Biodiversité 3 min

Les marqueurs génétiques au service de l’amélioration du pin maritime

Le pin maritime est la première essence forestière de plantation en France : 44 millions de plants ont été vendus en 2014-2015, soit plus de 60% du marché national des plants forestiers. Ces plants sont issus de vergers à graines mis en place dans le cadre du programme d’amélioration génétique piloté par le Groupement d’Intérêt Scientifique « Pin Maritime du Futur ». Les travaux scientifiques menés au sein de l’Unité mixte de recherche BIOGECO (Inra-Université de Bordeaux) ouvrent aujourd’hui de nouvelles perspectives pour ce programme d’amélioration génétique.

Publié le 12 décembre 2016

illustration Les marqueurs génétiques au service de l’amélioration du pin maritime
© INRAE - Laurent Bouffier

Quatre articles majeurs synthétisant ces avancées ont été publiés en 2016. Ils montrent que les marqueurs moléculaires, séquences d’ADN présentant de la variabilité dans une population, pourraient être utilisés, à court terme, pour simplifier et accélérer les cycles de sélection et, à plus long terme, pour prédire les performances des arbres à partir de leur profil de marqueurs moléculaires.

Parcs à clones et vergers à graines : des réservoirs stratégiques

 L’amélioration génétique du pin maritime a débuté dans les années 1960 par la sélection, en forêt, d’arbres présentant une supériorité pour les caractères d’intérêt sylvicole (croissance, rectitude du tronc, branchaison, résistance aux pathogènes). Ces arbres « élite » ont été conservés par greffage dans des parcs à clones ; ils constituent la population de base du programme d’amélioration. Deux cycles successifs de croisement/sélection ont permis de réaliser des gains génétiques significatifs diffusés au sein de variétés (gains d’environ 30% pour la croissance et la rectitude du tronc). Chez le pin maritime, un cycle de sélection dure actuellement plus de 20 ans. En simplifiant, les arbres candidats à la sélection sont tout d’abord évalués à partir des performances de leurs descendants puis les meilleurs candidats sont croisés entre eux afin de générer de la variabilité génétique pour la génération suivante. En parallèle, les meilleurs individus sont greffés pour établir des vergers à graines qui fourniront, au bout de 8 à 10 ans, les semences pour les futures plantations.

 Pedigree et « polycross », 10 ans de gagnés 

Le développement de méthodes de génotypage* performantes et à moindre coût permettent aujourd’hui d’envisager une nouvelle stratégie de sélection et de production de variétés beaucoup plus courte. Le doctorat de Marjorie Vidal, cofinancé par l'Institut Technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement (FCBA) et l’Inra, a d’abord montré qu’il était possible de sélectionner quelques dizaines de marqueurs moléculaires pour identifier de façon unique chaque individu et reconstituer son pedigree, soit l’identité de sa mère et de son père. Il devient alors envisageable de simplifier les cycles de sélection en substituant aux croisements bi-parentaux, des croisements de type « polycross » où une mère est croisée avec un mélange de plusieurs pollens. Cette stratégie présente aussi l’avantage de favoriser le brassage génétique dans la population d’amélioration. Le pedigree des arbres, indispensable pour évaluer leur valeur génétique avec précision, est alors reconstitué,a posteriori, grâce aux marqueurs moléculaires. En supprimant la phase de croisements bi-parentaux, le cycle de sélection est raccourci d’environ 10 ans. Ces avancées méthodologiques sont prises en compte pour concevoir la future stratégie d’amélioration de cette espèce dans le cadre du GIS « Pin Maritime du Futur ».

Prédire la valeur d’un arbre par la génomique

Une approche complémentaire a été mise en œuvre par Jérôme Bartholomé, dans ses travaux de post-doctorat financés par le Conseil départemental des Landes, en matière de sélection génomique. Elle consiste à construire un modèle de prédiction calibré dans une population génotypée* pour un grand nombre de marqueurs moléculaires et caractérisée finement pour ses performances (croissance, rectitude du tronc, etc.). Ce modèle statistique permet alors de prédire la valeur génétique d’un arbre à partir des marqueurs moléculaires sans attendre que ses performances soient mesurées à l’âge adulte, soit un gain de temps considérable. Afin d’évaluer la possibilité d’utiliser cette stratégie chez le pin maritime, des individus de la population d’amélioration ont été génotypés avec plusieurs milliers de marqueurs moléculaires. La performance réelle des arbres a ensuite été comparée avec celle prédite par le modèle statistique. Cette étude montre qu'il est possible d'obtenir un niveau de précision équivalent entre les performances prédites et celles évaluées avec les méthodes conventionnelles basées sur la connaissance des pedigrees. A l'avenir, cette méthodologie pourrait être couplée aux méthodes actuelles d’évaluation génétique pour en améliorer la précision et surtout accélérer les gains génétiques par unité de temps.

* L'information génétique dans la cellule est codée par l'ADN. Cette information varie entre les individus d’une même espèce et on donne le nom d’allèle aux différentes formes possibles d'une séquence d’ADN. L'ensemble des allèles détenus par un individu constitue son génotype. Le génotypage consiste à caractériser les variants d’ADN de chaque individu d’une population.

Références scientifiques

> Bartholomé J, Van Heerwaarden J, Isik F, Boury C, Vidal M, Plomion C, Bouffier L (2016) Performance of genomic prediction within and across generations in maritime pine. BMC Genomics 17:604.

> Isik F, Bartholomé J, Farjat A, Chancerel E, Raffin A, Sanchez L, Plomion C, Bouffier L (2016) Genomic selection in maritime pine. Plant Science 242: 108-119.

> Vidal M, Plomion C, Raffin A, Harvengt L, Bouffier L (2017) Forward selection in a maritime pine polycross progeny trial using pedigree reconstruction. Annals Forest Science (in press).

> Vidal M, Plomion C, Harvengt L, Raffin A, Boury C, Bouffier L (2015) Paternity recovery in two Maritime pine polycross mating designs and consequences for breeding. Tree Genetics Genomes 11: 105.

L'AVENIR D'UNE ESPECE ESSENTIELLE

La forêt de pin maritime des Landes de Gascogne s’étend sur plus de 800 000 ha (IFN, 2010). Le pin maritime est une essence indigène du sud-ouest de la France, adaptée aux podzosols, sols au pH très acide et très peu fertile pour l'agriculture. des Landes de Gascogne et au régime hydrique caractérisé par un déficit estival et un engorgement hivernal. L’amélioration des techniques sylvicoles (préparation du sol, plantation, fertilisation, mécanisation) et le progrès génétique ont permis de doubler la productivité en 50 ans (de 5 à plus de 10m3/ha/an). La forêt des Landes de Gascogne constitue le premier maillon d’une filière forêt-bois très dynamique en Aquitaine grâce à la production de bois d’œuvre (menuiserie, charpente, ameublement, caisserie et palette), de bois d’industrie (papier et panneaux de particules), et, dans une moindre mesure, de bois-énergie. Le GIS « Pin Maritime du Futur » regroupe les acteurs aquitains de la recherche et du développement (Inra, FCBA, ONF, Centre Régional de Propriété Forestière (CPRF) et CRPF et Centre de Productivité et d’Action Forestière (CPFA)). Il coordonne les travaux relatifs à la gestion durable de la forêt landaise de pin maritime. Il a célébré ses 20 ans d’activité en 2016.

 

 

Communication Nouvelle-Aquitaine Bordeaux

Contacts scientifiques

Laurent Bouffier Unité mixte de recherche Biodiversité, gènes et communautés (UMR Biogeco / INRAE-Université de Bordeaux)

Christophe Plomion Unité mixte de recherche Biodiversité, gènes et communautés (UMR Biogeco / INRAE-Université de Bordeaux

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