Société et territoires 3 min

L’influence des dynamiques politiques sur la protection de la biodiversité : l’exemple des États-Unis

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Les aires protégées ont historiquement été créées pour préserver la biodiversité, mais ces dernières peuvent être menacées par des décisions politiques. À travers l’exemple des États-Unis et en s’appuyant sur des données entre 2001 et 2018, des scientifiques d’INRAE, de l’Institut Agro, de l’université Duke montrent que le passage à une représentation politique Républicaine majoritaire au sein des États entraine un risque de réduction ou de déclassement des aires protégées. Ces résultats, publiés dans la revue Ecology and Society, soulignent la forte influence des orientations politiques dans les décisions de conservation.

Publié le 23 septembre 2024

illustration L’influence des dynamiques politiques sur la protection  de la biodiversité : l’exemple des États-Unis
© NPS/David Restivo

Les expertises scientifiques attestent de l’érosion de la biodiversité : selon l’IPBES, 75 % des terres sont altérées par l’humanité et 1 million d’espèces, sur un total estimé à 8 millions, est menacé d’extinction[1]. En 2022, la COP15 a trouvé un accord qui vise la protection de 30 % de la planète (des surfaces en terres, mers et eaux douces) d’ici à 2030. Malgré les objectifs internationaux, diverses pressions peuvent rendre cette protection difficile à mettre en œuvre. En effet, de précédents travaux avaient mis en évidence l’influence des pressions économiques sur les déclassements (autorisation d’activités auparavant interdites au sein de l’aire protégée), les réductions, ou parfois même de suppression d’aires protégées.

Jusqu’alors, peu d‘études ont examiné le rôle des dynamiques politiques dans la conservation environnementale. Des scientifiques d’INRAE, de l’Institut Agro, de l’université Duke ont analysé le cas des États-Unis entre 2001 et 2018, pour étudier les effets des changements dans la représentation politique sur le maintien des aires protégées

Dans cette étude, les scientifiques ont ainsi analysé 861 propositions et 233 adoptions de mesures par la Chambre des représentants et au Sénat en distinguant clairement les propositions au Congrès de réduction d’aires protégées des décisions finales. Au total, il a été dénombré 583 propositions et 5 adoptions pour des raisons d’infrastructures, 94 propositions et 2 adoptions pour des extractions minières ou pétrolières, 1 proposition et 222 adoptions pour des raisons de subsistance.

La carte indique la raison pour laquelle les déclassements/réductions d’aires protégées ont été proposés ou adoptés : développement des infrastructures, exploitations minières et de pétroles ou subsistance (par exemple, le rétablissement des droits des tribus locales à récolter des plantes).

Pour estimer l’influence de la représentation politique dans ces décisions, les scientifiques se sont appuyés sur l’appartenance politique des élus, à la fois au niveau du district pour le représentant à la Chambre des représentants, et au niveau de l’État pour les 2 sénateurs. À l’aide de méthodes statistiques avancées, ils ont ensuite évalué l’influence des variables politiques, c’est-à-dire les changements entre Républicains et Démocrates, ainsi que des conditions économiques des districts sur les évènements législatifs concernant les aires protégées.

Les analyses montrent que lorsque la représentation d'un district bascule des Démocrates aux Républicains, la probabilité d’observer une proposition ou l’adoption d’un déclassement ou d’une réduction d’aires protégées passe de 2,1 à 4,7 %. Par ailleurs, cette probabilité passe de 0,1 à 4,3% lors d’un changement de majorité en faveur des Républicains à la Chambre des représentants et de 2,2 à 5,7 % au Sénat. Ce constat met en lumière la vulnérabilité des aires protégées face aux dynamiques politiques, soulignant que les décisions de conservation sont fortement influencées par les orientations politiques des élus.

À partir d’analyses complémentaires, les scientifiques montrent que leurs résultats sont essentiellement dus aux propositions de déclassement ou de réduction, plutôt qu’à leurs adoptions. Bien que les propositions n’aboutissent pas toujours à un changement juridique, elles exercent des pressions vers une baisse de la protection et indiquent des positions politiques sur les efforts en matière d’environnement.

Les scientifiques envisagent de poursuivre leurs travaux sur les mécanismes qui facilitent ou freinent l’acceptation d’une proposition de loi sur les aires protégées et dans quelle mesure ces propositions peuvent être utilisées de manière stratégique par certains candidats dans un contexte de réélection.


[1] Díaz S., Settele J., Brondízio E.S. et al. (2019). Summary for policymakers of the global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. IPBES.

Référence

Le Velly G., Delacote P., Golden Kroner. et al. (2024). Politics Driving Efforts to Reduce Biodiversity Conservation in the United States. Ecology and Society, DOI : https://doi.org/10.5751/ES-15338-290327

cp_influence_dyn_politique_biodiv_VFpdf - 858.50 KB

Service Médias et opinion INRAE

Contacts scientifiques

Philippe Delacote Unité mixte de recherche Bureau d'économie théorique et appliquée (université de Strasbourg, CNRS, université de Lorraine, INRAE, AgroParisTech)

Gwenole Le Velly Unité mixe de recherche Centre d’économie de l’environnement de Montpellier (INRAE, université de Montpellier, CNRS, Institut Agro Montpellier)

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