactériophages, ces petits virus de bactéries, qui sont capables de passer leur ADN d’une bactérie à l’autre.

Les bactériophages, un vecteur de résistance?

Depuis 10 ans, un sujet divise la communauté scientifique : les bactériophages, notamment ceux utilisés en phagothérapie, sont-ils capables oui ou non de transmettre aux bactéries des gènes de résistance aux antibiotiques ? Un article scientifique*, paru dans Nature en 2013, a répondu par l'affirmative à cette question, mais cette réponse ne fait pas l’unanimité.

Cette controverse a interpellé une équipe de chercheurs d’INRAE, spécialistes des bactériophages. Ils ont ainsi mené des travaux de métagénomique (analyse de l’intégralité des gènes) sur des bactériophages provenant de 14 fermes porcines. Grace à des analyses informatiques approfondies, ils ont pu disséquer finement l’ADN de tous ces bactériophages et leur conclusion est nette : les bactériophages étudiés ne possèdent pas un seul gène de résistance aux antibiotiques. Ils ne peuvent donc pas être fournisseurs de gènes de résistance pour les bactéries.

Ces travaux permettent d’éclairer la question de l’antibiorésistance, au cœur d’enjeux de santé publique. Les bactériophages conservent leur statut d’alliés dans la lutte contre les bactéries résistantes aux antibiotiques, via la phagothérapie. Cette pratique, encore peu répandue, propose d’utiliser des bactériophages sur les patients infectés par des bactéries résistantes à tous les antibiotiques. Les bactériophages attaquent et détruisent ces bactéries, sans possibilité de transmettre des gènes de résistance à d’autres bactéries. Un espoir, parmi d'autres, pour lutter contre ce phénomène grandissant d’antibiorésistance.

* Modi et al. Antibiotic treatment expands the resistance reservoir and ecological network of the phage metagenome Nature. 2013, 499(7457):219-22

 

Référence

Billaud, M., Lamy-Besnier, Q., Lossouarn, J. et al. Analysis of viromes and microbiomes from pig fecal samples reveals that phages and prophages rarely carry antibiotic resistance genes. ISME COMMUN. 1, 55 (2021). https://www.nature.com/articles/s43705-021-00054-8

 

En savoir plus

Alimentation, santé globale

Mise en lumière de virus bactériens prometteurs cachés au sein du microbiote

COMMUNIQUE DE PRESSE - Et si la compréhension des interactions entre les bactéries et les bactériophages (virus des bactéries) du microbiote pouvait déboucher sur de nouvelles armes de lutte contre les bactéries résistantes aux antibiotiques ? Des chercheurs d’INRAE ont cultivé des bactériophages et des bactéries à partir d’échantillons fécaux humains et étudié pour la première fois leurs interactions. Leurs résultats, parus le 17 janvier 2020 dans la revue Nature communications montrent qu’au sein du microbiote intestinal étudié, deux catégories de bactériophages émergent, avec des capacités d’infection fortement contrastées. Les plus infectieux pourraient s’avérer utiles en phagothérapie, une alternative aux traitements antibiotiques.

17 janvier 2020

Alimentation, santé globale

Microbiote intestinal : fonctionnement d’une bactérie vampire

COMMUNIQUE DE PRESSE - « Les antibiotiques, c’est pas automatique ! … » Ils sont essentiels pour lutter contre les maladies infectieuses, mais utilisés à mauvais escient, ils déciment les bactéries du microbiote, laissant place à des bactéries infectieuses résistantes aux traitements. Parmi elles, Enterococcus faecalis, une bactérie présente dans l’intestin et normalement inoffensive qui peut devenir pathogène et responsable d’infections urinaires et cardiaques. Pour se développer, elle a besoin d’une molécule de l'hôte qu’elle ne sait pas fabriquer, mais qui lui est toxique à forte dose : l’hème. Des chercheurs d’INRAE, en collaboration avec le CEA, ont montré qu’Enterococcus faecalis piège et utilise l’hème présent dans l’intestin tout en évitant sa toxicité. Leurs travaux, publiés le 2 février 2021 dans mBio, mettent en lumière l’existence d’un capteur qui permet à la bactérie de détecter la présence d’hème, et de contrôler finement ses apports pour ne pas subir sa toxicité. Bloquer ce mécanisme pourrait constituer une piste pour le développement de traitements contre cette bactérie.

18 janvier 2021

Alimentation, santé globale

Additionner les forces contre le staphylocoque doré

COMMUNIQUE DE PRESSE - Le staphylocoque doré est à l’origine d'infections graves contractées à l’hôpital ou en dehors. Sa capacité à échapper à l’action de nombreux antibiotiques est considérée comme l’une des grandes menaces pour la santé publique selon l’OMS (1) : il s'avère crucial de développer de nouvelles stratégies médicamenteuses contre cette bactérie. Une famille de molécules (appelée anti-FASII) a été développée, mais des chercheurs d’INRAE ont montré que le staphylocoque échappait à l'action de ces antibiotiques lors d’une infection (2). Une nouvelle étude des chercheurs d’INRAE, de l’Institut Pasteur et de l’Université de Paris a permis de comprendre ce mécanisme de contournement. Ces résultats ont permis de proposer une approche de bi-thérapie qui potentialise l’activité de l’anti-FASII et bloque la croissance bactérienne in vitro. Ces résultats, parus le 2 février dans le journal mBio, mettent en lumière une synergie originale entre deux molécules afin de traiter efficacement les infections à staphylocoque doré.

01 février 2021