Changement climatique et risques 5 min
Sécheresse et embolie gazeuse chez les arbres
De 2005 à 2015, les chercheurs d'INRAE ont réalisé plusieurs avancées marquantes dans la compréhension de l’embolie gazeuse, principale cause de mortalité des arbres en cas de sécheresse sévère.
Publié le 30 août 2016
L’embolie gazeuse représente une des causes principales de la mortalité des arbres lors de sécheresses sévères. L’embolie gazeuse est une conséquence de la cavitation, c’est-à-dire une entrée d’air dans le circuit de circulation d’eau des arbres, ce qui entraîne la rupture de ce circuit. Dans un contexte de réchauffement climatique, ce dysfonctionnement hydraulique est devenu un sujet de préoccupation majeur.
Les chercheurs d'INRAE ont réalisé plusieurs avancées marquantes dans l’étude de ce phénomène.
2005 et 2015 : le Cavitron et le Mégacavitron
L’équipe d’Hervé Cochard (1) développe en 2005 à Clermont-Ferrand un appareil qui permet de mesurer rapidement la vulnérabilité à la cavitation d’un grand nombre d’espèces ou de génotypes d’arbres. Ce dispositif, appelé Cavitron, utilise la force centrifuge pour générer des tensions dans le tissu conducteur de sève et simuler ainsi les effets d’une sécheresse. En augmentant la vitesse de rotation de la centrifugeuse, on expose en quelques minutes le rameau à des conditions qu’il ne subirait qu’au bout de plusieurs semaines de sécheresse en conditions naturelles. En mesurant le flux d’eau qui traverse le rameau, on peut dresser la courbe de vulnérabilité de l’échantillon en moins d’une heure, soit un gain de temps d’un facteur 10 à 100 par rapport aux techniques antérieures.
Début 2015, Sylvain Delzon et Régis Burlett (2) crée à Bordeaux le Megacavitron, une version grande taille du Cavitron imaginé par Hervé Cochard. Ce Cavitron nouvelle génération va permettre aux chercheurs de tester la résistance à la sècheresse de nouvelles plantes : celles qui possèdent de longs vaisseaux conducteurs de la sève comme la vigne ou les espèces tropicales. Avec ces nouvelles possibilités d’expérimentation, le Megacavitron devrait donner un sérieux coup d’accélérateur aux travaux liés à la résistance des plantes à la sécheresse. Lire l'article.
2015 : l’arbre le plus résistant à la sécheresse au monde
En utilisant le Cavitron, un collectif international de chercheurs piloté par INRAE (3) identifie en 2015 l’espèce la plus résistante du monde à la sécheresse : Callitris tuberculata, une espèce issue de régions extrêmement arides d’Australie occidentale. Ces travaux montrent que les espèces de nos régions tempérées (chêne, pin, épicéa, hêtre) ont une marge de progression extrêmement importante et ouvrent de nouvelles pistes quant à l'amélioration de la résistance à la sécheresse.
2015 : Visualiser en direct la propagation des bulles d’air
Pour mieux comprendre le phénomène d’embolie gazeuse, les chercheurs d'INRAE ont mis au point une méthode d’observation qui permet de visualiser en temps réel la propagation d’une bulle à l’échelle de la cellule. Cette méthode utilise la microtomographie à rayons X, disponible entre autres sur les synchrotrons. On peut ainsi mettre en évidence une propagation de l’embolie selon des directions radiales dans le rameau (de la moelle vers l’écorce).
2014 : Entendre la formation des bulles dans le bois
Non content de visualiser les bulles d’air, on peut les entendre se former dans le bois !
« Lors des évènements critiques d’embolie gazeuze, les végétaux nous « parlent », explique Thierry Ameglio, en émettant des ultrasons que nous pouvons déceler avec des appareils acoustiques adaptés. Ce phénomène est connu depuis les années 70, mais les progrès technologiques récents nous permettent d’aller plus loin ». En effet les chercheurs ont enregistré les sons brefs émis dans les ultrasons par les arbres lors de la pénétration de bulles d'air dans les vaisseaux. Grâce à une méthode originale de préparation de fines tranches de bois qui reproduit les conditions de stress hydrique, les chercheurs ont montré que chaque entrée d'une bulle d'air se traduit par un "click".
2017 : Nouvelle technique optique de visualisation de l'embolie chez les plantes
En scannant une feuille à intervalles réguliers au cours de la déshydratation d'une plante, il est maintenant possible d'y visualiser la propagation de l'embolie dans les nervures. Cette méthode est basée sur la différence de transmission de lumière lorsqu'un vaisseau du xylème, rempli d'eau dans son état fonctionnel, se remplit d'air par le processus dit d'embolie au cours de la déshydratation. Lire l'article.
L’ensemble de ces résultats permet de progresser considérablement dans la compréhension des phénomènes de cavitation et d'embolie gazeuse et de dégager des pistes pour une meilleure résistance des arbres à la sécheresse.
(1) UMR PIAF (Inra, Université Blaise Pascal Clermont-Ferrand) : Physique et Physiologie Intégratives de l'Arbre Fruitier et Forestier.
(2) UMR BIOGECO (Inra, Université de Bordeaux) Biodiversité, Gènes et Communautés.
(3) UMR BIOGECO et UMR PIAF.
Références Cavitron Arbres résistants à la sécheresse Microtomographie Sons liés à l'embolie gazeuse |
L’embolie gazeuse de A à Z Le phénomène de l’embolie gazeuse est chez les arbres lié au fonctionnement très particulier de leur système hydraulique : l’eau circule dans les canaux du xylème, depuis les racines vers les feuilles, et ce transport ascendant est entretenu, contre la gravité, par la transpiration au niveau des feuilles, qui crée une aspiration de l’eau. La colonne d’eau dans les conduits hydrauliques, ainsi « tirée » depuis le haut, est ainsi comparable à une corde en tension. En cas de sécheresse grave ou prolongée, la tension augmente et de l’air peut pénétrer dans le réseau hydraulique dont les canaux se vident rapidement de leur eau. C’est la rupture de la colonne d’eau, comme si la corde cassait ! Cette bulle d’air peut ensuite se propager à d’autres canaux voisins par des ouvertures microscopiques situées dans leur paroi cellulaire : les ponctuations. Ce phénomène peut être grave, car la rupture d’une colonne d’eau signifie qu’elle n’est plus en mesure de conduire la sève brute vers les feuilles. Un trop grand nombre de canaux embolisés peut donc conduire à la mort de l’arbre. |