Alimentation, santé globale 3 min
Mieux comprendre les liens entre microbiote ruminal et production laitière chez les brebis
Des scientifiques du laboratoire de Génétique, Physiologie et Systèmes d’Elevage (INRAE-ENVT-INP) du centre INRAE Occitanie-Toulouse, en collaboration avec l’université de Girone en Espagne, ont décrypté la composition du microbiote ruminal des brebis laitières et étudié ses influences sur la composition du lait. Ce travail a été publié dans la revue scientifique PLoS ONE, le 26 juillet 2021.
Publié le 03 janvier 2022
Les ruminants sont capables de digérer les fibres alimentaires présentent dans les fourrages qui composent leur alimentation grâce aux micro-organismes - particulièrement des bactéries - présents dans leur premier estomac (rumen). La relation entre la composition de ce microbiote ruminal et différents caractères d’intérêts, comme l’efficacité alimentaire, la composition du lait ou encore la santé des animaux, a été établie chez les bovins. Les scientifiques du laboratoire GenPhySE, Génétique, Physiologie et Systèmes d’Elevage (INRAE-ENVT-INP), du centre Occitanie-Toulouse ont étudié ces relations chez les brebis laitières.
A partir d’échantillons prélevés sur 700 brebis de race Lacaune de l’Unité expérimentale de la Fage (12), ils ont analysé la population bactérienne présente dans leur rumen. Ces brebis avaient été sélectionnées sur les aptitudes de production laitière en différentes lignées. Une première lignée de brebis a été sélectionnée sur le taux de cellules somatiques du lait, ces cellules traduisant une inflammation de la mamelle ; une deuxième lignée de brebis a été sélectionnée sur sa persistance laitière, c’est-à-dire sur le maintien de la quantité de lait produit tout au long de la lactation.
« En travaillant avec des brebis issues de différentes lignées, nous avons pu voir si les microbiotes étaient différents d’une lignée à l’autre, c’est à dire si la sélection avait une influence sur les bactéries ruminales et si ces différences de populations avaient un impact sur la composition fine du lait », explique Guillermo Martinez Boggio, doctorant* au laboratoire GenPhySE.
Un lien entre microbiote et composition du lait
Les technologies de séquençage à haut débit ont permis d’analyser la diversité du microbiote et de déterminer les différentes bactéries présentes dans le rumen. 11 familles de bactéries et 112 genres ont été dénombrés. Les scientifiques ont montré que la sélection peut avoir une influence sur la composition du microbiote ruminal. Les abondances bactériennes montrent de légères différences selon que les brebis aient un nombre bas ou élevé de cellules somatiques. Par contre, il n’y a pas de différence dans les lignées sélectionnées sur la persistance de leur production laitière : que les brebis aient une bonne ou une moindre persistance laitière, leurs microbiotes sont proches. Ces résultats suggèrent que la sélection génétique pour les traits zootechniques, tels que la santé de la mamelle et les courbes de production laitière, n'a pas ou peu modifié l'abondance des bactéries du rumen et donc la capacité des animaux à valoriser leur alimentation.
Les scientifiques ont également montré des relations entre certaines bactéries et la composition fine du lait. Par exemple, la présence en grand nombre de bactéries Prevotella a un effet bénéfique sur la production laitière. En effet, ces bactéries produisent du propionate, indispensable à la synthèse de lactose qui sera excrété dans le lait.
Les travaux se poursuivent autour de l’estimation de l’héritabilité du microbiote ruminal, de ses corrélations génétiques avec la composition fine du lait et la détection de locus particuliers (QTL) dans le génome de la brebis influençant son microbiote.
*La thèse de Guillermo Martinez Boggio est financée à 50% par INRAE et à 50% par la Région Occitanie
Martinez Boggio G, Meynadier A, Daunis-i-Estadella P, Marie-Etancelin C (2021) Compositional analysis of ruminal bacteria from ewes selected for somatic cell score and milk persistency. PLoS ONE 16(7): e0254874. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0254874