Agroécologie 7 min

Des prélèvements de salive permettent de discriminer les différents stades du cycle de reproduction chez la jument

Les concentrations salivaires du précurseur (la prégnénolone) et de plusieurs métabolites de la progestérone pourraient être de bons biomarqueurs pour différencier les juments cycliques, gestantes ou en anœstrus. Les différences de concentrations observées permettent d’envisager le développement d’un test salivaire de gestation ou de cyclicité applicable facilement sur le terrain.

Publié le 18 janvier 2023

illustration Des prélèvements de salive permettent de discriminer les différents stades du cycle de reproduction chez la jument
© UE PAO - section équins

Les techniques d’analyses ‘omics’ permettent un phénotypage précis, au niveau moléculaire, et peuvent être utilisées par l’éleveur comme outil de diagnostic et d’aide à la décision. Elles sont une piste pour le développement de l’élevage sur mesure, c’est-à-dire dont la cible sont les individus. Les stéroïdes sont de bons candidats pour cet objectif, dans la mesure où ils sont impliqués dans la régulation de nombreuses fonctions, en particulier la fonction de reproduction.
Actuellement, la plupart des études visant à tester les stéroïdes comme marqueurs des stades physiologiques des femelles d’élevage se sont focalisées sur leurs concentrations plasmatiques. Toutefois, les prises de sang réalisées pour des dosages hormonaux afin de déterminer le stade physiologique d’un animal peuvent être stressantes et provoquer une douleur plus ou moins importante en fonction de l’animal et du manipulateur, voire conduire à une réaction de retrait potentiellement dangereuse.

L’objectif des chercheurs de l’UMR PRC, en collaboration avec l’UE PAO, est de développer des méthodes alternatives aux prises de sang pour limiter les actes invasifs dans le cadre de la gestion de la reproduction des mammifères d’élevage. Les prélèvements de salive sont des actes non douloureux et non invasifs, qui peuvent être effectués facilement sur le terrain. Ils sont utilisés fréquemment chez l’humain, notamment chez les enfants, et sont en cours de développement chez les mammifères domestiques.

Le but de cette étude était d’analyser l’ensemble des molécules dérivées des stéroïdes (le stéroïdome) de la salive de juments à différents stades du cycle de reproduction, afin d’identifier si certaines de ces molécules pourraient constituer des biomarqueurs salivaires spécifiques des différents stades physiologiques liés à la reproduction.

Prélèvement de salive (avec salivette®) sur une jument
Prélèvement de salive (avec salivette®) sur une jument

Pour cela, nous avons collecté de la salive à l’aide d’une Salivette® sur 6 juments à 7 stades physiologiques différents : en anœstrus, en phase folliculaire 3 jours, 2 jours et 1 jour avant l’ovulation, le jour de l’ovulation, en phase lutéale 6 jours après l’ovulation, en gestation 18 jours après ovulation et insémination artificielle. Des prélèvements sanguins ont été réalisés en même temps que les prélèvements de salive pour comparer les concentrations salivaires et plasmatiques. Les analyses ont été réalisées par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse en tandem (U1195 INSERM Université Paris Saclay), technique de référence en termes de sensibilité, spécificité et précision pour identifier et quantifier les stéroïdes dans un échantillon biologique.

Vingt-cinq stéroïdes ont été détectés et quantifiés dans la salive des juments, dont la progestérone et ses dérivés (dihydroprogestérone, tétrahydroprogestérone, hexahydroprogestérone, hydroxyprogestérone), la prégnénolone et ses dérivés (dihydroprégnénolone et prégnénolone sulfate), la corticostérone, la cortisone, les androgènes (déhydroépiandrostérone, déhydroépiandrostérone sulfate, androsténédiol) et les œstrogènes (œstrone, œstradiol-17beta, œstriol).
Les concentrations salivaires de prégnénolone, précurseur de la progestérone, sont significativement plus élevées en gestation et tendent à être plus élevées en phase lutéale par rapport à l’anœstrus et aux jours précédents l’ovulation. En revanche, les concentrations plasmatiques de prégnénolone ne présentent pas de différences entre stades.
Les concentrations de progestérone dans la salive sont faibles et ne sont pas significativement différentes entre les 7 stades physiologiques étudiés, alors que les concentrations plasmatiques sont significativement plus élevées en phase lutéale et en gestation par rapport à l’anœstrus et à la phase folliculaire.
En revanche, les concentrations salivaires et plasmatiques de la plupart des métabolites 5alpha-réduits de la progestérone sont plus élevées en phase lutéale et en gestation par rapport à l’anœstrus et aux jours précédant l’ovulation.

En conclusion, les concentrations salivaires du précurseur et de plusieurs métabolites réduits de la progestérone sont plus élevées en phase lutéale et en gestation par rapport à l’anœstrus et à la phase folliculaire. Ces stéroïdes pourraient donc être des biomarqueurs salivaires permettant de différencier les juments cycliques, gestantes ou en anœstrus. Une étude complémentaire sur un plus grand nombre de juments est en cours pour confirmer ces résultats. Les niveaux de concentrations de la prégnénolone détectées dans la salive (de 0,5 à 6 ng/ml) permettent d’envisager l’utilisation de kits commerciaux de dosage EIA afin de développer un test salivaire de gestation ou de cyclicité applicable facilement sur le terrain.

Contacts

Ghylène Goudet contact scientifiqueUnité de Physiologie de la Reproduction et des Comportements

Le centre

Le département

En savoir plus

Biodiversité

Recherche équine : un apport d’arginine en fin de première gestation chez les juments améliore la disponibilité en glucose pour leur poulain

COMMUNIQUE DE PRESSE - Des chercheurs de l’Inra en collaboration avec l’IFCE (Institut Français du Cheval et de l'Equitation) révèlent que les juments dont l'alimentation est supplémentée en arginine durant leur première gestation ont un métabolisme mieux adapté et une fonction placentaire améliorée en comparaison des juments non supplémentées. Pour la première fois, les scientifiques mettent également en évidence la moindre adaptation du métabolisme du glucose des juments lors de leur première gestation. Publiés dans Scientific reports le 23 avril 2019, ces résultats ouvrent des perspectives prometteuses pour la filière équine.

27 décembre 2019

Agroécologie

Des biomarqueurs de la période de réceptivité à "l'effet mâle" dans la salive des jeunes truies

Dans l’objectif de développer des méthodes alternatives aux traitements hormonaux pour la synchronisation des cycles des jeunes truies (cochettes) mises à la reproduction pour la première fois, des biomarqueurs de la réceptivité à « l’effet mâle » ont été recherchés dans leur salive. En effet, l’exposition des jeunes truies au verrat favorise la synchronisation de la première ovulation. Une étude du métabolome* et du stéroïdome* salivaires a permis d’identifier neuf biomarqueurs potentiels, notamment la progestérone et trois de ses métabolites, qui pourraient permettre de mieux repérer les cochettes réceptives à l’effet mâle.

08 février 2021