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Staphylococcus epidermidis : ami ou ennemi de la peau ?
INRAE et L’ORÉAL viennent de montrer que, suivant le contexte sain ou atopique, l'espèce Staphylococcus epidermidis va interagir très différemment avec la peau.
Publié le 28 juillet 2023
La peau possède à sa surface une population de microorganismes bactériens et fongiques constituant le microbiome cutané. Il est maintenant clairement établi que ce microbiome est indispensable à l’équilibre et à l’intégrité de la peau. Ainsi, un certain nombre de pathologies cutanées telles que la dermatite atopique sont caractérisées par une modification des différentes population microbiennes. On parle de déséquilibre du microbiome ou dysbiose. La bactérie commensale Staphylococcus epidermidis, objet de notre étude, est l’une des plus abondantes au niveau cutané, que ce soit sur peau saine ou sur les lésions de dermatite atopique. Dans le cadre d’un partenariat inédit entre INRAE et L’OREAL Recherche & Innovation, il a été montré que des isolats de S. epidermidis provenant de peaux saines et de peaux atopiques avaient des effets très différents sur l’intégrité de la peau. Il a été observé que cette différence d’effets des souches en fonction de leur origine (peau saine ou atopique) résidait en partie dans leur capacité plus ou moins importante à produire de petites molécules, appelées métabolites, issues d’un acide aminé courant : le tryptophane. Ces résultats viennent de paraître dans la revue Frontiers in Immunology le 26 mai 2023.
Staphylococcus epidermidis est une bactérie commensale omniprésente sur la peau humaine. Cette espèce est considérée comme un membre clé du microbiote de la peau saine. Elle est impliquée dans la défense contre les pathogènes, la modulation du système immunitaire et participe à la réparation des plaies. En même temps, S. epidermidis est aussi la deuxième cause d'infections nosocomiales et son hyperprolifération a été décrite dans des affections cutanées telles que la dermatite atopique. Plusieurs isolats de S. epidermidis peuvent coexister sur la même zone cutanée ; il en a été décrit plus de 800 à ce jour. L'élucidation des spécificités génétiques et phénotypiques de ces sous-espèces est essentielle pour mieux comprendre leur impact sur la santé de la peau. Par ailleurs, les mécanismes exacts par lesquels cette bactérie commensale interagit avec les cellules de l'hôte sont encore peu décrits.
Dans le cadre d’une collaboration CIFRE entre INRAE et L’OREAL R&I (thèse de Leslie Landemaine), une équipe de scientifiques a donc entrepris de caractériser une bibliothèque de 12 souches provenant de peau saine ou atopique. Les données génétiques des bactéries comme la caractérisation de leurs interactions avec des modèles 3D de peaux reconstruites ont donc été rassemblées.
Nous avons ainsi montré que les isolats issus de lésions de dermatite atopique altèrent la structure de l'épiderme des peaux reconstruites alors que les souches issues de peau saine ne le font pas. Une caractérisation génomique et phénotypique approfondie des isolats a révélé que cette différence d’effets pourrait être liée à leur capacité plus ou moins importante à produire des petites molécules issues du métabolisme du tryptophane. Ces métabolites issus de cet acide aminé sont importants pour la santé de la peau car ils activent des voies de signalisation impliquées dans la fonction barrière. Ces résultats sur une bibliothèque spécifique d’isolats cliniques fournissent de nouvelles informations sur la manière dont S. epidermidis peut interagir avec la peau pour promouvoir sa bonne santé. À plus long terme, cette découverte ouvre la voie au développement de nouvelles approches pour le soin et le traitement des peaux atopiques et à plus long terme des approches visant a promouvoir les facteurs bénéfiques des S. épidermidis au dépend des souches plus délétères.
Référence
Landemaine L. et al. (2023). Staphylococcus epidermidis isolates from atopic or healthy skin have opposite effect on skin cells: potential implication of the AHR pathway modulation. Front. Immunol. 14:1098160. doi: 10.3389/fimmu.2023.1098160