Biodiversité 3 min

Nouvelle Aquitaine : améliorer la réussite de la régénération naturelle du pin maritime en forêt dunaire

COMMUNIQUE DE PRESSE - La forêt des Landes de Gascogne représente un intérêt économique et écologique important : production de bois, protection contre l’érosion, préservation de la biodiversité, tourisme. Depuis 20 ans environ, les gestionnaires ont constaté l’échec de la régénération naturelle* dans certaines zones littorales. Quels sont les facteurs en cause ? Climat, qualité des graines, humidité du sol, pression des herbivores ? Les chercheurs d’INRAE, en collaboration avec des collègues de l’ONF et de Bordeaux Sciences Agro, ont identifié les mécanismes impliqués, et ont proposé des itinéraires de gestion pour favoriser le renouvellement de ces pinèdes. Les résultats du projet Ecodune**, et leurs implications pratiques, sont présentés à Lacanau le 5 mars 2020, aux professionnels et aux partenaires institutionnels.

Publié le 05 mars 2020

illustration Nouvelle Aquitaine : améliorer la réussite de la régénération naturelle du pin maritime en forêt dunaire
© INRAE –Arthur Guignabert

La forêt des Landes de Gascogne couvre  près d'un million d’hectares et est composée majoritairement de pins maritimes. La partie longeant l’océan abrite la forêt dunaire ; elle s’étend sur environ 240 km de l’estuaire de la Gironde à l’embouchure de l’Adour, sur une largeur de 4 à 6 km. La régénération naturelle s’impose pour la forêt dunaire, depuis ses origines remontant au 19ème siècle ; elle permet notamment de conserver diversité génétique et capacité d’adaptation au changement climatique. Les difficultés importantes de renouvellement de certaines pinèdes sont observées depuis 20 ans environ, sur une vaste zone d’environ 11000 ha.

Un important dispositif expérimental pour suivre les étapes-clés de la régénération

Exemple d’un enclos du dispositif : Au premier plan, une zone d’étude protégée des cervidés et des lapins, mais pas des rongeurs. A droite, sa zone d’étude appariée et exempte de toute protection.
Exemple d’un enclos du dispositif : Au premier plan, une zone d’étude protégée des cervidés et des lapins, mais pas des rongeurs. A droite, sa zone d’étude appariée et exempte de toute protection.

Les chercheurs d’INRAE et leurs collègues de l’ONF et de Bordeaux Sciences Agro, dans le cadre du projet Ecodune, ont cherché à identifier les processus écologiques responsables de ces échecs, pour améliorer les connaissances fondamentales de l’écologie du pin maritime en milieu dunaire, et proposer de nouveaux itinéraires de gestion visant à améliorer la réussite de renouvellement de ces peuplements forestiers.

Ils ont ainsi mis en place un réseau de 7 sites d’observation et d’expérimentation sur la zone littorale, situés entre Lacanau et St Julien-en-Born, suivis pendant 3 ans. L’objectif était d’étudier les étapes-clés de la régénération : dispersion des graines, germination, survie et croissance des jeunes pins. Ils ont ainsi testé plusieurs pratiques des gestionnaires forestiers, comme la coupe rase ou le semis de graines. Ils ont aussi étudié l’impact de la sécheresse, les interactions entre plantes et la pression des herbivores.

La caractérisation de chaque site (historique de gestion, relevé floristique) a été effectuée ; des capteurs ont été mis en place pour mesurer l’humidité et la température de l’air et du sol. Des pièges à graines pour mesurer la dispersion des graines, des enclos pour exclure les herbivores (lièvres, cervidés) de certaines zones, des petites poches grillagées pour éloigner les rongeurs et mesurer leur prédation des graines, le suivi de l’émergence et du développement de jeunes pins, sont autant d’exemples de paramètres pris en compte dans le dispositif.

 

Plantule de pin, mort de sécheresse et de chaleur estivales. Il était dans une coupe-rase (sans ombrage des grands pins).
Plantule de pin, mort de sécheresse et de chaleur estivales. Il était dans une coupe-rase (sans ombrage des grands pins).

 

Des résultats montrant la complexité de la régénération naturelle

Le principal enseignement d’Ecodune est que l’échec de régénération de la forêt n’est pas à un seul facteur, mais à l’impact cumulé de plusieurs facteurs locaux que sont un climat trop sec en été et une forte pression des herbivores.

La quantité de graines atteignant le sol ne semble pas être limitante. La germination des graines est fortement liée à l’humidité du sol, et est influencée par l’hétérogénéité de la surface du sol (microtopographie), mais ne semble pas limiter la régénération de la forêt. La sécheresse estivale, par contre, est une cause majeure de mortalité des plantules. Ces dégâts estivaux sont aggravés par des attaques de petits rongeurs et de cervidés qui se nourrissent de jeunes plantules de pins.

L’étude des interactions entre les plantules de pins et le sous-bois d’arbousierfréquent en forêt dunaire- a mis en évidence des résultats contrastés vis-à-vis des herbivores : l’effet de l’arbousier sur le climat améliore la survie des jeunes pins en début d’été, mais entraine en fin d’été une augmentation de la mortalité des plantules, en raison d’une compétition pour l’eau qui devient trop importanteL’arbousier joue soit un rôle attracteur sur les rongeurs qui consomment alors les jeunes pins, ou au contraire dissimulent les plantules pour les grands mammifères.

Dispositif de mini-cage pour préserver la plantule des herbivores (rongeurs ou cervidés).

Dispositif de mini-cage pour préserver
la plantule des herbivores
(rongeurs ou cervidés).
 

Plantules de pin décapités par des rongeurs (in situ sur la "scène de crime" au labo pour l’"autopsie").

Plantules de pin décapités par des rongeurs
(in situ sur la "scène de crime" au labo pour l’"autopsie").
 

Plantules de pin décapités par des rongeurs (in situ sur la "scène de crime" au labo pour l’"autopsie").

Des itinéraires de gestion proposés pour une régénération réussie

Les résultats de ce projet confirment que la régénération naturelle est un phénomène complexe, influencé par de nombreux facteurs environnementaux et d’autres liés à la gestion forestière. Il apparaît difficile de mettre en avant un seul facteur expliquant les échecs. Cependant, les chercheurs ont observé que le maintien d’arbres semenciers pendant quelques années permet d’obtenir une régénération réussie sur la globalité des forêts dunaires, grâce à l’apport pluriannuel de graines mais aussi à travers les modifications du microclimat sous leur canopée. Contrôler la végétation spontanée (comme l’arbousier) afin de réduire la compétition avec les jeunes pins, revoir les plans de chasse pour diminuer la pression des grands herbivores sur les plantules, ou favoriser les prédateurs naturels des petits rongeurs, sont également des pistes à étudier.

Ecodune

A gauche  : une coupe rase ayant abouti à une  « régénération réussie » ; ceci correspond aux pratiques mises en œuvre jusqu’à récemment, mais qui ont conduit pour les zones identifiées à des échecs.

A droite, une coupe d’ensemencement avec le maintien d’arbres semenciers, et qui correspond à la solution future pour pallier aux échecs actuels.

* La régénération naturelle utilise le cycle naturel de reproduction des peuplements forestiers : les arbres qui produisent les graines (appelés arbres semenciers) sont ensuite coupés, à partir desquelles les semis se développent. Pour la forêt dunaire, le renouvellement des peuplements se fait par la régénération naturelle, contrairement aux forêts du plateau landais dont le renouvellement se fait par plantation.

** Le projet Ecodune (Ecologie de la régénération naturelle du pin maritime dans les forêts de dune d’Aquitaine) a démarré en 2015 et a bénéficié d’un financement de la Région Nouvelle-Aquitaine.