Des variants génétiques décryptés pour améliorer la santé et la productivité des bovins

Au début des années 2000, l’évolution des technologies d’analyse de l’ADN a propulsé la génétique bovine dans l’ère de la génomique. Ainsi, il a été possible d’identifier les nombreux variants génétiques présents dans le génome des différentes races bovines. Pourtant, il est aujourd’hui encore difficile de comprendre précisément comment ces variations influencent des caractères agronomiques clés tels que la production laitière, la santé ou la fertilité. Pour décrypter ces mécanismes, des chercheurs du département Génétique Animale d’INRAE ont développé une approche innovante alliant génétique quantitative, génomique fonctionnelle et intelligence artificielle. Leurs résultats, publiés dans la revue Nature Communications, ouvrent la voie à des outils de sélection plus efficaces, en faveur d’un élevage durable et résilient.

Publié le 14 mai 2025

© M-P. Sanchez

Chaque bovin porte plusieurs millions de variations dans son génome, appelées variants génétiques. En combinant les données génétiques de bovins élevés dans les fermes françaises avec les mesures de leurs performances, il est possible d’identifier les variants associés à une ou plusieurs caractéristiques biologiques. Toutefois, cette approche statistique ne permet pas à elle seule de savoir si ces variants agissent directement sur le fonctionnement du génome. Pour cela, il faut recourir à des approches dites « fonctionnelles », qui visent à comprendre l’impact direct de ces variants sur l’expression et la fonction des gènes. Ces recherches ont une double portée : d’abord sur le plan fondamental pour comprendre comment le génome d’un bovin fonctionne, puis en termes d’applications concrètes car cette information permet à terme de développer des outils de sélection génomique plus précis et plus efficaces. Ainsi, les chercheurs impliqués dans cette étude se sont posés la question suivante : Comment des variants dans le génome des bovins influencent-ils la variabilité des caractères agronomiques majeurs ?

Une analyse fonctionnelle haut-débit combinant génétique quantitative, criblage moléculaire et intelligence artificielle

Pour atteindre leur objectif, les chercheurs ont mis en commun leur expertise dans différents domaines de la biologie afin de développer une approche pour analyser un grand nombre de variants dans le génome bovin et ainsi révéler ceux qui impactent les caractères biologiques. Des analyses de génétique statistique ont d’abord permis d’isoler un ensemble de variants génomiques potentiellement impliqués dans la modification de fonctionnalité des gènes. Puis, une combinaison de méthodes bioinformatiques basées sur des algorithmes d’intelligence artificielle et d’un criblage moléculaire à haut-débit mis en œuvre sur des modèles cellulaires a permis de valider le caractère fonctionnel de certains de ces variants.

De nombreux variants génétiques impactent des caractères agronomiques en perturbant le mécanisme d’épissage

Cette approche de sélection statistique combinée à une validation fonctionnelle a permis d’identifier 38 variants génomiques qui modifient la façon dont les gènes sont exprimés et interprétés par la cellule, avec des retentissements sur les caractères bovins. Elle a été élaborée spécifiquement pour mettre en évidence les variants altérant un processus moléculaire que l’on appelle l’épissage. L’épissage intervient pendant l’expression des gènes et, en modifiant les ARN messagers, permet de moduler la quantité ou la séquence des protéines produites. Les variants que nous avons identifiés altèrent ce mécanisme, ce qui a pour effet de modifier le fonctionnement des cellules. A plus grande échelle, cela entraîne des modifications macroscopiques dont les effets s’observent sur les caractères agronomiques bovins. Les caractéristiques impactées concernent la production laitière (la quantité mais aussi la composition du lait), la morphologie, la santé des mamelles et la fertilité. Il s'agit d'une avancée majeure dans la compréhension du fonctionnement du génome bovin. Il est vrai que les variants impactant l’épissage avaient été peu étudiés chez cette espèce, et ces travaux ont révélé qu’ils jouent un rôle prépondérant dans l’élaboration des caractères.

Vers un élevage bovin plus agroécologique

En identifiant des variants ayant un effet biologique direct sur les niveaux des caractères bovins, il est possible de mieux cibler les variants qui devraient être pris en compte pour la sélection génomique pour faciliter la mise en place d’une agriculture plus agroécologique. Ainsi, ces travaux devraient contribuer à l’élevage d’animaux plus productifs, plus robustes et mieux adaptés aux enjeux de santé animale et de durabilité. Ils démontrent aussi la puissance des approches combinant génétique quantitative, génomique fonctionnelle et intelligence artificielle pour décrypter la complexité du fonctionnement des génomes.

Référence : Charles M, Gaiani N, Sanchez MP, Boussaha M, Hozé C, Boichard D, Rocha D, Boulling A. Functional impact of splicing variants in the elaboration of complex traits in cattle. Nat Commun. 2025 Apr 24;16(1):3893. doi: 10.1038/s41467-025-58970-5.

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