Agroécologie 3 min
Les mélanges variétaux : une pratique agroécologique prometteuse analysée par la génétique
COMMUNIQUE DE PRESSE - Penser l’agriculture de demain, c’est développer des techniques de production durables et efficaces. Une piste : les mélanges de variétés. Une pratique en plein essor depuis 10 ans, mais encore trop imprévisible en terme de performance. Pour expliquer cette variabilité dans les mélanges, des scientifiques d’INRAE, du CNRS et de l’Institut Agro Montpellier ont mené une vaste analyse génétique. Ils montrent ainsi que chez le blé dur, une région de l’ADN semble charnière : si diversité il y a là, la performance des mélanges en pâtit. Ces résultats novateurs et peu intuitifs, sont publiés dans la revue New Phytologist le 26 janvier 2022.
Publié le 27 janvier 2022
En observant les milieux naturels, il apparaît souvent que la diversité végétale favorise de multiples mécanismes nécessaires au bon fonctionnement et à la stabilité des écosystèmes. C’est un principe que l’agroécologie vise à intégrer dans ses pratiques et ces cultures pour développer une agriculture plus durable. Cependant, les mécanismes biologiques à l’origine du lien positif entre diversité génétique des peuplements végétaux et fonctionnement de ces peuplements restent encore peu documentés. Il est ainsi encore difficile de mobiliser cette diversité de façon optimale dans les agrosystèmes.
Pour éclairer les mécanismes sous-jacents, un groupe de scientifiques d’INRAE, du CNRS et de l’Institut Agro Montpellier, propose une approche basée sur l’information génétique des composantes du mélange de variétés. Pour leur expérience, ils ont constitué 200 mélanges variétaux binaires (c’est-à-dire constitués de deux variétés) de blé dur. Ils ont ensuite mesuré leur productivité et leur sensibilité à la septoriose, une des maladies les plus préoccupantes pour le blé. Leur but : identifier des zones du génome dans lesquelles la diversité génétique est significativement associée à la performance des mélanges (à la fois productivité et sensibilité à la maladie).
Une région de l’ADN du blé dur responsable d’une baisse de performance des mélanges
En premier lieu, leurs résultats confirment la littérature agronomique : les mélanges sont en moyenne plus productifs et moins malades que les cultures monovariétales. Mais les scientifiques notent un point surprenant, une région de l’ADN qui sort du lot. A cet endroit du génome, la présence de diversité dans le mélange est corrélée à une production moindre et une sensibilité accrue à la maladie. Il semblerait donc que les effets positifs de la diversité des mélanges puissent être contrecarrés par des associations génétiques à certaines zones du génome défavorables. C’est la première fois qu’un tel effet est montré chez une espèce cultivée.
Ces effets négatifs induits par la diversité génétique pourraient donc expliquer, au moins en partie, la forte variabilité de performance entre mélanges classiquement reportée dans la littérature. Ainsi identifier les régions génomiques qui affectent la performance des mélanges permettrait de guider l’assemblage de mélanges performants en s’affranchissant, au moins en partie, de mesures phénotypiques plus lourdes et plus coûteuses. Une piste prometteuse pour des pratiques agroécologiques diversifiées et efficaces.
Les racines d’une pratique en plein essor
Les mélanges variétaux, pratique consistant à semer plusieurs variétés de la même espèce en mélange dans un champ, ont le vent en poupe. Depuis une dizaine d’années, les surfaces cultivées en mélanges sont en forte augmentation en France, avec par exemple une forte progression pour le blé tendre : alors que seulement 1 % de la sole nationale était cultivée avec des mélanges en 2007, cette proportion s’élevait à 12 % en 2019. Cependant, la performance des mélanges est très variable en fonction de leur composition, et peut parfois s’avérer moins bonne que les cultures monovariétales.
Les recherches visant à comprendre le lien entre la composition des mélanges et leur performance se sont jusqu’à présent principalement intéressées aux caractères observables (phénotypes) des composantes du mélange, par exemple la profondeur racinaire. En effet, différentes théories écologiques prédisent que des variétés ayant des caractéristiques différentes comme par exemple des profondeurs racinaires différentes entreraient moins en compétition les unes avec les autres que des variétés ayant des caractéristiques identiques. Ainsi, pour optimiser la performance d’un mélange, il conviendrait par exemple de mélanger des variétés aux profondeurs racinaires contrastées. Mais peu d’études expérimentales démontrent un tel mécanisme de complémentarité dans les mélanges.
D’autres caractères sont à l’étude, notamment les dynamiques d’architecture foliaire ou racinaire, mais les expériences requises pour étudier ces caractères sont très lourdes à mettre en place. Les perspectives de recherche s’orientent donc plutôt vers la modélisation pour comprendre le lien entre ces caractères complexes et la performance des mélanges.
Référence
Montazeaud G., Flutre T., Ballini E., Morel J-B., David J., Girodolle J., Rocher A., Ducasse A., Violle C., Fort F., Fréville H. 2021. From cultivar mixtures to allelic mixtures: opposite effects of allelic richness between genotypes and genotype richness in wheat. New Phytologist https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/nph.17915?af=R