Société et territoires 4 min
Production contrôlée de truffes blanches made in France : une première mondiale
COMMUNIQUE DE PRESSE - Tuber magnatum Pico, connue sous le nom de Truffe blanche du Piémont ou Truffe blanche d’Italie, est la truffe la plus rare et la plus chère. Elle est récoltée exclusivement en forêt dans quelques pays d’Europe, mais l’offre n’arrive souvent pas à combler la forte demande mondiale pour ce champignon. Depuis 2008, après 9 ans de recherches conjointes entre INRAE et les pépinières ROBIN, les premières plantations truffières ayant pour but sa culture ont pu être faites en France. La persistance de la truffe blanche a été vérifiée dans des truffières ayant de trois à huit ans, et dans l’une d’elles, âgée de quatre ans, les premières récoltes ont eu lieu en 2019. Les résultats scientifiques de ces travaux sont parus le 16 février dans la revue Mycorrhiza. La production de fructifications de T. magnatum dans une plantation hors de son aire de distribution naturelle est une première mondiale ouvrant la voie au développement de la culture de cette truffe en France mais aussi ailleurs dans le monde.
Publié le 16 février 2021
Cette truffe se vend en moyenne de 1500 à 3000 €/kg. Mais chaque année son prix s'envole lors de ventes aux enchères, il peut atteindre 50 000 €/kg !
La truffe blanche italienne (Tuber magnatum Pico) est la star des truffes pour de nombreux grands restaurants gastronomiques à travers le monde. Son parfum particulier la rendait déjà unique dans les années 1700, alors que les princes de Savoie l’utilisaient dans leurs négociations diplomatiques. La fructification (truffe) de T. magnatum est produite par un champignon qui vit en symbiose avec des arbres tels que les chênes, les saules, les charmes et les peupliers. Cette truffe est récoltée naturellement en Italie, dans la péninsule balkanique, plus rarement en Suisse et dans le sud-est de la France. La production annuelle de cette truffe est de quelques dizaines de tonnes. Les tentatives de culture de T. magnatum ont commencé dans les années 1970 en Italie, où plus de 500 000 plantes ont été vendues. Les premières truffes ont été récoltées 15 à 20 ans après la plantation, uniquement dans une dizaine de plantations, toutes dans des zones où cette truffe est présente naturellement. Il est donc impossible de confirmer que la production est due aux arbres plantés ou à la truffe présente naturellement dans ces régions.
Chaque plante est vérifiée individuellement avant sa commercialisation par des experts INRAE.
Depuis 2008, la pépinière ROBIN commercialise des arbres mycorhizés par T. magnatum suivant le procédé INRAE/pépinières ROBIN, sous licence et contrôle d’INRAE. Chaque plante est ainsi vérifiée individuellement avant sa commercialisation par des experts INRAE, qui contrôlent la présence de la truffe en analysant des caractéristiques morphologiques et effectuant des analyses ADN. Dans un programme de recherche conjoint INRAE/pépinières ROBIN, cinq plantations françaises ont été étudiées. Le premier résultat est la persistance dans le sol trois à huit ans après plantation de la truffe blanche pour quatre plantations réparties dans des régions au climat différent (Rhône-Alpes, Bourgogne Franche Comté et Nouvelle Aquitaine). Le principal résultat de ce travail a été la récolte en 2019 de trois truffes et quatre en 2020 dans la plantation de Nouvelle-Aquitaine. Ces truffes sont ainsi les premières récoltées dans une plantation en dehors de l'aire de répartition géographique naturelle de cette espèce.
La trufficulture connaît un essor mondial depuis quelques années. En France, elle se développe également dans de nombreuses régions en permettant aux agriculteurs de se diversifier tout en respectant l’environnement : c’est une culture agroécologique ne nécessitant pas d’intrants chimiques et favorisant la biodiversité. Les résultats de cette étude ouvrent la voie à la culture de T. magnatum hors de sa zone de distribution naturelle, à condition de planter des plants mycorhizés de haute qualité dans des sols adaptés et d'appliquer une gestion appropriée des plantations.
Cette première mondiale a été saluée par Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité.
« En tant qu’ancien député des Hautes-Alpes et membre du Gouvernement en charge de la défense des territoires ruraux, je tenais à saluer cette première mondiale. Elle illustre parfaitement toute la capacité d’innovation de la ruralité que le Gouvernement accompagne et encourage. »
Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité.
Un champignon qui vaut de l’or
Les truffes sont des champignons vivant en association strict avec les arbres (symbiose mycorhizienne), où chacun bénéficie de l’autre. La truffe puise dans le sol des minéraux essentiels à l’arbre, qui en échange fournit du sucre à la truffe. On dénombre 180 espèces de truffes dans le monde, mais seules quelques unes ont un intérêt gastronomique et économique. Les plus connues sont la truffe noire (Tuber melanosporum Vittad), la truffe d’été ou d’automne (Tuber aestivum Vittad) et la truffe blanche (Tuber magnatum Vittad).
La truffe blanche, plus connue sous le nom de "Truffe blanche d'Alba" ou "Truffe blanche du Piémont", est principalement récoltée dans les Balkans et en Italie où elle constitue une composante cruciale du patrimoine local. A l'échelle européenne elle représente une importante part économique, la seule activité de récolte en forêt génère une économie estimée à 0,9 milliard € /an. L’offre étant très inférieure à la demande, cette truffe, au parfum très particulier, se vend en moyenne de 1500 à 3000 €/kg. Mais chaque année son prix s'envole lors de ventes aux enchères, il peut atteindre 50 000 €/kg !
Référence
Bach, C., Beacco, P., Cammaletti, P. et al. First production of Italian white truffle (Tuber magnatum Pico) ascocarps in an orchard outside its natural range distribution in France. Mycorrhiza (2021). https://doi.org/10.1007/s00572-020-01013-2
Le replay de la conférence de presse
Le programme de recherche INRAE/ROBIN
La culture de la truffe repose sur la technique de la mycorhization contrôlée, un association symbiotique entre un jeune arbre, par exemple le chêne, et un champignon, la truffe. Les plants mycorhizés avec la truffe noire (T. melanosporum), appelé aussi plants truffiers, ont été mis au point dans les années 1970 à l'Inra de Clermont-Ferrand. Actuellement 90 % de la production de truffes noires récoltées en France provient de plantations faites avec des plants mycorhizés. Pour la truffe blanche (T. magnatum) la mycohization contrôlée a été beaucoup plus difficile à mettre au point, c’est pourquoi jusqu'à aujourd'hui cette truffe était exclusivement récoltée en forêt.
Un partenariat INRAE et les pépinières ROBIN, initié en 1999, a permis de mettre au point une méthode fiable de production à grande échelle de plants mycorhizés par T. magnatum. Ce programme de recherche conjoint INRAE/Pépinières ROBIN a conduit à l’obtention des premiers plants mycorhizés en 2003. En vue de valoriser ce savoir faire exclusif par la production et la commercialisation des plants mycorhizés par T. magnatum, un droit d'option de licence a été déposé par les pépinières ROBIN auprès des services d'INRAE Transfert. C'est en 2008 que ce droit d’option s’est transformé en un contrat de licence pour l'exploitation du procédé INRAE/ROBIN. Les plants mycorhizés ainsi produits sont maintenant commercialisés par les pépinières ROBIN après un contrôle morphologique et ADN unitaire par des agents INRAE.