Biodiversité 3 min

Médicaments et crème solaire dans l’eau : les acteurs du bassin d’Arcachon passent à l’action

Produits ménagers, cosmétiques, crèmes solaires, médicaments… leur utilisation est responsable de la contamination des milieux aquatiques par des micropolluants. Dans le cadre du projet REMPAR (2014-2019) les chercheurs du centre INRAE de Bordeaux ont mené une étude à l’échelle du bassin d’Arcachon pour réduire ces pollutions. Retour sur une enquête menée auprès de la population et des professionnels de santé, et les actions concrètes qui en ont découlé.

Publié le 26 juin 2019 (mis à jour : 17 août 2023)

illustration Médicaments et crème solaire dans l’eau : les acteurs du bassin d’Arcachon passent à l’action
© AdobeStock

Réduire la pollution des eaux du bassin d'Arcachon

Liés à l’activité humaine, les micropolluants sont des substances toxiques à très faible concentration pour les organismes vivants. On compte parmi eux les résidus de détergents, de pesticides, de cosmétiques dont les crèmes solaires, de médicaments, ainsi que les métaux et les hydrocarbures. Le projet REMPAR (Réseau Micropolluants du bassin d’Arcachon), piloté par le Syndicat Intercommunal du bassin d’Arcachon (SIBA), a réuni des acteurs locaux (gestionnaires, industriels, professionnels de santé, associations, scientifiques) pour identifier les origines des micropolluants et réduire leur empreinte sur le bassin d’Arcachon qui concentre de forts enjeux écologiques et économiques. Le projet a été mené sous plusieurs angles :

  • Quantifier les micropolluants et cartographier leurs sources (eaux usées, eaux douces et marines, eaux pluviales).
  • Proposer des traitements adaptés aux types d’eaux à traiter et évaluer l’impact des micropolluants par des analyses écotoxicologiques, en particulier pour les rejets hospitaliers.
  • Comprendre et adapter nos comportements pour réduire les micropolluants à la source (médicaments, filtres UV) grâce à une étude menée par Irstea (avant sa fusion avec l’Inra en 2020 pour devenir INRAE).

Comprendre le comportement de consommation des médicaments et des crèmes solaires

Si plusieurs recherches ont prouvé que les résidus médicamenteux proviennent en partie des rejets domestiques ou des médicaments non utilisés, la compréhension du comportement de consommation des produits de soins reste limitée.  À partir d’une l’enquête réalisée durant l’été 2016 auprès de la population (350 réponses collectées), des données chiffrées ont été obtenues sur différentes composantes de la consommation des médicaments et des crèmes solaires : automédication, non-observance des traitements, devenir des médicaments et crèmes solaires périmés ou inutilisés, pratique de recyclage des produits, perception de l’impact de ces produits sur l’environnement… En parallèle, une enquête auprès des professionnels de santé a été menée ainsi que des entretiens collectifs auprès des acteurs locaux (gestionnaires des réseaux d’eau, associations environnementales, collectivités, etc.).

Des profils de consommateurs et de professionnels aux leviers d’actions

Favoriser les changements de pratique de consommation des médicaments

Sur les médicaments, l’étude a fait émerger différents profils de consommateurs mais aussi des profils de prescription des professionnels de santé. Ces profils donnent les différents déterminants qui influent sur la consommation des médicaments.
La consommation de médicaments dépend de déterminants propres au consommateur comme le facteur économique, l’usage du traitement ou la relation au pharmacien mais également des pratiques des professionnels de santé lors de la prescription médicale comme la vision du métier, la prise en compte des effets secondaires sur le patient ou la charge de travail. Par exemple, parmi les rejets de médicaments les plus retrouvés, on trouve de l’aspirine, de l’ibuprofène ou du paracétamol qui sont des antidouleurs communs qui sont souvent pris en automédication ou en consommation « réflexe » et qui peuvent également être prescrits. Le croisement de ces déterminants permet de trouver les points communs entre les pratiques des professionnels et des consommateurs que sont l’automédication et la conscience des problèmes environnementaux.
Lors des différentes enquêtes, plusieurs leviers d’actions ont été proposés par la population. Après un regroupement et un tri selon plusieurs critères comme la fréquence de proposition, la faisabilité ou le coût financier, les chercheurs ont dégagé 14 leviers d’actions pour favoriser les changements de pratique de consommation des médicaments et diminuer à la source leur part dans la micropollution :

Création d’une norme de fabrication de médicaments plus « propres » Campagne de sensibilisation
 Baisse du taux de remboursement  Education thérapeutique
Création d’un label environnemental Prescription non médicamenteuse
Vente à l’unité Collecte séparée des urines
Formation renforcée des médecins Perfectionnement du recyclage
 Évolution des missions médicales vers l’écologisation Amélioration des stations de traitement de l’eau potable (STEP)
Organisation du travail Médecines alternatives

Ces leviers d’actions, qui se situent aux différentes étapes du cycle de vie du médicament, ont été proposés aux acteurs locaux lors des entretiens collectifs.  

Les consommateurs ont ainsi privilégié des leviers d’actions aux extrémités du cycle de vie (nouvelle norme, recyclage, amélioration des STEP…), tandis que les professionnels préfèrent des leviers où ils sont acteurs (organisation du travail, évolution des missions médicales…). Certains leviers comme la création d’un label environnement ou la collecte séparée des urines ont été rejetés à la fois par les consommateurs et les professionnels de santé. A l’inverse, on remarque des leviers choisis par tous : vente des médicaments à l’unité, campagne de sensibilisation et éducation thérapeutique.

Réduire la pollution par les médicaments : l’importance de l’action publique

Réduire les micropolluants d’origine pharmaceutique est nécessaire. Cela peut passer par un changement de pratiques des professionnels de santé, mais une étude sociologique révèle que médecins et pharmaciens intègrent peu la dimension écologique dans leurs pratiques de prescription. Pour accompagner les changements nécessaires, l’action publique apparait comme un levier essentiel et plusieurs pistes d’action se dégagent : 

  • Intensifier les formations et informations auprès des professionnels de santé sur les risques environnementaux et potentiellement sanitaires liés à l’abondante consommation de médicaments.
  • Promouvoir une approche plus globale des soins laissant place à une médecine plus préventive et développer le recours aux médecines alternatives. Par exemple, encourager l'utilisation de l'acupuncture pour soulager une douleur chronique en remplacement des analgésiques conventionnels. 
  • Créer un label « médicament vert » ou encore développer une classification des médicaments selon leur impact environnemental avec en parallèle la mise en place d'un barème différencié de remboursement des traitements en fonction de cette classification. 

Néanmoins, la réduction de la pollution par les médicaments est l’affaire de tous. D’autres leviers existent : améliorer les techniques d’épuration, renforcer le recyclage des médicaments non utilisés, améliorer les formulations chimiques des médicaments… et bien sûr réduire le recours systématique aux médicaments.

Les acteurs du bassin d’Arcachon passent à l’action !

L’ensemble de ces résultats a été présenté aux acteurs du bassin d’Arcachon afin de déterminer la ou les politique(s) publique(s) les mieux adaptée(s) pour réduire à la source les micropolluants provenant des produits de santé. Déjà, de nombreuses actions de sensibilisation ont été mises en place auprès des professionnels du territoire sur la thématique des résidus médicamenteux :

 

  • Diffusion de flash-infos auprès des professionnels de santé : comprendre le devenir des médicaments dans les stations d’épuration et dans l’environnement, estimation des concentrations en médicaments, etc.
  • Organisation de deux rencontres (la première en 2017, la suivante en 2018) avec les professionnels de santé et les élus du territoire sur le thème des résidus médicamenteux et des leviers d’action envisageables.
  • Mise en place d’un partenariat avec l’organisme Cyclamed pour améliorer les pratiques de recyclage des médicaments à travers des actions de communication et sensibilisation du grand public.

Toutes les actions mises en place suite au projet REMPAR sur le site du bassin d'Arcachon.

 

 

Grégory Lambert / Charlotte MermierRédacteurs

Contacts

Sandrine Lyser Ingénieure d'études en statistiquesUR ETBX

Clarisse Cazals Chercheuse en économieETTIS Environnement, territoires en transition, infrastructures, sociétés

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