Alimentation, santé globale 5 min

Une recherche d’exception au bénéfice de la santé des plantes

Directeur de recherche au sein du laboratoire des interactions plantes- microbes-environnement d’INRAE Occitanie-Toulouse, Sylvain Raffaele mène une « recherche qui change la donne », pour reprendre les propos de ses collègues. Des travaux d’envergure qui riment avec santé et sécurité alimentaire.

Publié le 27 novembre 2023

illustration Une recherche d’exception au bénéfice de la santé des plantes
© INRAE, Bertrand Nicolas

Interactions plantes microbes environnement, sur quoi travaillez-vous exactement ?

Sylvain Raffaele : Je travaille depuis plus de 10 ans sur l’immunité des plantes. Mon fil rouge, c’est de comprendre ce qui permet, côté plante, de résister à la maladie ou de supporter une charge infectieuse, et, côté champignon pathogène, de causer la maladie et de s’adapter aux défenses des plantes. Sans oublier l’influence que l’environnement peut avoir sur ces interactions.

Un peu de vocabulaire, de la résistance à l’immunité des plantes

La locution immunité végétale est d’usage récent. On employait plutôt les termes de « résistance générique » ou de « résistance variétale » pour désigner la capacité des plantes (ou des variétés cultivées) à résister aux agents infectieux. Mais cette résistance […] que l’on pensait autrefois d’un déterminisme génétique relativement simple, résulte bien d’un ensemble complexe de mécanismes moléculaires gouvernés par un grand nombre de gènes et régulés par de multiples interactions.

Christian Lannou, in L’immunité des plantes. Pour des cultures résistantes aux maladies (2021).

Nous nous focalisons sur des maladies causées par des champignons qui ont été jusque-là un peu moins étudiées par la communauté scientifique mais qui sont à l’origine de maladies importantes et assez prévalentes au niveau mondial. Parmi eux, l’agent de la pourriture blanche qui est un champignon généraliste, c’est-à-dire capable d’infecter beaucoup d’espèces végétales différentes, une capacité peu répandue.

Et concrètement, comment cela se traduit-il ?

Sylvain Raffaele : Dans mon équipe, nous privilégions des approches multidisciplinaires, associant génomique, biologie moléculaire et évolutive et modélisation mathématique. Point de vue technologie, nous avons tiré parti de techniques innovantes (séquençage nouvelle génération, phylogénomique…), même si nous nous ne nous interdisons pas de créer des outils spécifiques, par exemple, pour mesurer la maladie grâce à l’analyse d’images.

En étudiant les génomes des deux partenaires, nous avons mis en évidence des éléments clés qui favorisent le parasitisme chez des champignons pathogènes généralistes : par exemple, l’optimisation de leur génome leur permet de produire des protéines plus complexes , comme les protéines secrétées, avec la même quantité d’énergie ou encore l’expression modulée de certains gènes leur permet de répondre de façon spécifique à la plante à laquelle ils sont confrontés ou d’instaurer une certaine coopération entre cellules fongiques voisines. Grâce à celle-ci, l’organisme dans sa globalité est en capacité de faire face à des situations plus exigeantes, comme lorsqu’il doit affronter les défenses de la plante. Côté plante, des gènes conservés présents chez des espèces différentes ne sont pas mobilisés de la même façon, ce qui pourrait expliquer les différences de résistance de ces espèces. Cette course aux armements entre les plantes et leurs pathogènes constitue un exemple fascinant de biologie évolutive.

Sylvain Raffaele

Comment vos recherches ont-elles leur place dans notre société ?

Réduire les pertes dues aux maladies face à une demande alimentaire croissante.

Sylvain Raffaele : Comprendre comment fonctionne l'immunité des plantes et déchiffrer leur arsenal de défense face aux agressions parasitaires est essentiel pour produire des variétés résistantes et réduire la dépendance de l'agriculture à la protection chimique des cultures. Sur ce dernier point, la demande sociétale est forte !
lors que les gènes de résistance aux maladies des plantes déployés dans les champs sont contournés, en quelques années, du fait de l'évolution des pathogènes, nos recherches ouvrent de nouvelles perspectives, en matière de prédiction des épidémies à l'aide de la génomique ou de sélection de variétés de plantes résistantes guidée par le génome.

Quelles sont vos perspectives ?

Sylvain Raffaele : Il y a encore beaucoup de choses à faire !

Changement d’échelle ! Nous nous approprions actuellement des technologies d’étude à l’échelle de la cellule. L’intérêt ? C’est de comprendre ce qui se passe localement, notamment parce qu’un champignon est un organisme qui émet des filaments et qu’il existe des microenvironnements qui peuvent moduler les interactions plantes-champignons. D’autre part, les algorithmes qui permettent désormais d’analyser la structure des protéines à l’échelle d’un ou de plusieurs génomes nous donnent la possibilité de revisiter des analyses antérieures en privilégiant les propriétés des protéines plutôt que leurs seules séquences génétiques.

À côté de cela, les pistes de travail sont multiples. Par exemple, de nombreux champignons pathogènes utilisent les mêmes groupes de molécules à l’encontre des plantes. Ces molécules pourraient constituer une porte d’entrée pour cibler et générer des résistances larges.

Certaines questions sont en suspens. Qu’en est-il de la durabilité des mécanismes que nous avons décrits, en fonction de ce que les organismes vont rencontrer dans le temps ? N’oublions pas que trouver une résistance durable et l’utiliser sur le long terme est l’un des défis majeurs de l’agriculture d’aujourd’hui.


 

LE PORTRAIT DE SYLVAIN RAFFAELE
L'excellence des travaux de Sylvain Raffaele lui a valu le Laurier INRAE Défi scientifique 2023.
Découvrir son portrait.

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

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