Biodiversité 2 min

Politique et écologie : les deux absents de la crise de la biodiversité

Fort de connaissances en écologie, doublées par un intérêt prononcé pour la philosophie des sciences, l’auteur interroge dans un ouvrage à paraître aux éditions Quae, l’articulation entre le savoir et le pouvoir dans la crise écologique. Au travers d’un historique des politiques de conservation de la nature, la sentence tombe : le défi écologique ne peut que réussir à échouer !

Publié le 20 octobre 2021

illustration Politique et écologie : les deux absents de la crise de la biodiversité
© INRAE

Et si l’épineux sujet du déclin de la biodiversité relevait plutôt d’une question politique que d’une réduction drastique du nombre d’espèces présentes sur Terre ? Plus qu’une question c’est l’un des constats délivrés par l’écologue Vincent Devictor. Son postulat : malgré 150 ans de recul et autant d’études scientifiques qui attestent de la responsabilité humaine dans le drame écologique, le discours politique continue de s’enliser dans une rhétorique de la promesse. Avec pour conséquence une accélération de l’érosion de la biodiversité mondiale.

Deux mécanismes sont à l’origine de cette résistance au changement. De nature politique, le premier a conduit à la mise en place d’un « management » de la crise. De fait les responsables ne sont plus identifiables, les notions de développement durable et de coûts-bénéfices émergent, les rendez-vous au sommet se multiplient –Club de Rome, Sommet de la Terre de 1992, conférence de Paris de 2015-, les promesses de changement s’accumulent. Mais le débat devient dépolitisé. Pire cette crise est peu à peu privée de sa nature même, l’écologie. L’analyse du terrain laisse place à une biodiversité abstraite. Les concepts de services écosystémiques et de compensation écologique s’imposent au détriment de l’analyse fine des systèmes écologiques et de leurs interactions. Au fond, le vivant est réduit à un stock de choses, et la crise de la biodiversité seulement imputable à la mauvaise gestion de ce stock.

Pour autant, loin d’être une fatalité, la crise écologique dispose de solutions déjà énoncées par le passé. L’auteur –dont l’analyse rejoint les conclusions de l’IPBES[i]- dénonce les stratégies politiques et rhétoriques de contournement des changements nécessaires. Abandonner l’idéologie de la croissance et de la consommation comme seul horizon souhaitable et revenir aux causes et aux conséquences de la destruction de la nature. Des pistes pour une politique de la protection de la nature résolument ambitieuse.

 

[i] Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques

 

 

 

A propos du livre 
Titre : Gouverner la biodiversité ou comment réussir à échouer
Dépôt légal : 2021, Editions Quae, coll. Sciences en question, 82 pages – 9,5 euros
ISBN : 978-2-7592-3438-7

 

A propos de l’auteur 
Directeur de recherche en écologie, Vincent Devictor mène ses travaux au CNRS au sein de l’Institut des sciences et de l’évolution de Montpellier depuis plus de 10 ans. Il s’intéresse à l’impact de la destruction des habitats, des pratiques agricoles ou du changement climatique sur la biodiversité. En 2011, il réalise un de doctorat en philosophie afin d’interroger l’articulation entre le savoir et le pouvoir dans la crise écologique.

 

A propos du groupe « Sciences en questions » 

Créé au sein d'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) - alors Inra (Institut national de la recherche agronomique) -, le groupe s’est donné pour mission d’animer la réflexion des acteurs de la recherche en questionnant les manières dont la science se fait et comment elle conçoit sa responsabilité vis-à-vis de la société et de l’environnement naturel. Cet objectif se concrétise par l’organisation de conférences-débats qui sont transcrites dans des ouvrages publiés aux éditions Quæ, dans la collection homonyme « Sciences en questions ».

 

Extrait 

« Pourquoi ce gouffre entre, d’une part, le savoir scientifique qui alerte et quantifie depuis près d’un siècle les causes et les conséquences de la dégradation de l’état écologique de la planète et, d’autre part, l’action politique qui semble seulement capable de multiplier des sommets, de constater, de promettre, mais ne rien pouvoir infléchir ? Quel modèle politique peut-il aujourd’hui prétendre enrayer la perte de biodiversité ? Pourquoi tant de rapports sur l’état dégradé de la biodiversité et tant de reports des politiques ambitieuses de sa protection ? Pourquoi la transition écologique semble-t-elle être conçue pour durer éternellement ? En somme, pourquoi réussissons-nous à échouer avec autant de brio en matière de politique écologique ? (…) Le problème n’est évidemment pas l’absence d’une définition ou d’une mesure univoque de biodiversité. L’écologie est en partie construite sur cette richesse intellectuelle et méthodologique. Le recensement et la mesure comptable de la biodiversité ne sont pas un enjeu pour beaucoup d’écologues. Le problème se situe davantage sur le plan politique, car à trop regarder le compteur on oublie de regarder la route ou plus exactement le trajet emprunté »

 

 

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