Agroécologie 3 min

Des plantes coopératives pour un meilleur rendement des cultures

COMMUNIQUE DE PRESSE - L’agriculture se trouve aujourd’hui face à un défi majeur : assurer une production alimentaire pour une population croissante tout en protégeant l’environnement. Pour limiter l’expansion des surfaces agricoles, une voie possible est d’augmenter la densité de culture (plantes semées au m²), ce qui a pour conséquence d’accroître la compétition des plantes entre elles pour les ressources (eau, lumière, éléments minéraux), au détriment du rendement. Des chercheurs d’INRAE, de l’Institut Agro* et du CNRS ont développé un modèle de sélection basé sur la coopération entre les plantes semées à forte densité, qui permet d’augmenter le rendement des cultures en utilisant les surfaces existantes.

Publié le 23 janvier 2020

illustration Des plantes coopératives pour un meilleur rendement des cultures
© INRAE

Figure illustrant la compétition du blé pour la lumière
Représentation de la compétition entre les plantes pour la lumière. © Montazeaud G. et al Proc. R. Soc. B

Depuis l’origine de l’agriculture, l’Homme a pratiqué une sélection artificielle pour augmenter la qualité et la quantité de production des cultures. Dès le XXème siècle, les agronomes ont constaté que la compétition pour les ressources (eau, lumière, azote dans le sol, etc.) entre les plantes faisait baisser le rendement de la culture. Les plantes les plus compétitives sont celles qui sont capables de développer des caractéristiques spécifiques et nécessaires pour capturer et utiliser lesdites ressources. La compétition pour la lumière constitue un bon exemple : les plantes les plus compétitives investissent leurs ressources dans le développement de leurs tiges et de leurs feuilles pour capter plus de lumière. Cela a deux effets négatifs sur la culture : les plantes compétitives produisent moins de graines et elles privent de ressources leurs voisines. De génération en génération, ce processus de sélection fait baisser le rendement de la culture.

Un modèle de sélection qui se base sur le rendement du groupe

En amélioration des plantes, il a été suggéré, dès les années 1960, de sélectionner des variétés peu compétitives pour maximiser la productivité des cultures. Cependant, les caractéristiques qui font qu’une plante est peu compétitive restent mal connues, et dépendent également de la nature des ressources qui sont limitantes (lumière, eau, azote, etc.). Chez les espèces animales, la biologie évolutive s’est intéressée aux comportements sociaux, et notamment à l’existence de comportements altruistes. S’ils diminuent la survie ou la reproduction des individus qui les expriment, ils sont bénéfiques pour le groupe d’individus en interaction (baisse de l’agressivité par exemple). La théorie de la sélection de parentèle a formalisé les conditions qui favorisent l’évolution de l’altruisme. Pour un agronome, une plante altruiste correspond ainsi à une plante peu compétitive, par exemple une plante de petite taille qui laisse davantage de lumière pour les plantes voisines. La théorie de la sélection de parentèle offre donc un cadre prometteur pour améliorer le rendement des cultures. Mais, à ce jour, aucune méthode n’avait été formalisée pour les espèces cultivées.

Dans cette étude, les chercheurs ont construit un modèle théorique de sélection de parentèle pour formaliser les relations de compétition entre les plantes en réponse à différents schémas de sélection. Les chercheurs ont basé leur étude sur la compétition pour la lumière, avec comme trait de compétitivité la hauteur, chez une espèce cultivée de type céréale. Ils ont basé leur modèle de sélection sur la production de graines d’un groupe de plantes.

Figure montrant 3 modèles de sélection
Représentation de stratégies de sélection. WF : chaque parcelle à la génération suivante est ensemencée de graines issues de sa propre récolte, ce qui fait que les parcelles évoluent séparément. AF : les graines des différentes parcelles sont mélangées avant l’ensemencement des parcelles à la génération suivante. TF : seule la récolte de la parcelle la plus productive est retenue pour semer toutes les parcelles à la génération suivante. © Montazeaud G. et al Proc. R. Soc. B

En testant différentes stratégies de sélection, le modèle a permis de mettre en évidence les paramètres les plus importants à manipuler pour favoriser la coopération entre les plantes :

  • Une densité des semis importante (nombre de grains semés au m²)
  • Un fort apparentement des plantes dans les parcelles (ressemblance des plantes sur le trait impliqué dans la compétition)
  • Une forte contribution des groupes les plus productifs à la génération suivante

En jouant sur ces trois paramètres, quelques générations suffisent à obtenir des groupes de plantes ayant des caractéristiques de coopération (petite taille pour la lumière) et à augmenter le rendement de la parcelle. Si les chercheurs ont basé leur étude sur la compétition pour la lumière, le modèle est transposable à tout type de ressource (eau, azote, etc).

Des paramètres facilement manipulables par les agriculteurs

Le modèle proposé par les chercheurs permet de revisiter l’évolution des pratiques de sélection à la lumière de la théorie de la sélection de parentèle et de proposer des schémas de sélection encore plus efficaces pour favoriser la coopération. Les paramètres les plus importants pour favoriser la coopération sont facilement manipulables par un sélectionneur ou un agriculteur. De plus, le modèle de sélection décrit dans cette étude ne nécessite pas le recours au phénotypage des plantes, une technique qui peut s’avérer très coûteuse. Dans le prolongement de cette étude, débutera au mois de mai 2020 le projet ANR SCOOP : Sélectionner des plantes coopératives pour développer une agriculture plus durable. Il a pour objectif d’explorer les caractéristiques impliquées dans la coopération entre les plantes. (Plus d’informations : https://umr-agap.cirad.fr/recherche/projets-de-recherche/scoop-cooperation-chez-les-plantes-cultivees).

Références

Montazeaud G., Rousset F, Fort F, Violle C, Fréville H*, Gandon S*, Farming plant cooperation in crops. Proceedings of the Royal Society B (* ces auteurs ont contribué de façon égale à ce travail)
http://dx.doi.org/10.1098/rspb.2019.1290

* L’Institut Agro, Institut national d’enseignement supérieur pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, a été créé le 1er janvier 2020 par le regroupement de Montpellier SupAgro et d’Agrocampus Ouest.