Société et territoires 3 min

La recherche agronomique, un investissement économiquement « rentable » ?

Sur les 50 dernières années, pour le secteur agricole comme pour la société, la réponse est oui... Des économistes de l’Inra se sont penchés sur la question des impacts économiques des dépenses publiques consacrées à la recherche agronomique et donc sur la rentabilité de tels investissements.

Publié le 17 mai 2016

illustration  La recherche agronomique, un investissement économiquement « rentable » ?
© INRAE, SLAGMULDER Christian

Nous nous sommes tous un jour demandé si les impôts que nous payons et qui servent à financer la recherche agronomique, et notamment l’Inra mais aussi l’Enseignement supérieur agronomique, étaient bien employés. Cette question les économistes de l’Inra, comme leurs homologues du monde entier, se la sont aussi posée. Pour y répondre, ils ont mis en relation les gains de productivité de l’agriculture française avec les dépenses publiques consacrées par la France à la recherche agronomique. Pour ce faire, ils ont mobilisé une double approche, économétrique et comptable. Dans ces travaux, le temps a une importance fondamentale car les dépenses de recherche ne se transforment pas immédiatement en résultats de recherche et a fortiori en innovations. On estime à une vingtaine d’années le temps nécessaire pour qu’une recherche engagée atteigne, quand elle le peut, sa maturité en termes d’innovations. Aussi est-il indispensable d’examiner cette question des impacts économiques de la recherche sur une longue période. Le travail s’est donc intéressé aux 50 dernières années : 1946-2012 pour les données de productivité agricole et de dépenses publiques et 1960-2012 pour le calcul du taux de rentabilité interne (TRI).

Un taux de rentabilité interne des dépenses publiques françaises en recherche agronomique identique à ceux relevés dans les autres pays « développés »

Tant l’approche comptable du TRI que le calcul de celui-ci à partir d’une démarche économétrique mettent en évidence un taux de retour sur investissements de 30 % pour les dépenses réalisées dans les années 60. Cette valeur peut sembler élevée mais elle est cohérente avec les calculs du même type réalisés par d’autres économistes pour d’autres pays. Les années 60 sont en effet celles de la modernisation de l’agriculture française, des progrès génétiques dans le végétal et l’animal, de la généralisation de l’utilisation d’engrais de synthèse, etc.

À partir des années 1990, les dépenses publiques croissent plus lentement et les gains de productivité se réduisent. Le TRI peut en être affecté. Des travaux complémentaires sont en cours pour examiner si, par ailleurs, les évolutions des processus de recherche et des thématiques portées par la recherche agronomique ont eu un impact sur ses impacts économiques. Ainsi, le virage des années 80 vers des recherches plus « fondamentales » ou en tout cas, plus génériques, allonge le temps de transformation des recherches en innovations. En effet, l’internationalisation des résultats les éloigne, d’une part, de l’applicabilité immédiate mais est susceptible, d’autre part, de générer des gains de productivité ailleurs que dans le pays financeur qui peut en outre profiter d’innovations dues aux recherches d’autres pays. De même, la prise en compte croissante des dimensions environnementales, sanitaires, sociales liées à la production agricole a élargi les champs de préoccupations et les missions de la recherche agronomique. Les dépenses publiques dédiées à la recherche agronomique n’ont donc plus seulement visé les gains de productivité mais ont été également consacrées aux dimensions non marchandes de l’activité agricole.

Alors, devons-nous regretter les dépenses publiques consacrées à la recherche agronomique ? Si les calculs s’affinent sur le plan économique, il faut aussi prendre en compte les impacts non économiques : d’autres chercheurs de l’Inra ont mené des travaux complémentaires basés sur des études de cas et permettant d’identifier plus finement 4 champs de bénéfices en dehors du domaine économique : politique, sanitaire, environnemental et territorial-social.

En savoir plus: les impacts socio-économiques des recherches de l’Inra

À la différence du TRI qui est une approche économique appliquée globalement au niveau sectoriel, l’approche Asirpa - Analyse socio-économique des impacts de la recherche publique agronomique – s’appuie sur une trentaine d’études de cas, toujours des « success stories », en retrace la chronologie et le chemin d’impact et propose une évaluation de l’intensité des impacts dans les domaines économique, politique, sanitaire, environnemental et territorial-social. La complémentarité entre ces deux approches était explorée lors d’un colloque, le 28 septembre 2015 à Paris.

La méthode Asirpa montre qu’une vingtaine d’années en moyenne est nécessaire avant qu’une recherche aboutisse à une innovation ou une avancée qui a un réel impact dans la société et que la nature et la qualité du partenariat que la recherche met en place avec les acteurs du développement et les acteurs économiques, sont des facteurs-clés du processus de passage des résultats de recherche à l’innovation. Elle montre aussi que les impacts économiques les plus importants ont été apportés par le progrès génétique animal et végétal. Les impacts de la recherche publique peuvent être plus rapides. Par exemple, pour le bisphénol A, 10 ans entre les premières publications et l’interdiction du BPA dans les biberons (2009) puis dans l’ensemble des contenants alimentaires (loi de 2011 en application début 2015).

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