Biodiversité 3 min
Les richesses insoupçonnées du sol
Un gramme de sol contient un milliard de bactéries, de cent mille à un million d’espèces différentes. A ce titre, le sol constitue l’un des plus grands réservoirs de biodiversité et de ressources génétiques de notre planète. Mais avec d’importantes disparités, qui dépendent notamment de l’usage qu’on en fait.
Publié le 08 juillet 2020
Durant quinze ans, les chercheurs d’INRAE ont caractérisé la diversité des sols du territoire national, en s’appuyant sur l’échantillonnage de 2 200 sols prélevés pour le Réseau de Mesure de la Qualité des Sols. Ce colossal travail d’analyse est compilé dans l’Atlas français des bactéries du sol, premier ouvrage à inventorier l’ensemble de la diversité microbienne à l’échelle d’un pays. Et les nouvelles sont plutôt rassurantes.
Non, les sols français ne sont pas morts.
Non, les sols français ne sont pas morts. On trouve de la diversité et de l’abondance microbienne
dans tous les milieux, quel que soit l’usage qui en est fait. Bien sûr, les sols agricoles ou viticoles présentent une abondance microbienne moindre que ceux des forêts, mais un changement de pratiques pourrait suffire à rétablir cette richesse dans ces milieux perturbés. Les chercheurs prônent l’agriculture de conservation, qui consiste à couvrir les terres de végétation tout au long de l’année, soit par la mise en place d’intercultures, soit en enherbant les sols des parcelles viticoles, une pratique qui consiste aussi à limiter au maximum le travail du sol. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en remuant la terre, par exemple lors des labours, on casse les macrostructures, les agrégats. Autrement dit, on détruit la « maison » des microorganismes.
Comment préserver la biodiversité des sols ?
Et les conséquences sont néfastes à double titre car non seulement on perd de la biodiversité, avec notamment la disparition d’espèces capables de dégrader les polluants, mais cette pratique favorise l’émergence de bactéries pathogènes qualifiées de stratèges opportunistes, qui sont promptes à coloniser les environnements perturbés... et qu’il faudra combattre à l’aide d’intrants chimiques ! Pour les chercheurs, l’idéal consisterait à associer l’agriculture biologique, qui pallie la réduction des intrants par un important travail du sol, et l’agriculture de conservation. Mais combiner ces deux approches exige de solides connaissances techniques, une observation constante des parcelles et l’usage d’outils de suivi parfois complexes. C’est là que la science participative intervient.
Depuis plusieurs années, les chercheurs d’INRAE travaillent en étroite collaboration avec les agriculteurs, afin d’acquérir des connaissances, identifier leurs besoins et contraintes, dans le but de développer les outils et méthodologies adaptés à leur situation. Avec un objectif ambitieux : permettre à l’exploitant de construire un système durable, qui soit à la fois économiquement viable malgré une prévisible baisse des rendements, et suffisamment
simple à mettre en oeuvre pour éviter une surcharge de travail dissuasive.
Dans un hectare de sol cultivé, un entrelacs de racines abrite 1,5 tonnes de bactéries et 3,5 tonnes de champignons microscopiques. Sans compter les vers de terre, insectes, acariens… et toute une faune qui peut peser de 1 à 5 tonnes ! Cette biodiversité très riche fait la valeur de nos sols, participe à leur fertilité et contribue donc à la qualité de notre alimentation. Élément clé du bon fonctionnement de notre environnement, elle favorise la régulation du climat, le stockage du carbone, la qualité de l’eau...
ATLAS FRANCAIS DES BACTERIES DU SOL
Les sols abritent des communautés vivantes qui dépassent nos capacités de perception, par leur taille microscopique, mais aussi par leur incroyable foisonnement : dans un gramme de sol, on peut distinguer entre 100 000 et un million d’espèces de bactéries... Rien dans notre environnement quotidien, si ce n’est un ciel étoilé, ne nous prépare à une pareille abondance et une telle diversité.
Le travail réalisé par l’unité de recherche Agroécologie d'INRAE Bourgogne Franche-Comté qui étudie l’écologie microbienne des sols a permis de faire l’inventaire des communautés bactériennes des sols de France. Pour cela, les techniques les plus en pointe de séquençage d’ADN ont été utilisées et ces travaux ont débouché sur la réalisation d’un atlas qui nous offre un panorama de ces communautés bactériennes, nous sensibilisant à leur importance dans la qualité et la fertilité des sols. Cet atlas est construit en six parties : pré-requis scientifiques, méthodologies utilisées, portfolio de photos de souches bactériennes isolées des sols, distribution à l’échelle du territoire national d’indicateurs microbiens globaux, taxons bactériens identifiés dans les sols de France, grands habitats des bactéries des sols en France. La caractérisation de tels habitats constitue une approche innovante et s’appuie sur l’intégration et la confrontation de toutes les données environnementales disponibles et des variations de composition des communautés bactériennes.
Les auteurs : Battle Karimi, chercheuse, UMR Agroécologie INRAE Bourgogne Franche-Comté, Nicolas Chemidlin-Prévost Bouré, maître de conférences, UMR Agroécologie. Spécialisé en écologie des communautés microbiennes de sol, Samuel Dequiedt, ingénieur d’étude UMR Agroécologie INRAE Bourgogne Franche-Comté, Sébastien Terrat, maître de Conférences, UMR Agroécologie. Spécialisé en écologie microbienne du sol et en bio-informatique, Lionel Ranjard, directeur de recherche, UMR Agroécologie INRAE Bourgogne Franche-Comté.
Editions Biotope / Publications scientifiques du MNHN - 192 pages, 2018 – 30 euros
EXTRAIT
Les contaminants présents dans les sols résultent des activités agricoles, industrielles ou urbaines des populations humaines
Grâce à leur immense diversité et à leur potentiel d’adaptation, les bactéries du sol se maintiennent et se développent dans des conditions extrêmement variées en termes de température, de salinité, d’acidité, de disponibilité de l’oxygène, d’humidité mais également en termes de contaminations toxiques ou à risque pour la survie des organismes. Le principal critère de développement des bactéries est l’accès à une source d’énergie et à une source de carbone qu’elles puissent exploiter avec leur appareillage cellulaire. Certaines bactéries sont capables d’exploiter des composés toxiques comme source d’énergie et/ou de carbone pour leur croissance. Ce processus biochimique naturel s’appelle la bioremédiation. Cette capacité des bactéries leur donne un rôle clé dans le fonctionnement des sols et dans le maintien de la qualité de ces écosystèmes.
Les contaminants présents dans les sols résultent des activités agricoles, industrielles ou urbaines des populations humaines. Ces origines multiples impliquent que les types de contaminants qui peuvent se trouver dans les sols sont très variés. Les molécules constitutives de ces contaminants sont organiques ou minérales
(...) Selon les connaissances actuelles, des souches bactériennes impliquées dans la dégradation d’un grand nombre de contaminants ont été identifiées. Cependant certains polluants semblent non bio-dégradables ou non bio-transformables comme le Cadmium et le Plomb, des métaux lourds très difficilement adsorbés et métabolisés par les organismes (Vidali, 2001).