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La truite arc-en-ciel sait reconnaître les siens

Après une période d’entrainement à l'aide d'un dispositif associant une distribution d’aliment à des photos de nature différente, les truites arc-en-ciel sont capables de reconnaitre les photographies de leurs congénères parmi d’autres images.

Publié le 25 mars 2021

illustration La truite arc-en-ciel sait reconnaître les siens
© Violaine Colson - INRAE

Les recherches sur le bien-être des animaux d'élevage s’orientent de plus en plus vers la connaissance de leur statut cognitif, y compris celui des poissons. Les capacités cognitives ont ici été étudiées chez la truite arc-en-ciel, la première espèce continentale de poissons produite en Europe.

Pour cette étude, 15 jeunes truites arc-en-ciel ont été soumises à un conditionnement opérant à l'aide d'un dispositif composé de distributeurs automatiques d’aliment positionnés devant des photos affichées sur un écran. Après une phase d’entrainement à l’activation du déclencheur, le dispositif a été couplé à une épreuve de choix, afin de déterminer si la truite arc-en-ciel est capable de distinguer une photo représentant un congénère et entrainant une récompense alimentaire en cas d’activation (R+), d’une photo représentant différents objets, n’entrainant pas de récompense en cas d’activation (R-). La photo R+ représentait une truite (parmi quatre photographies différentes possibles).
Les épreuves comprenaient quatre étapes présentant des niveaux de difficulté croissante : (1) une forme bleue ; (2) une forme noire (étoile) ; (3) une photo d'un objet, parmi un panel de 60 ; (4) une photo d'une autre espèce de poisson, parmi un panel de 60.

Les photos R+ et R- étaient disposées aléatoirement à droite ou à gauche de l’écran.

Etapes    Photos R+                                                            Photos R-

Images projetées sur l'écran aux différentes étapes

Les formes bleues ont d'abord été choisies dans l’étape 1, car les chercheurs ont supposé que les formes ayant une couleur attrayante contrebalanceraient la préférence naturelle possible pour un stimulus biologiquement pertinent (un congénère). En effet, il a déjà été démontré que la couleur bleue est (avec le vert) préférée lorsqu'on donne le choix à la truite arc-en-ciel.
Dans l’étape 2, le nombre de formes utilisées a été réduit à une seule (l’étoile noire) parce que les truites ont échoué avec quatre formes différentes dans l’étape 1, et que d'autres espèces ont réussi en utilisant seulement une ou deux formes pour un plan d'étude similaire. En outre, dans cette étape 2, une couleur sombre (noir) a été choisie pour augmenter le contraste visuel entre les stimuli.
L'ensemble des objets utilisés dans l'étape 3 a permis de vérifier si les truites avaient seulement appris à éviter l'étoile noire dans l'étape 2 ou, au contraire, à associer la photographie d'un congénère à une récompense.

Tous les poissons qui avaient réussi la phase d’entrainement à l’activation du déclencheur (plus de 70 % d’activation sur trois sessions consécutives de 10 essais) ont effectué ces étapes dans cet ordre et sont passés à l'étape suivante dès qu'ils ont obtenu plus de 80 % de réponses correctes sur deux sessions consécutives.
 

Neuf poissons (sur 15) ont réussi à activer correctement le dispositif de conditionnement après 30 à 150 essais.
Ces neuf truites n’ont pas choisi leurs congénères par rapport à une forme bleue lors de l’étape 1, en raison certainement de leur préférence visuelle pour la couleur bleue qui était potentiellement plus forte que l’intérêt pour un congénère.
Les neuf truites ont ensuite pu distinguer les images de congénères d'une étoile noire (cinq individus sur cinq, étape 2) ou d’objets (quatre sur cinq, étape 3) à plus de 75 % mais aucune n’a pu discriminer ses congénères de poissons d’espèces différentes (étape 4) (50% de réponses correctes).
 Les truites semblent reconnaitre la forme d’un poisson par rapport à d'autres objets, mais ne discriminent pas une truite par rapport à un poisson d'une autre espèce (par exemple d'une autre couleur), peut-être en raison du caractère bidimensionnel d’une photo.

La capacité de discrimination visuelle dans ce dispositif complexe de conditionnement opérant est particulièrement remarquable et est ainsi montrée pour la première fois chez un poisson d'élevage. Cette capacité pourrait être exploitée pour développer des enrichissements cognitifs en vue d’améliorer le bien-être animal dans les élevages piscicoles.

Ce dispositif pourra également enrichir le répertoire des dispositifs utilisés jusqu’à présent pour l'étude des capacités cognitives chez les poissons.

Sylvie Andrérédactrice

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Violaine Colson contact scientifiqueLaboratoire de Physiologie et Génomique des Poissons

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