Agroécologie 5 min

La relation quadripartite entre légumineuses, bactéries fixatrices d’azote, pucerons et leurs symbiotes facultatifs disséquée pour la première fois

Il existe de nombreux travaux de recherche sur la relation entre les pucerons et leurs symbiotes facultatifs (SF), entre les pucerons et les légumineuses, ou encore entre les légumineuses et leurs bactéries symbiotiques fixatrices d’azote (BS). A l’inverse, l’interaction quadripartite pucerons-SF/légumineuse-BS est encore mal connue. Des chercheurs INRAE ont analysé l’impact de la nutrition azotée de la légumineuse modèle Medicago Truncatula sur son interaction avec le puceron du pois Acyrthosiphon pisum, porteur ou non de SF.

Publié le 20 septembre 2021

illustration La relation quadripartite entre légumineuses, bactéries fixatrices d’azote, pucerons et leurs symbiotes facultatifs disséquée pour la première fois
© INRAE, Bernard CHAUBET

Le puceron, ravageur des cultures de légumineuses

Les légumineuses sont la deuxième famille de plantes cultivées après les céréales. La majorité de ces végétaux présente une particularité connue de longue date, la capacité à fixer le diazote de l’air grâce à une symbiose avec des bactéries du sol. Ces bactéries symbiotiques du genre Rhizobium sont abritées au sein de structures particulières des racines de leur hôte, les nodules, où elles réduisent le diazote atmosphérique en ammonium, assimilable par la plante. Cette symbiose limite l’utilisation d’engrais azotés et participe à une fertilisation naturelle des sols, conduisant à une agriculture plus durable.

Tout cela serait parfait sans les pucerons. Ces petits insectes amateurs de sève constituent le principal groupe de ravageurs des légumineuses. Ils consomment exclusivement la sève élaborée, qui irrigue les plantes des sucres créés lors de la photosynthèse. Les pucerons peuvent vivre en association avec une ou plusieurs bactéries appelées symbiotes facultatifs qui leur procurent des avantages variés : résistance aux parasitoïdes, tolérance à un stress thermique, adaptation à une plante hôte… Pour mieux lutter contre ces ravageurs, des chercheurs INRAE ont cherché à savoir quel était l’impact du mode de nutrition (apport en nitrate ou symbiose) de la légumineuse modèle Medicago truncatula sur son interaction avec différentes lignées de pucerons variant uniquement par leurs symbiotes facultatifs. Ils ont publié les résultats de leur recherche dans la revue Proceedings of The Royal Society B.

Une symbiose Medicago truncatula/bactéries fixatrices d’azote mise à mal par les pucerons…

Première observation : lorsque M. truncatula se nourrit en azote par symbiose avec la rhizobiacée Sinorhizobium meliloti, l’infestation par des pucerons met à mal l’efficacité de la symbiose, ce qui se traduit par moins de nodules, qui sont moins efficaces dans la fixation d’azote et plus rapidement touchés par la sénescence. Les pucerons limitent donc la capacité des légumineuses à agir comme culture fixatrice d’azote dans les sols.

Cette efficacité symbiotique diminuée se retrouve dans la croissance de M. truncatula. Après 12 jours d’infestation par les pucerons, selon la lignée employée, les jeunes plantes ont un poids sec de 10 à 25 % inférieur aux contrôles non infectés. Un résultat similaire aux plantes nourries en azote par un apport en nitrate, qui pesaient le double de leurs congénères symbiotiques après 12 jours, malgré une masse sèche identique au départ de l’expérience. Ce différentiel de développement s’explique certainement par le coût énergétique à l’établissement de la symbiose plante/bactéries symbiotiques.

… mais capable de mieux se défendre que Medicago truncatula seule

Heureusement, la perturbation de la croissance des plantes symbiotiques par les pucerons s’accompagne également de difficultés accrues pour le puceron. Malgré des taux de survie similaires entre lignées de pucerons qu’ils soient sur des pousses symbiotiques ou non, les pucerons sur plantes symbiotiques présentaient un poids moyen moindre que sur les plants non symbiotiques, signe d’une moindre valeur sélective sur les légumineuses associées aux rhizobactéries. Cette diminution de valeur sélective par rapport aux plantes sans symbiose dépend de la lignée de pucerons utilisée, autrement dit des symbiotes facultatifs présents chez l’insecte.

Pourquoi les pucerons ont-ils plus de mal à se développer sur les plantes symbiotiques ? Celles-ci, en plus de la défense générique des plantes contre les bioagresseurs qui passe par la voie de l’acide salicylique, développent une défense spécifique contre les pucerons associée à la voie de l’acide jasmonique. 

Cette première analyse pose le cadre de futurs travaux pour généraliser ces observations en utilisant d’autres génotypes de plantes et de pucerons, ainsi que de rhizobactéries. Avec, en ligne de mire, la compréhension des mécanismes de défense mis en place par la plante en fonction de sa condition nutritionnelle, ainsi que le décryptage des mécanismes qui entraînent l’altération de la capacité fixatrice d’azote en présence de pucerons.

Référence : 
Pandharikar G., Gatti J.-L., Simon J.-C., Frendo P., Poirié M. (2020). Aphid infestation differently affects the defences of nitrate-fed and nitrogen-fixing Medicago truncatula and alters symbiotic nitrogen fixation. Proceedings of the Royal Society B, 287, 1934. http://dx.doi.org/10.1098/rspb.2020.1493

 

François MALLORDYRédacteur

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Jean-Luc GATTI ChercheurInstitut Sophia Agrobiotech (ISA)

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