illustration Pour Sylvie Clerjon, la science c’est le sel de la vie !
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Alimentation, santé globale 3 min

Pour Sylvie Clerjon, la science c’est le sel de la vie !

De ses études en mesures physiques et électronique à son métier d’ingénieure de recherche en biophysique à INRAE, Sylvie Clerjon se livre sur son parcours, son métier et sur son ressenti concernant l’engagement des femmes et des filles dans la science.

Publié le 17 février 2022

 

A l’occasion de la Journée Internationale des Femmes et des Filles de Science du 11 février  2022, c’est par écrans interposés, télétravail oblige, que Sylvie Clerjon, Ingénieure de recherche à INRAE, se confie sur son parcours, sa profession et ses travaux de recherche, ainsi que sur sa place en tant que femme dans le monde scientifique, et la vision qu’elle porte sur cette problématique toujours fortement d’actualité.

Le rêve d’une vie scientifique telle qu’elle la connait aujourd’hui ne se dessine pas dès l’enfance pour Sylvie. C’est en classe de seconde, au lycée, qu’on l’oriente vers la filière scientifique grâce à ses bons résultats en mathématiques et elle sera dès lors, attirée par les métiers de science. Elle se voit déjà travailler dans un laboratoire et faire des expériences et cela lui plait. Après son bac scientifique, elle démarre un DUT Mesures Physiques, qui sera suivi d’une École d’Ingénieur en Génie Physique et Instrumentation, puis d’un doctorat de physique spécialité électronique.

Pendant tout son cursus, elle ne connait que très vaguement INRAE, loin de se douter que ce sera son futur employeur. En effet, pendant ses stages, elle officiera tour à tour dans un laboratoire de recherche optique, puis en tant qu’ouvrière dans une entreprise de fabrication de cartes électroniques pour les pousses seringues et enfin dans un laboratoire de recherche à l’université.  Pourtant, à la fin de sa thèse, elle entend parler d’un poste au sein de l’Institut et elle se rend compte que des passerelles sont possibles. Ses compétences développées en caractérisation de matériaux pour l’électronique peuvent servir pour mesurer les propriétés d’autres types de matériaux très différents, dans d’autres domaines scientifiques, comme la biologie ou l’agronomie.

À INRAE, Sylvie travaille au sein de l’unité Qualité des Produits Animaux (QuaPA), sur la plateforme AgroResonance. Elle utilise les technologies de Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) et d’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) pour mesurer les propriétés des aliments. Elle mène des travaux de recherche pour développer des méthodes pour observer certains noyaux, notamment le sodium, difficilement visibles et quantifiables par imagerie. L’objectif est donc de faire progresser ces techniques de RMN et IRM pour observer ces noyaux, tout en les appliquant à la qualité des aliments, à l’instar du projet Sal&Mieux, actuellement en cours (projet ANR porté par le CSGA d’INRAE Bourgogne). Dans le Work Package qu’elle dirige, il s’agit notamment d’étudier comment la répartition du sel dans l’aliment, et la manière dont le sel est lié à la matrice alimentaire, influent sur la sensorialité et notamment la sensodisponibilité (propriété qu’à un composé à être libéré en bouche et ressenti par le consommateur). « Quand ces mécanismes seront compris et maîtrisés, nous saurons proposer des pratiques domestiques qui utilisent moins de sel sans changer le goût ! » précise-t-elle. Par ailleurs, Sylvie étudie également, grâce à l’IRM fonctionnelle, le fonctionnement et les réactions du cerveau, humain et animal, par rapport aux aliments et notamment au sel, pendant des stimulations alimentaires.

Quand les mécanismes sel/matrice alimentaire/sensorialité seront compris et maîtrisés, nous saurons proposer des pratiques domestiques qui utilisent moins de sel sans changer le goût !

Homme ou femme scientifique : même cerveau, même combat !

« Femmes et science », Sylvie Clerjon connait bien la thématique. Il est souvent démontré l’importance d’un modèle pour les femmes qui veulent suivre une voie scientifique. Sylvie n’en a pas eu, ni au sein de sa cellule familiale, ni durant les premières années de sa scolarité. Ce n’est que pendant ses études supérieures qu’elle se rappelle avoir eu des liens forts avec certaines enseignantes, mais sa voie était déjà tracée.

La science comme discipline majoritairement masculine, Sylvie l’a bien connue. Que ce soit lors de son DUT ou à l’Ecole d’Ingénieur, elle a toujours fait partie de promotions composées de 20 % de femmes. Cependant, elle ne fait pas état de difficultés particulières quant au sexisme qu’elle aurait pu rencontrer. « Cela ne m’a pas dérangée d’être qu’avec des garçons. Le peu de filles qu’il y avait sont toujours des copines aujourd’hui et ça renforçait les liens entre nous. […] les profs étaient plutôt attentifs aux quelques filles qu’il y avait dans la promo », confie-t-elle, et ajoute avec humour : « Etre en binôme avec une fille c’était l’assurance d’un compte rendu de TP bien rédigé ». Ce monde masculin ne l’a donc pas freinée. C’est pourquoi elle répète régulièrement aux stagiaires qui visitent son laboratoire, et notamment aux filles, que « l’informatique, l’électronique, la physique, ce ne sont pas des matières que pour les garçons, nos cerveaux sont faits de la même façon donc on est tout à fait capables de réussir dans ces domaines ».

L’informatique, l’électronique, la physique, ce ne sont pas des matières que pour les garçons, nos cerveaux sont faits de la même façon donc on est tout à fait capables de réussir dans ces domaines.

Redorer l’image des métiers scientifiques auprès des jeunes

Pour elle, le problème ne réside pas dans les capacités mais plutôt dans l’image des métiers scientifiques ; il faut montrer aux jeunes filles l’intérêt de ces métiers qui peuvent parfois paraître austères mais qui sont en réalité passionnants par leur pluridisciplinarité. « C’est tout l’intérêt d’accueillir des stagiaires ou des jeunes en visite dans nos labos », admet Sylvie.

Bonne humeur et sourire sont au rendez-vous tout au long de cette interview, au cours de laquelle Sylvie nous offre un témoignage inspirant, qui casse les stéréotypes concernant la science et ses métiers. A l’aube du premier congrès « Femmes en sciences » organisé par l'Association fédérative nationale des étudiants universitaires scientifiques, avec le soutien d'INRAE du 18 au 20 février 2022, ses dires auprès du public qu’elle rencontre, jeune ou moins jeune, sont importants et encourageants pour l’avenir des femmes dans des disciplines scientifiques et techniques qui peuvent leur offrir un large spectre de possibilités et de réussites et où il ne devrait jamais être question de genre !

Mini CV :

  • 50 ans
  • Depuis 1999 Ingénieure de Recherche INRAE
  • 1998-1999 Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche, Université Jean Monnet de Saint-Etienne
  • 1998 Thèse de Doctorat de l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne
  • 1995 Diplôme d’Etude Approfondi « Dispositifs de l’Electronique Intégrée », Ecole Centrale de Lyon, INSA de Lyon, Université Claude Bernard de Lyon, Université Jean Monnet de Saint-Etienne
  • 1995 Diplôme d’ingénieur de Télécom Saint-Etienne