Les levures, une solution pour améliorer l’efficience des régimes végétaux chez la truite arc-en-ciel

L'aquaculture a connu un développement considérable depuis les années 80, pour compenser la stagnation des captures de pêche consécutive à la mise en place de la politique de quotas et répondre à la demande croissante de poissons pour la consommation humaine. Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), l'aquaculture doit poursuivre son développement pour contribuer à fournir suffisamment de protéines animales à plus de 9 milliards de personnes à l'horizon 2050.
Ce développement implique une demande croissante d'aliments aquacoles, lesquels sont traditionnellement fabriqués à base de farines et huiles de poisson. Or, ces ressources sont limitées ce qui pourrait rapidement compromettre le développement de ce secteur de production animale.

Des efforts ont été déployés pour remplacer la farine et l'huile de poissons par des végétaux et ainsi réduire la pression sur les ressources halieutiques. Cependant, le remplacement total de la farine et de l'huile de poisson réduit la croissance et la qualité du poisson.
Pour surmonter ce problème, les chercheurs de l’UMR NuMéA ont proposé d’introduire de nouveaux ingrédients dans les aliments aquacoles afin d’en améliorer l’efficacité (projet FUI NINAqua (Nouveaux Ingrédients pour de Nouveaux Aliments Aquacoles).

La levure comme source de protéines

Parmi ces ingrédients possibles, la levure est un candidat intéressant car elle est riche en protéines, n’est pas en concurrence avec l'alimentation humaine et est déjà autorisée en alimentation animale. Ainsi, en collaboration avec l’entreprise Phileo by Lesaffre, qui figure parmi les leaders mondiaux de la production de levures et le fabricant d’aliments Le Gouessant, un protocole a été mis en place afin d’évaluer l’intérêt d’introduire des levures dans les aliments dépourvus de farine et d’huile de poissons destinés à la truite arc-en-ciel pour en améliorer les performances. Durant 12 semaines, 360 truites arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) juvéniles (d’environ 50 g) ont été nourries ad libitum avec des régimes à base de plantes (totalement dépourvu de farine et d'huile de poisson), contenant chacun la même quantité de microalgues comme source de DHA* et 0, 5, 10 ou 15 % d'une fraction de parois de levure de boulangerie (Saccharomyces cerevisiae) riche en protéines.

La levure améliore les performances de croissance et la santé des truites

Les résultats indiquent qu'une inclusion de 15 % de levure permet d’augmenter de 15 % les performances de croissance des truites nourries avec un régime à base de plantes (247,3 g ± 14.0 à 0 % contre 284,4 g ± 5,3 à 15 %) en améliorant essentiellement l'indice de consommation** et la rétention de l’azote. Des effets bénéfiques sur la santé intestinale sont également observés, avec entre autres, une diminution de l’infiltration lymphocytaire dans la lamina propria de l'intestin distal dès l’inclusion de 10 % de levure et une réduction du score global d'inflammation avec le régime comportant 15 % de levures. Les analyses histologiques mettent également en évidence une augmentation de la surface d’absorption de la muqueuse intestinale avec les régimes contenant la levure. De manière surprenante, l'incorporation de 5 % de levure dans le régime alimentaire a conduit à une accumulation significativement accrue de DHA* dans le corps entier : 2.78 % des acides gras totaux sans levures vs 3.89 % avec 5% de levures.

Ces régimes doivent maintenant être testés, en comparaison avec des régimes de type commerciaux contenant de la farine et de l’huile de poissons, sur d’autres étapes du cycle de production de la truite arc-en-ciel, à savoir dès les premiers repas chez les alevins et chez les reproducteurs.

* acide docosahexaénoïque, acide gras oméga 3, essentiel au bon fonctionnement de nombreuses fonctions de l’organisme.

** quantité d'aliment nécessaire pour un kg de gain de poids