
Alimentation, santé globale Temps de lecture 10 min
Sophie Nicklaus, l’alimentation au cœur
Directrice scientifique Alimentation et Santé, Sophie Nicklaus s’est intéressée dès le début de sa carrière aux comportements alimentaires des enfants, pour comprendre les périodes et facteurs critiques de leur développement et leurs liens à la santé, dans l’optique de disséminer les résultats de ses travaux auprès du grand public et de nourrir les politiques publiques en nutrition et santé. Un parcours exceptionnel, au croisement de la science et des enjeux de société.
Publié le 13 octobre 2025
De la petite enfance aux mangeurs de demain…
Ingénieure INRAE, Sophie Nicklaus débute une thèse sur les préférences alimentaires des enfants. Elle s’appuie sur des données de consommation alimentaire collectées par un pédiatre auprès des enfants d’une crèche bourguignonne et par elle-même auprès des jeunes adultes qu’ils sont devenus. Des travaux essentiels qui éclairent en quoi les préférences alimentaires établies au plus jeune âge déterminent le comportement alimentaire jusqu’au début de l’âge adulte. Un thème majeur qui a toute sa place aujourd’hui encore au Centre des sciences du goût et de l’alimentation (CSGA). Une période importante qui forge l’intérêt de la jeune scientifique pour le sujet et qui l’entraine aux États-Unis où elle met en œuvre des recherches sur les expériences alimentaires chez le nourrisson lors de la diversification.
En 2006, de retour à Dijon en tant que chargée de recherche au CSGA, Sophie Nicklaus poursuit ses travaux sur les préférences gustatives et alimentaires des jeunes enfants dans la cohorte* OPALINE tout en cherchant à en comprendre les déterminants, et leur lien à l’état de santé de l’enfant, à travers son implication dans la cohorte ELFE.
* Une cohorte est un groupe de personnes qui partagent une caractéristique commune. Les cohortes sont souvent utilisées en épidémiologie pour suivre l'évolution de leur état de santé au fil du temps.
Le fil rouge des travaux de Sophie Nicklaus
- Apprendre à manger
- Favoriser une alimentation saine et durable
- Comprendre les associations avec l’état de santé
Tout s’accélère pour Sophie Nicklaus. Elle devient directrice de recherche en 2014, prend la direction de l’équipe « Déterminants du comportement alimentaire tout au long de la vie, relations avec la santé » du CSGA en 2017 et s’engage dans le programme Territoire d’innovation « Dijon, alimentation durable 2030 » qu’elle dirige scientifiquement à partir de 2020. Elle y développe le projet Chouette cantine qui initie les enfants à une alimentation saine et respectueuse de l’environnement.
Le succès de Chouette cantine dépasse rapidement Dijon. Le projet intéresse dorénavant d’autres métropoles. Il vaut à Sophie de participer à la School Meals Coalition, une initiative portée par les Nations unies qui vise à offrir un repas sain et nutritif à chaque enfant d'ici 2030 et à deux sommets des Nations unies sur les systèmes alimentaires où elle met en avant l’importance de la nutrition.
Une explication à tout cela ? Sophie évoque un projet porté par le souci constant de s’insérer dans les dispositifs existants pour y amener des connaissances au bon moment, au bon niveau, grâce aux bons relais….
Grâce au partenariat qu’elle a fédéré entre INRAE et le CNOUS, elle explore désormais les comportements alimentaires des jeunes adultes. « Il faut ancrer les enfants dans un comportement alimentaire ouvert sur des aliments de bonne qualité nutritionnelle le plus tôt possible. Et aussi équiper les mangeurs de tous âges de compétences et de connaissances qui leur permettent de privilégier une alimentation saine et durable, dans un environnement saturé de messages divers et contradictoires, et souvent délétères. »
…de la recherche à l’action publique
Très vite, Sophie s’investit pour que les connaissances scientifiques soient portées vers le grand public et irriguent les politiques publiques en nutrition santé. Elle collabore avec l’Anses, qui formule les recommandations et Santé publique France, chargée de mettre en place une politique de promotion de la santé. Cette agence nationale de santé publique s’appuiera sur les travaux de l’équipe de Sophie pour élaborer le guide Pas à pas, votre enfant mange comme un grand. Le petit guide de la diversification alimentaire, toujours en vigueur 4 ans après sa publication.
Alimentation et santé : des liens indéniables
Convaincue des liens entre alimentation et santé, elle travaille avec des épidémiologistes, s’appuyant sur des cohortes, pour mieux décrire les associations entre alimentation précoce et état de santé ultérieur.
En 2024, Sophie devient directrice adjointe Alimentation et Bioéconomie aux côtés de Monique Axelos.
Au nombre de ses activités, son implication auprès du Conseil national de l’alimentation où elle représente l’Institut ou sa participation aux discussions relatives à la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat qui vise à réformer les politiques alimentaires et à favoriser une alimentation saine et durable. Elle encourage les recherches sur la transformation des systèmes alimentaires dans les réseaux européens et internationaux, notamment au travers de l’initiative TSARA - Transformer les systèmes alimentaires et l'agriculture par la recherche en partenariat avec l'Afrique.
Sophie Nicklaus pilote pour INRAE le programme exploratoire de recherche « Systèmes alimentaires, microbiomes et santé », porté par l’institut et l’Inserm et financé dans le cadre du plan France 2030. L’ambition de ce PEPR ? Mieux comprendre le microbiome, les interactions alimentation-microbiomes-santé et trouver des conditions de mise en place de systèmes alimentaires durables pour concevoir et évaluer des politiques publiques, prévenir et traiter les maladies chroniques et tendre vers une médecine personnalisée. La boucle est bouclée… ou presque !
Des perspectives d’envergure
Aujourd’hui, les modes de vie et les modes d’alimentation évoluent tandis que les consommateurs semblent s’éloigner des recommandations de santé publique pour aller vers une alimentation plus déstructurée. En quoi ces évolutions sont-elles compatibles avec une alimentation durable favorable à la santé ? Comment s’insèrent-elles dans le continuum qui va de la production à la consommation en passant par la transformation ? Comment l’agriculture va-t-elle répondre à la demande des consommateurs ? Quel est l’impact des systèmes alimentaires sur l’environnement et la santé ? Quel est le rôle du microbiote intestinal dans ce contexte ?
Autant de questions que Sophie Nicklaus aura dans le périmètre d’action de ses nouvelles fonctions de directrice scientifique Alimentation et Santé d’INRAE à partir d’octobre 2025. En savoir plus
Mini-CV
54 ans
- Parcours professionnel
Depuis 2025 : Directrice scientifique Alimentation et Santé d’INRAE
2024-2025 : Directrice adjointe Alimentation et Bioéconomie d’INRAE
Depuis 2017 : Responsable de l’équipe Déterminants du comportement alimentaire tout au long de la vie, relations avec la santé, du Centre des sciences du goût et de l’alimentation (INRAE Bourgogne Franche-Comté)
Depuis 2006 : UMR Centre des sciences du goût et de l’alimentation, INRAE Bourgogne-Franche-Comté : chargée de recherches jusqu’en 2013, directrice de recherches depuis 2014.
2004-2005 : Post-doctorat, Centre des sens chimiques Monell, Philadelphie, USA
1998-2004 : Ingénieur d’études, UMR Arômes, INRAE Bourgogne-Franche-Comté
- Formation
2013 : Habilitation à diriger des recherches, université de Bourgogne, Dijon
2004 : Doctorat en science de l'alimentation, université de Bourgogne, Dijon
1995 : Ingénieur agronome, AgroParisTech
- Prix et distinctions
2022 : Laurier Défi scientifique d’INRAE
2022 : Chevalier de la Légion d’honneur
2018 : Prix international Danone pour l’alimentation