L'exploitation forestière a-t-elle fortement augmenté depuis 2016 en Europe et en particulier en France ?

L’étude “Abrupt increase in harvested forest area over Europe after 2015. Ceccherini et al. 2020. Nature, 583(7814), 72-77 » avait déclenché un débat animé, tant scientifique que politique, en affirmant que la surface des coupes forestières avait augmenté de 69% en Europe à partir de 2016. Cette étude avait pour cela utilisé des données satellites pour évaluer l’évolution de la couverture forestière. Les auteurs avaient alors suggéré que cette augmentation résultait de l’augmentation de la demande de bois, encouragée par les politiques européennes en matière de bioéconomie et de bioénergie.

Ce résultat est aujourd’hui contesté par 2 groupes de chercheurs  :

• Dans l’article publié dans Annals of Forest Science, Picard et al. (2021) sont partis du constat que ce résultat était en forte contradiction avec l’état des connaissances en France, et ont donc (i) procédé à l’analyse critique des données utilisées par Ceccherini et al. (2020) et des conclusions tirées   et (ii) fait l’inventaire des données statistiques disponibles pour l’évaluation des stocks et flux de bois des forêts françaises. Les auteurs concluent ainsi que les prélèvements n’ont pas augmenté en France depuis 2016. 
• Dans l'article « Concerns about reported harvested area in European forests », publié dans Nature fin avril, Palahi et al. (2021) démontrent quant à eux, que les importants changements de récolte signalés par le CCR résultent d'erreurs méthodologiques et que la récolte forestière n'aurait augmenté que de 6 % en Europe au cours des dernières années. Ces erreurs méthodologiques sont liées au fait que la sensibilité des satellites s'est nettement améliorée au cours de la période d'évaluation, révélant mieux les couverts forestiers peu denses, ainsi qu'au fait que les changements dans la couverture forestière ont souvent résulter de perturbations naturelles – par exemple les dépérissements ou chutes d'arbres liés aux tempêtes, à la sécheresse, ou aux défoliations d’insectes – et non à une augmentation des récoltes de bois.

Ce débat met l’accent sur les limites de l’utilisation de données satellites mal filtrées et souligne la nécessité de combiner des informations forestières de différentes origines (ex. inventaires forestiers, statistiques de production) pour progresser dans le monitoring des forêts et dans son harmonisation à l’échelle européenne.

Références :

Guido Ceccherini, Gregory Duveiller, Giacomo Grassi, Guido Lemoine, Valerio Avitabile, Roberto Pilli & Alessandro Cescatti (2020a) Abrupt increase in harvested forest area over Europe after 2015. Nature 583:72–77.  https://doi.org/10.1038/s41586-020-2438-y

Nicolas Picard, Jean-Michel Leban, Jean-Marc Guehl, Erwin Dreyer  Olivier Bouriaud, Jean-Daniel Bontemps, Guy Landmann, Antoine Colin, Jean-Luc Peyron & Pascal Marty (2021). Recent increase in European forest harvests as based on area estimates (Ceccherini et al. 2020a) not confirmed in the French case. Annals of Forest Science, 78(1), 9 https://doi.org/10.1007/s13595-021-01030-x

Marc Palahí , Ruben Valbuena, Cornelius Senf, Nezha Acil, Thomas A. M. Pugh, Jonathan Sadler, Rupert Seidl, Peter Potapov, Barry Gardiner, Lauri Hetemäki, Gherardo Chirici, Saverio Francini, Tomáš Hlásny^, Bas Jan Willem Lerink, Håkan Olsson, José Ramón González Olabarria, Davide Ascoli, Antti Asikainen, Jürgen Bauhus, Göran Berndes, Janis Donis, Jonas Fridman, Marc Hanewinkel^, Hervé Jactel, Marcus Lindner , Marco Marchetti, Róbert Marušák, Douglas Sheil, Margarida Tomé, Antoni Trasobares, Pieter Johannes Verkerk, Minna Korhonen & Gert-Jan Nabuurs (2021). Concerns about reported harvested area in European forests. Nature Nature 592, E15–E17 https://doi.org/10.1038/s41586-021-03292-x