Alimentation, santé globale 4 min
Madeleine Kubasch, lauréate du prix Jeunes Talents France 2024 L’Oréal-UNESCO
Le prix Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO « Pour les Femmes et la Science » récompense Madeleine Kubasch, biomathématicienne pour ses travaux sur la modélisation d'une épidémie dans une population, un sujet clé en santé publique.
Publié le 08 octobre 2024
Madeleine a étudié comment une épidémie se propage dans une population, en prenant en compte les contacts entre les personnes au sein de foyers et sur leurs lieux de travail. Pour modéliser une épidémie, elle a utilisé l'analyse numérique et théorique des modèles mathématiques d'intérêt. Elle a mené ces recherches dans le cadre de sa thèse « Approximation de modèles stochastiques d’épidémies sur grands graphes multi-niveaux », sous la co-direction de Vincent Bansaye (École polytechnique, CMAP) et Elisabeta Vergu (université Paris-Saclay, INRAE, MaIAGE).
Dans quel domaine des mathématiques et de la biologie vous êtes-vous spécialisée ?
Après l’obtention d’un master de mathématiques appliquées à Sorbonne Université en 2021, j’ai poursuivi en doctorat dans ce même domaine. Ma thèse a porté sur l’étude d’un modèle épidémique stochastique. C’est un modèle mathématique utilisé pour simuler la propagation d'une maladie, en tenant compte du fait que certains événements se produisent de manière aléatoire (stochastique). Par exemple, dans une épidémie, chaque personne n'est pas forcément infectée lorsqu'elle est en contact avec une personne malade. Mais il existe une certaine probabilité qu'elle soit infectée, et c'est cette incertitude qui est intégrée dans le modèle. Cela permet de représenter de manière plus réaliste la propagation de la maladie, en prenant en compte par exemple le hasard dans les contacts entre individus ou les différences dans la manière dont les personnes réagissent au virus. Ces travaux sont directement motivés par des questions de santé publique, et plus particulièrement par la nécessité de concevoir des stratégies de contrôle pour gérer les épidémies.
En effet, pour ralentir une épidémie, des interventions comme le télétravail ou les fermetures d’écoles consistent à réduire spécifiquement certains contacts de la vie quotidienne. Afin d’analyser et prédire l’effet de ces mesures, les modèles épidémiques multi-niveaux distinguent plusieurs types de contacts dans la population, par exemple au domicile, à l’école ou au travail.
Dans le cadre de ma thèse, j’ai analysé un de ces modèles, pour mieux comprendre comment la répartition des individus au sein de domiciles et lieux de travail influence la dynamique épidémique, c’est-à-dire la propagation d’une épidémie. À terme, l’objectif est d’améliorer la compréhension, et donc la conception, d’interventions basées sur la restriction ciblée des contacts.
Quelle nouveauté vos recherches apportent-elles ?
À l’aide de simulations numériques, j’ai d’abord identifié des indicateurs de l’impact des foyers et lieux de travail sur plusieurs caractéristiques de l’épidémie, ce qui est clé pour concevoir des stratégies de télétravail efficaces. Néanmoins, le modèle étant riche en informations, il est difficile à étudier, tant par simulations que par analyse mathématique. Pour y remédier, j’ai développé 2 modèles réduits, qui approchent la dynamique épidémique d’intérêt tout en étant plus maniables. Le premier consiste en une approximation facilement paramétrisable, satisfaisante numériquement, mais sans garanties théoriques de précision. Par une étude mathématique poussée, j’ai ensuite obtenu une seconde réduction nécessitant plus de paramètres, qui devient exacte lorsque la taille de la population tend vers l’infini. Ces résultats pavent le chemin pour une compréhension plus fine des modèles épidémiques multi-niveaux.
Quels sont vos projets ?
Étudier la propagation d’une épidémie sur un réseau de contact correspond d’un point de vue mathématique à analyser la dynamique d’une population évoluant sur un graphe aléatoire. Or, de telles dynamiques se retrouvent dans de nombreux champs d’application, au-delà de l’épidémiologie, qui soulèvent des questions mathématiques différentes. J’aimerais donc poursuivre mes recherches dans cette direction.
Ayant récemment soutenu ma thèse, je vais dans un premier temps continuer en post-doctorat, dans le cadre d’un projet interdisciplinaire avec Nicolas Loeuille (Sorbonne université, iEES) et Manon Costa (université Paul Sabatier, Institut de Mathématiques). L’objectif est d’étudier comment la gestion spatiale du paysage agricole influe sur la biodiversité.
Comment la bourse Jeune Talents France L'Oréal-UNESCO va-t-elle vous aider à poursuivre vos projets de recherche ?
La dotation reçue dans le cadre du prix va me permettre de donner de la visibilité à mes travaux et de renforcer mon réseau scientifique, grâce à des conférence ou des séjours de recherche auprès de mes collaborateurs. Par ailleurs, j’envisage d’étoffer mes compétences en suivant des formations, par exemple en statistiques, qui pourraient être financées grâce à cette bourse.
En savoir plus sur Madeleine Kubasch :
Référence :
Kubasch M. Approximation of stochastic models for epidemics on large multi-level graphs. Probability [math.PR]. Institut Polytechnique de Paris, 2024. English. ⟨NNT : 2024IPPAX031⟩. ⟨tel-04717689⟩
Le Prix Jeunes Talents L’Oréal-UNESCO " Pour les Femmes et la Science"
Chaque année, la Fondation L’Oréal Pour les Femmes et la Science et ses partenaires, l’Académie des sciences et la Commission nationale française pour l’UNESCO soutiennent plus de 250 brillantes jeunes chercheuses, au travers de 54 programmes régionaux et nationaux.
Les femmes restent trop peu présentes dans la recherche scientifique : elles représentent aujourd’hui seulement 33 % des chercheurs dans le monde, et 28 % en France. En Europe, 86 % des hautes fonctions académiques en sciences sont exercées par des hommes. Et moins de 4 % des prix Nobel de science ont été décernés à des femmes.
Cette année, pour le Prix Jeunes Talents France 2024, 35 doctorantes et post-doctorantes ont été sélectionnées en France parmi près de 800 candidates par un jury de plus de 40 membres de l’Académie des sciences. Ces scientifiques prometteuses ont reçu une dotation significative (15 000 € pour les doctorantes, 20 000 € pour les post-doctorantes), qui va les aider à poursuivre leurs travaux de recherche. Elles ont de plus bénéficié d’une formation au leadership.
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