L’impact du changement climatique sur les cervidés
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Une étude européenne, menée par l’Université suédoise des sciences agricoles et à laquelle a participé INRAE, fait le bilan de 20 années de recherche sur les effets du changement climatique sur les populations de cervidés d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord. La synthèse de 218 publications scientifiques, publiée dans Global Change Biology, montre que si des hivers plus doux avantagent de nombreuses populations de cervidés, les étés plus chauds et secs pourraient dépasser leur tolérance d’adaptation et les pousser vers des zones géographiques plus au nord. Ces résultats devraient aider les gestionnaires de parcs naturels et de forêts à mieux comprendre comment les populations de cervidés pourraient réagir face aux climats futurs et adapter leur stratégie de gestion en conséquence.
Publié le 24 septembre 2024
Les températures, les précipitations, la neige, les événements météorologiques extrêmes sont autant de facteurs liés au changement climatique qui affectent directement la faune sauvage. Connaître leurs impacts sur la physiologie, la dynamique des populations et la répartition des différentes espèces de cervidés est important pour leur suivi et leur protection. Les scientifiques font le bilan de 20 ans de recherche sur les 10 principales espèces de cervidés des régions boréales et tempérées : l’élan, le chevreuil, le wapiti, le cerf élaphe, le cerf sika, le daim, le cerf de Virginie, le cerf mulet, le caribou et le renne. Sur la base de 218 publications, leur analyse synthétise les tendances globales des effets du changement climatique sur la physiologie, le comportement et la dynamique des populations de ces animaux.
Le changement climatique affecte les cervidés à tous les niveaux
Avec l’augmentation globale des températures, les hivers plus doux auraient des effets bénéfiques pour de nombreuses populations de cervidés : ils dépensent moins d’énergie pour se réchauffer et ont plus de facilités à trouver de la nourriture. En revanche cela peut être délétère pour les espèces vivant dans les climats les plus froids, comme les rennes ou les caribous, car les variations de température l’hiver peuvent créer des croûtes de glace les empêchant d’accéder aux lichens dont ils se nourrissent.
De même, les étés plus chauds et plus secs pourraient dépasser les tolérances d’adaptation de certaines populations de cervidés, notamment à cause du stress thermique et des parasites. À court terme, cela peut entraîner une diminution de la condition physique des animaux et à long terme les amener à se déplacer plus au nord en changeant les aires de répartition des cervidés. Par exemple, c’est le cas pour l’élan, la plus grande espèce de cervidés et l’une des mieux adaptées aux climats froids. Il est très sensible à la chaleur et les populations d’élans les plus au sud, comme au sud de la Scandinavie, sont plus affectées par le changement climatique et pourraient disparaitre de ces zones. Certaines espèces de cervidés peuvent réduire ces effets délétères en choisissant de se réfugier dans des habitats moins chauds et en réduisant leurs activités journalières pendant les heures les plus chaudes. Mais cela peut avoir des effets néfastes à long terme sur la dynamique des populations. En effet, le stress que subissent les élans et les chevreuils induit une baisse de leur masse corporelle. La génération d’animaux plus petits peut se répercuter sur les générations suivantes et ainsi diminuer la croissance des populations.
Enfin l’augmentation des températures au printemps et en automne a pour conséquences de raccourcir les périodes de couverture neigeuse et en réduisent l’épaisseur, ce qui change le calendrier et les routes migratoires des caribous et des cerfs élaphes. La migration des animaux est avancée au printemps et retardée en automne, ce qui pourrait provoquer à long terme la sédentarisation de ces espèces migratrices.
Ce bilan de 20 ans de recherche permet d’avoir une vision globale de la façon dont les cervidés réagissent et réagiront aux conditions climatiques. Les scientifiques ont également identifié plusieurs champs à approfondir, notamment l’impact potentiel des événements météorologiques extrêmes, du type de neige et des automnes plus humides sur les cervidés. Ces résultats devraient également aider les gestionnaires de parcs naturels et de forêts ainsi que les chasseurs à mieux comprendre comment les populations de cervidés pourraient réagir face aux futures conditions climatiques et adapter leur stratégie de gestion de ces populations pour les préserver.
Référence
Felton A.M., Wam H.K., Borowski Z. et al. (2024).Climate change and deer in boreal and temperate regions: From physiology to population dynamics and species distributions. Global Change Biology; 30:e17505. https://doi.org/10.1111/gcb.17505