Agroécologie Temps de lecture 3 min
Transfert réussi d'un gène de résistance à la tavelure du pommier (Rvi6) vers le poirier : une première pour la famille des Rosaceae
Le pommier et le poirier, tous deux de la famille des Rosaceae, subissent de fortes attaques de tavelure causées par les champignons Venturia inaequalis sur le pommier et Venturia pyrina sur le poirier. Dans le cadre d’un projet réalisé par des scientifiques de l’IRHS (INRAE / Institut Agro / Université d’Angers), un gène de résistance à la tavelure du pommier, Rvi6, a été transféré vers le poirier. Cette étude a permis d’étudier la réponse à la tavelure du poirier ayant acquis le gène Rvi6, aux échelles macroscopique, microscopique et moléculaire, et de comparer cette réponse à celle du pommier porteur du même gène de résistance Rvi6.
Publié le 09 décembre 2022
La tavelure est la maladie fongique la plus importante du pommier et du poirier européen, à l’origine de très nombreux traitements pour limiter les pertes de production. Elle est causée par les champignons Venturia inaequalis sur le pommier et Venturia pyrina sur le poirier. Compte tenu de la proximité génétique du pommier et du poirier, le but de l’étude était de tester la possibilité d’améliorer la résistance du poirier à la tavelure en lui transférant un gène majeur de résistance du pommier (Rvi6). L’objectif était également d’analyser les mécanismes mis en œuvre en aval de la reconnaissance de Venturia par la plante afin de déterminer le degré de transférabilité fonctionnelle entre les deux pathosystèmes (Pommier/V. inaequalis, Poirier/ V. pyrina). En effet, lorsque le champignon arrive en contact avec la plante, il y a tout d’abord une étape de reconnaissance entre l’agent pathogène (Venturia) et la plante (pommier ou poirier), et un dialogue moléculaire s’instaure. S’ensuit la mise en place d’une signalisation chez la plante, notamment via l’activation de voies hormonales, qui aboutit au déclenchement de réactions de défense, afin de résister à l’installation et à la colonisation par le champignon.

Quels sont les mécanismes observés à l’échelle macroscopique, microscopique et moléculaire suite au transfert ?

A l’échelle macroscopique, les lignées de poirier portant le gène Rvi6 présentent des symptômes de résistance (appelés « pin-point » correspondant à une mort cellulaire programmée qui limite la propagation du champignon) et très peu de sporulation (duvet noir sur la feuille). Le transfert du gène Rvi6 à la variété Conférence lui permet donc de limiter l’invasion par V. pyrina.
A l’échelle microscopique, les observations de ces mêmes lignées de poirier s’avèrent très comparables à celles notées lors de l'interaction entre la variété de pommier Gala porteuse de Rvi6 et V. inaequalis. Le champignon émet de longs filaments germinatifs et de nombreux conidiophores (appareil végétatif du champignon portant les conidies, spores asexuées du champignon) avortés sans émission des conidies.
Afin de décortiquer les mécanismes moléculaires sous-jacents à ces observations phénotypiques, une étude comparative de l’expression des gènes de la plante suite à l’infection par le champignon a été réalisée. Elle révèle différentes cascades moléculaires en aval de la reconnaissance du pathogène par le gène Rvi6 chez les deux espèces, pommier et poirier.
Pour le pathosystème pommier /V. inaequalis, la transduction du signal s’effectue grâce aux signalisations calcique et hormonale, en particulier l’auxine et les brassinostéroïdes (BRs), sans implication de l'acide salicylique, pourtant connu dans l’établissement de la résistance chez beaucoup d’autres pathosystèmes. Ceci conduit à l'induction de réponses de défense telles qu'un léger remodelage des parois cellulaires primaire et secondaire, la biosynthèse de galactolipides, l'établissement d'un signal SAR (Systemic Acquired Resistance, réponse immunitaire généralisée à la plante entière) et la biosynthèse de flavonoïdes.
Pour le pathosystème poirier /V. pyrina, une fois la reconnaissance du pathogène effectuée, la transduction du signal implique le calcium et également des hormones : les brassinostéroïdes, mais surtout l’acide jasmonique (JA). La perception d'un signal SAR dans les tissus distaux est également observée. Cela conduit à l'induction de réponses de défense telles que le remodelage des parois cellulaires primaire et secondaire, la biosynthèse de cutine et de cires cuticulaires et la biosynthèse de flavonoïdes et de lignine.

chez le pommier et le poirier.
En conclusion, ce travail révèle que des mécanismes de défense sont bien activés chez le poirier suite au transfert du gène Rvi6 du pommier. Le transfert intergénérique est donc une méthode d’amélioration génétique envisageable pour la conception de résistances efficaces et potentiellement durables, en combinaison avec d’autres stratégies telle que par exemple le pyramidage de différents facteurs de résistance au sein d’une même variété.
PARTENAIRES SCIENTIFIQUES : Plateaux ANAN et IMAC de la SFR QuaSav (Université d’Angers, Angers, France), équipe ImHorPhen de l’IRHS, équipe de Henk Schouten Wageningen UR Plant Breeding
FINANCEMENT : ce travail a été soutenu par les projets SyntéPoirPom, financé par l’Université d’Angers, et TIFON, financé par le département Biologie et amélioration des Plantes (BAP) d’INRAE
PUBLICATIONS ASSOCIEES : Perchepied L, Chevreau E, Ravon E, Gaillard S, Pelletier S, Bahut M, Berthelot P, Cournol R, Schouten HJ, Vergne E. 2021. Successful intergeneric transfer of a major apple scab resistance gene (Rvi6) from apple to pear and precise comparison of the downstream molecular mechanisms of this resistance in both species. BMC Genomics 22 :843. https://doi.org/10.1186/s12864-021-08157-1