Biodiversité 2 min

Le microbiote des racines à la loupe : reconnaître ses amis de ses ennemis

COMMUNIQUE PRESSE - Des scientifiques mettent en lumière quels déterminants génétiques permettent aux champignons colonisant les racines de développer soit des associations bénéfiques, soit des interactions pathogènes. C’est le résultat d’un projet collaboratif impliquant le Max Planck Institute for Plant Breeding Research - MPIPZ, INRAE, l’université de Lorraine et le Joint Genome Institute. Ces résultats originaux, publiés le 10 décembre dans Nature Communications, améliorent les connaissances sur le fonctionnement du microbiote végétal et ouvrent de nouvelles perspectives sur la maîtrise des micro-organismes en vue de promouvoir la croissance des plantes.

Publié le 14 décembre 2021

illustration Le microbiote des racines à la loupe : reconnaître ses amis de ses ennemis
© S. Hacquard / MPIPZ

Des communautés microbiennes complexes sont hébergées par les plantes et influent sur leur développement et leur croissance. Les racines, en particulier, abritent une grande diversité de micro-organismes, dont des bactéries et des champignons, ayant un impact direct sur la bonne santé des plantes. Dans cette étude originale, publiée dans Nature Communications, des scientifiques caractérisent quels gènes différentient les champignons bénéfiques des champignons pathogènes.

 

Afin d’étudier ces interactions entre plantes et champignons, ils utilisent une plante modèle : l’Arabette des dames (Arabidopsis thaliana). Cette plante est dépourvue du programme génétique qui lui permettrait d’établir une symbiose bénéfique avec les champignons racinaires mutualistes, qui aident la plupart des végétaux à acquérir des minéraux du sol. En contrepartie, l’Arabette a développé des interactions bénéfiques avec d’autres champignons vivant à l’intérieur des racines, les endophytes. A partir d’une large collection de champignons endophytes, les scientifiques ont sélectionné 41 souches représentatives du microbiote racinaire de l’Arabette afin de séquencer et d’analyser leur génome.

 

Photo : Les 41 souches de champignons isolées, représentatives du microbiote racinaire de l'Arabette des dames. © S. Hacquard / MPIPZ

Ils comparent ensuite le génome de ces champignons endophytes à ceux d’une centaine de champignons symbiotiques, décomposeurs ou pathogènes. Résultat : la plupart des endophytes, isolés de plantes saines, avaient pour ancêtres des champignons pathogènes.

 

Quand ces champignons endophytes sont mis en contact individuellement avec l’Arabette, ils stimulent sa croissance ou au contraire, ils induisent des nécroses. Il apparaît que les souches néfastes colonisent les racines de façon beaucoup plus agressive que les champignons bénéfiques et dominent le microbiote racinaire, ce qui explique la nécessité pour la plante de contrôler leur prolifération.

 

Grâce à l’analyse fonctionnelle comparative de champignons endophytes bénéfiques ou pathogènes, les chercheurs ont réussi à identifier une famille de gènes facilitant la colonisation racinaire. Ces gènes permettent la fabrication de molécules qui dégradent un composant essentiel de paroi végétal : la pectine.

 

Pour confirmer le rôle de cette molécule dans la pathogénicité, le gène correspondant est inséré dans le génome d’un champignon qui en est naturellement dépourvu. Non seulement ce mutant est capable de coloniser les racines plus agressivement que la souche naturelle, mais son inoculation provoque une réduction de la croissance des plantes.

 

Ces molécules produites par les champignons, qui dégradent les parois de la plante, sont donc des facteurs critiques pour l’intrusion dans les racines. Lorsque leur prolifération n’est plus maîtrisée par le système immunitaire de la plante-hôte, les champignons du microbiote racinaire peuvent devenir pathogènes si leur capacité de dégradation est trop forte.

 

Cette étude montre la complexité du microbiote des plantes, composé d’un cortège de micro-organismes bénéfiques ou pathogènes qui sont en compétition, mais aussi étroitement surveillé par le système de défense de la plante. Grâce à une meilleure connaissance des équilibres qui régissent le microbiote végétal, cette découverte offre de nouvelles perspectives dans l’utilisation des champignons afin d’améliorer la santé des plantes cultivées.

 

Référence

Mesny, F., Miyauchi, S., Thiergart, T. et al. Genetic determinants of endophytism in the Arabidopsis root mycobiome. Nat Commun 12, 7227 (2021).  https://doi.org/10.1038/s41467-021-27479-y

En savoir plus

Agroécologie

Arbres & champignons : mariés pour la vie

Souvent invisible, caché dans le sol des sous-bois, l’immense réseau mycélien ne se révèle au grand jour qu’une fois par an : à l’automne. C’est en effet à cette période de l’année que la plupart des champignons poussent et se rendent visibles, pour le plus grand plaisir de nos yeux… et de nos papilles ! Ce monde des champignons, caractérisé par sa grande discrétion, joue pourtant un rôle clé sur notre planète. Quel est-il ? Quels services rendent-ils à la forêt ?

24 mars 2020

Agroécologie

Symbioses entre plantes, champignons et bactéries : un éclairage original sur ces alliances ancestrales

COMMUNIQUE DE PRESSE - Des chercheurs de l’Inra, associant les universités de Lorraine et de Toulouse, et le CNRS, ont reconstitué l’histoire évolutive des symbioses mycorhiziennes et fixatrices d’azote. Leur travail de synthèse apporte un éclairage original sur les symbioses à bénéfice mutuel et sur les mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués dans la colonisation des racines des plantes par les microorganismes. Une meilleure compréhension de ces mécanismes et de leur modulation par différents facteurs, tels que le génotype de la plante ou le type de sol, devrait faciliter l’utilisation du microbiote des plantes dans le cadre d’une agriculture durable. L’article est publié dans Science le 26 mai 2017.

19 mars 2020

Biodiversité

La génomique éclaire l’histoire évolutive des champignons symbiotiques forestiers

COMMUNIQUE DE PRESSE - Les champignons symbiotiques mycorhiziens jouent un rôle majeur dans les écosystèmes terrestres en facilitant l’acquisition de nutriments par les plantes. Mais comment ces champignons sont-ils devenus symbiotiques ? Grâce à l’analyse du génome de 135 espèces de champignons forestiers, la plus vaste à ce jour, un consortium international de chercheurs, coordonné par INRAE et le Joint Genome Institute (Département de l’Energie américain) et impliquant l’Université de Lorraine et le CNRS, explique comment ces champignons sont passés d’organismes se nourrissant de matière en décomposition à des symbiotes alliés aux plantes au cours de l’évolution. Leurs résultats sont publiés le 12 octobre dans Nature Communications.

12 octobre 2020