illustration  Lucile Capuron, on compte sur elle !
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Alimentation, santé globale 4 min

Lucile Capuron, on compte sur elle !

Promouvoir la santé mentale par les habitudes de vie, tel est l’objectif de Lucile Capuron, psychologue de formation rompue à la recherche clinique. Un parcours singulier pour une personnalité d’exception, pétrie tout à la fois de modestie et d’ambition scientifique.

Publié le 03 septembre 2019

« L’impact de la recherche pour la société, c’est le plus important pour nous. » Quand Lucile Capuron a dit ça, avec la force et la conviction qui sont les siennes, elle a tout dit : son lien à l’Inra, son sens du collectif et son rapport aux malades, tout ce qui l’anime depuis de nombreuses années.

Philo, math….  Mais sciences dans tous les cas, le cœur de Lucile Capuron balance encore alors qu’elle passe son baccalauréat. Cependant, le comportement humain la fascine plus que tout et c’est sans hésiter qu’elle s’engage dans des études universitaires, s’intéressant aux neurosciences.

Loin d’une vision éthérée dont on pourrait parer la psychologie, Lucile Capuron se forme alors en psychologie expérimentale et psychologie de la santé, multipliant les stages dans des laboratoires de biologie. Elle intègre finalement le laboratoire de Neurobiologie intégrative où elle effectue sa thèse de doctorat, sous la direction de Robert Dantzer, alors directeur de recherche Inra.

Quand dépression et inflammation n'en font qu’une

A l’interface des sciences psychologiques, biomédicales, de la psychoneuroimmunologie et des neurosciences, Lucile Capuron cherche alors à comprendre pourquoi des patients atteints de cancers et traités par immunothérapie à base de cytokines, déclenchent de graves dépressions. Son travail va mettre en lumière la nature, les caractéristiques et la dynamique d'apparition des effets psychotropes de ces traitements. Il ouvre également de nombreuses perspectives que Lucile part explorer aux Etats-Unis où elle restera six ans. Là, elle renforce sa formation en psychiatrie biologique tandis qu’elle met en place un programme poussé d’études des mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent l’apparition d’altérations neuropsychiatriques dans des situations d’inflammation.

En 2005, même si elle garde un pied en Amérique, elle revient à ses premières amours. Elle est recrutée à l’Inra en qualité de Chargée de recherches et rejoint l’unité Nutrition et neurobiologie intégrée (Inra, Université Bordeaux) du centre Inra Nouvelle-Aquitaine - Bordeaux dont les travaux portent sur l’impact de la nutrition sur les fonctions cérébrales. Elle va s’attacher à y développer la recherche clinique, réalisée sur la personne humaine, alors que ses collègues travaillent sur l’animal. Avec son équipe, elle continue de s’intéresser aux mécanismes de la dépression dont elle tire les fils de la complexité depuis toutes ces années - rappelons que la dépression est une maladie fréquente, en passe de devenir la première affection invalidante au monde, dont le pronostic peut être sévère d'autant qu'un tiers des patients ne répondent pas aux traitements.

Coup de blues sur la dépression

Comprendre comment l’alimentation participe à la santé mentale

A l’origine de résultats majeurs, Lucile Capuron et ses équipes ont notamment mis en évidence que l’inflammation systémique, dont les cytokines sont un des marqueurs, est un déterminant majeur du risque de dépression. Ils ont aussi dressé le constat (clinique) que les patients atteints de pathologies immunes ou à composantes inflammatoires (cancer, maladies auto-immunes, maladies cardiovasculaires, pathologies chroniques, troubles métaboliques…) souffrent plus de dépression que la population générale (de 15 à 60 % contre 5 à 10 %). Ils ont également déterminé le rôle de l’inflammation chronique à bas bruit qui caractérise l’obésité, dans la physiopathologie des troubles neuropsychiatriques chez les personnes obèses.

Plus récemment, ils ont montré que l’inflammation, chronique ou systémique affecte le métabolisme de deux neurotransmetteurs, la sérotonine et la dopamine, essentiels, chez l'homme, au bon fonctionnement du cerveau et au maintien de l’humeur ; elle génère également des processus de neurotoxicité et affecte le fonctionnement des réseaux. Elle participe ainsi à l’apparition de symptômes dépressifs.

Et demain ?

Lucile se laisserait presque aller à rêver… son temps libre, elle le consacre d’abord à ses enfants et si les journées avaient plus de 24 heures, elle irait bien jusqu’à vouloir faire un peu plus de sport ou sortir davantage.

J’ai envie qu’on réussisse

Reconnue au niveau mondial pour ses travaux de recherche sur les relations entre l’inflammation et les symptômes neuropsychiatriques, Lucile Capuron va poursuivre ses recherches, plus déterminée que jamais, car il y a « beaucoup à faire ». Son objectif : mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la dépression résistante et son expression clinique, identifier des mécanismes de résistance aux traitements standards et définir de nouvelles stratégies préventives et thérapeutiques. Le fil rouge de son destin : faire en sorte que la nutrition et la psychiatrie se rapprochent. Un travail essentiel alors que de nombreux patients, dont certains sont dans un état de souffrance psychique énorme, lui écrivent, un peu comme au Père Noël, pour exprimer tout l’espoir qu’ils placent en elle.

Sérotonine et dopamine, voies du bien-être

Parfois appelées hormones du bonheur, la sérotonine et la dopamine sont des neurotransmetteurs, c’est-à-dire des molécules chimiques qui contribuent à la communication au sein du système nerveux. Elles sont fabriquées à partir d’acides aminés, le tryptophane et la tyrosine, respectivement.

Lucile Capuron a choisi d’observer, chez des patients qui souffrent de dépression résistante, l’activité des deux voies enzymatiques, IDO et BH4, impliquées dans leur métabolisme. L’indoleamine 2,3-dioxygénase ou IDO est une enzyme qui intervient dans la dégradation du tryptophane. Connue pour être induite par l’inflammation, elle participe également à la production de composés neurotoxiques. Le tetrahydrobiopterine ou BH4 est un cofacteur essentiel dans la synthèse de la dopamine et de la sérotonine, à partir de la tyrosine et du tryptophane. Sa fabrication fait intervenir une enzyme, la guanosine triphosphate cyclohydrolase 1 ou GTP-CH1, dont l’activité est modifiée en conditions inflammatoires.

En savoir plus

Oriolo G., Huet L., Dexpert S. et al.  (2019). History of major depression is associated with neuropsychiatric symptoms but not systemic inflammation in a cross-sectional study in obese patients. Brain, Behavior, and Immunity 76, 215-222.

Vancassel S., Capuron L., and Castanon N. Brain kynurenine and BH4 pathways: Relevance to the pathophysiology and treatment of inflammation-driven depressive symptoms. Frontiers in Neuroscience, 24 July 2018.

Delgado I., Huet L., Dexpert S. et al.  (2018). Depressive symptoms in obesity: Relative contribution of low-grade inflammation and metabolic health. Psychoneuroendocrinology 91, 55-61. 

Huet L., Delgado I., Aouizerate B. et al.  (2019). Obesity and depression: shared pathophysiology and translational implication. In: Quevedo J., Carvalho A.F., and Zarate C.A. (Eds). Neurobiology of Depression, Road to Novel Therapeutics, Elsevier, pp. 169-176.

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Lucile Capuron UMR Nutrition et neurobiologie intégrée (Inrae, Univ. Bordeaux)

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