Biodiversité 4 min
Le pin maritime rattrapé par un de ses champignons pathogènes
La distribution spatiale passée des forêts explique la répartition actuelle de la maladie dans les nouvelles plantations.
Publié le 04 décembre 2015
Face à la demande croissante en bois dans le monde, la surface dédiée aux plantations forestières ne cesse d'augmenter1. Ces nouvelles plantations, généralement réalisées sur de vastes superficies, n’utilisent qu’une seule espèce, et parfois un seul clone d'arbre. De tels écosystèmes fortement homogènes du point de vue spécifique et génétique, se révèlent vulnérables, en particulier face aux attaques de nombreux bio-agresseurs endémiques ou introduits (bactéries, champignons, insectes, nématodes, etc.). Dans une publication parue le 1er décembre 2015 dans Forest Ecology and Management, des chercheurs de l'Inra Bordeaux-Aquitaine (UMR BIOGECO) et Nancy-Lorraine (UMR EEF et IAM), en collaboration avec le Ministère de l'Agriculture (Département de la Santé des Forêts) ont mis en évidence, en utilisant des cartes du XVIIIe siècle, le rôle des zones les plus anciennement boisées comme source de maladies pour les plantations des pins maritimes massivement réalisées dans le massif landais à la fin du XIXe siècle.
Initialement, le plateau landais était essentiellement composé de landes et de marais. Ce n’est qu’à partir de 1857 et la "loi relative à l'assainissement et la mise en culture des Landes", édictée par Napoléon III, que ce territoire fut drainé et planté sur près d’un million d’hectares avec une espèce locale à fort intérêt économique, le pin maritime (Pinus pinaster). Les premières observations de mortalités de pins associées au pourridié racinaire Armillaria ostoyae (Basidiomycète) sont réalisées dès le début du XXe siècle sur la zone côtière, où les premières plantations avaient été opérées pour fixer la dune2. Depuis, la maladie est communément observée dans le massif et semble progresser à partir de la zone côtière, particulièrement depuis une trentaine d'années, suggérant une expansion lente mais continue à partir de sources initiales, jusqu’alors mal identifiées.
A partir d'un travail épidémiologique utilisant les cartes de Cassini réalisées au XVIIIe siècle, permettant l'identification des zones forestières préexistantes aux grandes plantations de la seconde moitié du XIXe siècle3, les chercheurs ont pu relier la présence actuelle de la maladie dans le massif à la localisation de ces fragments forestiers initiaux, ainsi qu'à l'importance des premières plantations côtières ayant servi à fixer les dunes. Ces résultats suggèrent que le champignon A. ostoyae, considéré comme endémique dans la région, a pu se disperser dans les nouvelles plantations gagnées sur la lande à partir de ces boisements préexistants, localisés dans la zone côtière et le long des cours d'eau. Ainsi, le transformation majeure du paysage du XIXe siècle, associée à des plantations de pins en continu, a sans doute permis aux populations du champignon présentes dans les écosystèmes préexistants de se développer largement dans la région et de provoquer aujourd'hui d'importants dégâts dans certaines zones du massif.
Bien que l’Armillaire soit encore peu considéré comme un risque majeur pour les plantations de pins dans le massif, à l’exception de la zone littorale, sa possible expansion vers l’intérieur du plateau landais laisse présager une augmentation des risques dans les prochaines années et des pertes économiques potentiellement croissantes. Les zones de forte densité en Armillaire, identifiées au travers de ces recherches, pourraient constituer des zones de multiplication rapide de nouveaux foyers qu’il conviendrait de surveiller attentivement dans les prochaines années. L’expansion de l’Armillaire et d'autres agents pathogènes ou d'insectes pose plus globalement la question de la diversification des plantations du massif landais. L’homogénéité à l’échelle du massif et la replantation systématique du pin maritime sur les parcelles apparaissent comme des situations particulièrement favorables au maintien et à la dispersion de la maladie. Elles pourraient, sous certaines conditions restant à étudier, favoriser l’augmentation de l’agressivité du champignon.
1 - FAO (2013) Planted forests are a vital resource for future green economies. In:Planted forests increasing in importance worldwide, p. 6. Estoril, Portugal.
2 - Guyot R (1928) L’Armillaire, champignon parasite du pin. Bulletin de l’Institut du Pin, 161–168.
3 - Vallauri D, Grel A, Granier E, Dupouey J-L (2012) Les forêts de Cassini. Analyse quantitative et comparaison avec les forêts actuelles. WWF-INRA, Marseille.
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