Changement climatique et risques Temps de lecture 6 min
Résilience et robustesse des vaches laitières face à une variation des apports alimentaires
Avec le changement climatique, l'incertitude croissante sur la disponibilité alimentaire pour l’élevage des ruminants impose de sélectionner des animaux robustes et résilients, capables de s’adapter à des variations de quantité et de qualité des fourrages. Il est bien connu que les vaches laitières présentent des différences individuelles de niveau production et de dynamiques de mobilisation et de récupération des réserves corporelles. L'objectif de cette étude était de vérifier si ces variations sont associées à différents niveaux de robustesse (capacité à maintenir la production laitière malgré des restrictions alimentaires répétées) et de résilience (capacité à récupérer après chaque restriction alimentaire), dans le cas de deux races : Holstein (Ho) et Montbéliarde (Mo).
Publié le 09 avril 2025

Les chercheurs de l’UMR Herbivores ont comparé les réponses métaboliques et productives de 22 vaches Mo et de 18 vaches Ho. L’expérimentation a commencé 28 jours avant le vêlage présumé de chaque vache et s’est terminée 158 ± 9 jours après le vêlage. Une épreuve nutritionnelle a été déclenchée à 87 ± 9 jours de lactation et a consisté en quatre périodes successives de restriction alimentaire, correspondant à 50 % des besoins énergétiques des animaux pendant 4 jours. Le reste du temps, les vaches étaient alimentées ad libitum.
La production laitière, la composition du lait, la matière sèche ingérée (MSI), les métabolites plasmatiques (acides gras libres, glucose, β-hydroxybutyrate, insuline) et la cyclicité ovarienne ont été mesurés.
Avant l’application des restrictions alimentaires, les vaches Ho ont produit plus de lait total et de lait corrigé selon son contenu en énergie (lait corrigé*) que les vaches Mo. Elles ont également présenté un bilan énergétique inférieur (5 vs. 16 MJ/j) et des concentrations plasmatiques en acides gras libres plus élevées (270 vs. 163 µM), indiquant une plus grande mobilisation des réserves adipeuses.
A partir de l’application des restrictions alimentaires, les vaches Ho ont d’abord maintenu une production de lait corrigé plus élevée que les vaches Mo, mais cette différence s’est atténuée au fil des restrictions (en passant de 2.7 kg/j à 1.3 kg/j d’écart).
Au niveau plasmatique, la concentration d’acides gras libres augmentait au cours de chaque restriction, passant de 92 µM avant restriction à jusqu’à 543 µM en moyenne pour les deux races, soit une augmentation de 400 à 490 % .
Cette concentration a atteint des niveaux plus élevés pendant les restrictions 1 et 2 pour les vaches Ho en comparaison avec les Mo (jusqu’à 607 µM pour les vaches Ho et 490 µM pour les vaches Mo) ; cette différence entre races disparaissait lors des restrictions suivantes. La capacité des vaches Ho à mobiliser et à transférer les acides gras dans le lait semblait diminuer, suggérant une robustesse plus faible que celle des vaches Mo. Après chaque restriction, la récupération de production de lait corrigé n’était pas différente entre races, indiquant une résilience similaire des animaux pour ce paramètre. Les vaches ont la capacité de répondre à l'épreuve nutritionnelle en réduisant la sécrétion de lait pendant les périodes de restriction grâce à la mise en place d’adaptations métaboliques aiguës permettant de soutenir la fonction de lactation et de récupérer rapidement leur niveau d'ingestion après chaque restriction.
Ces résultats montrent que les vaches Ho priorisent davantage la production laitière, en début de lactation, y compris durant un déficit d’apports nutritionnels sur une période courte, au détriment des réserves corporelles ; à l’inverse, les vaches Mo semblent prioriser davantage le maintien de leurs réserves corporelles. Cependant, face à des épreuves nutritionnelles répétées, la capacité des vaches Ho à maintenir un haut niveau de production de lait corrigé semble compromise, indiquant une moindre robustesse.
La séquence des restrictions alimentaires appliquées n’a pas permis de révéler des différences de résilience entre les races en termes de la production de lait corrigée : la remontée après chaque restriction a été similaire.
* Lait corrigé selon contenu en énergie, selon le système (INRA, 2007) et la formule :
Lait corrigé (kg) = production de lait (kg) × {0.44 + [0.0055 × (−40 + taux butyreux; g/kg)] + [0.0033 × (−31 + taux protéique; g/kg)]}/0.44.
Ce travail fait partie du projet GenTORE H2020 de l'Union européenne (n° 727213) et a été conduit dans l'UE Herbipôle (INRAE, UE1414).
Référence : Pires, J.A.A.; de la Torre, A.; Barreto-Mendes, L.; Cassar-Malek, I.; Ortigues-Marty, I.; Blanc, F., 2025. Production and metabolic responses of Montbéliarde and Holstein cows during the periparturient period and a sequential feed-restriction challenge. Journal of Dairy Science, 108 (2): 1495-1508 - https://doi.org/10.3168/jds.2024-25488