illustration Laurent Debrauwer, le spectro-maître
© INRAE C. Maître

Alimentation, santé globale 7 min

Laurent Debrauwer, le spectro-maître

À l’Inra de Toulouse, un commandant à bord d‘une Citroën Dyane 6 a l’esprit d’aventure. Laurent Debrauwer pilote la plateforme d’outils d’analyse en toxicologie alimentaire. Sous ses airs calmes et discrets, se cachent un spécialiste d’avant-garde à la boucle d’oreille acier, un brin provocateur pour manœuvrer la plateforme à la pointe de la spectrométrie mondiale.

Publié le 08 décembre 2015

« Le consommateur veut savoir ce qu’il a dans son assiette ». Pour répondre à cette demande sociétale, Laurent Debrauwer rivalise d’ingéniosité : « la spectrométrie de masse est une discipline aux évolutions très rapides ! ». Ce qu’offre la plateforme de toxicologie analytique de l’unité Toxalim, ce sont des outils de pointe qui permettent de connaître l’exposition réelle aux contaminants et leurs effets sur la santé par l’analyse des fluides biologiques (sang, urine…). Précurseur, il l’a équipée d’outils toujours plus performants, avec un objectif : fournir des fenêtres d’observation encore plus fines.

Mécaniste des fluides

Bercé par le rythme de sa passion, Laurent Debrauwer repousse la technique au-delà des limites de sa créativité. Les résultats vont de la détection des composés toxiques jusqu’à la modélisation de l’exposition et de ses effets sur le métabolisme. Au service des programmes de recherche nationaux ou européens de ceux qui le sollicitent, il assure une fonction transversale : « on rencontre des chercheurs d’horizons différents, dont les questionnements sont les moteurs de nos développements ».

La liberté, stimulant des recherches

Chef d’orchestre de la plateforme, Laurent Debrauwer donne le tempo entouré d’une quinzaine de personnes, totalisant plus de 20 000 analyses par an : « Chaque maillon de la chaîne est important ». Sa source de satisfaction, il la puise dans la transmission de ses compétences de pointe à ceux qui feront la recherche de demain. « Laurent a été mon directeur de thèse, il m’a toujours donné les clés pour m’épanouir dans mon travail », souligne Émilien Jamin, ingénieur de recherche sur la plateforme. Plus qu’une fierté personnelle, son laurier il l’entend comme la reconnaissance de tous ceux qui travaillent sur des plateaux techniques, au service de la communauté scientifique. « Je suis plutôt sport d’équipe », reconnaît-il, heureux de soulever ce trophée entouré de tous ceux qui l’accompagnent. Car en bon capitaine, Laurent Debrauwer fixe le cap avec une règle : « La liberté pour principale stratégie de travail, car la recherche publique laisse encore place à l’imagination pour atteindre les objectifs fixés ».

Innovateur d’élite

S’il garde toujours un œil sur ses spectromètres, il voit surtout plus loin : « Laurent apporte toujours des idées novatrices. Avec conviction et diplomatie, il sait faire adhérer les gens à ses projets », confie Isabelle Oswald, directrice adjointe de l’unité Toxalim. C’est le goût du défi qui conduit Laurent Debrauwer à l’Inra en 1990. Il a alors carte blanche pour acquérir le premier équipement lourd de l’unité et monter une équipe : « Une grosse responsabilité à 26 ans, et surtout une chance ». Il introduit dès 1991 l’une des premières sources électrospray en France : «  une vraie rupture qui a permis d’ouvrir la spectrométrie de masse, jusque-là réservée aux chimistes, à la biologie et à ses applications diverses ». Dans les années 2000, des techniques plus globales se développent avec la métabolomique. Une nouvelle fois, Laurent est pionnier : la plateforme s’équipe en RMN1 et en spectromètre de masse haute résolution : « Ces deux outils sont très complémentaires pour l’analyse des effets des contaminants sur le métabolisme ». Un véritable tournant s’opère en 2006, avec la mutualisation des équipements et la mise en réseaux  des plateformes: « L’Inra a pris conscience très tôt de la nécessité de structurer ses dispositifs technologiques, et a soutenu notre développement ». Son inspiration, il la trouve au contact de la communauté scientifique de sa discipline en organisant régulièrement des rencontres autour de sa technique : « Malgré la pression et la compétition grandissante, le maintien du lien social reste une priorité », et son carburant indispensable pour transformer sa veille technologique en applications performantes.

 

Et après ?

Défricher les fronts nouveaux, Laurent Debrauwer n’en a jamais assez. Et il a surtout pleine conscience que l’avenir de la plateforme repose sur l’introduction constante de technologies de rupture : « il y a un bouillonnement de créativité au niveau international, il faut continuer à proposer des concepts innovants pour relever les défis de la biologie intégrative et prédictive ». Sa prochaine piste : l’imagerie par spectrométrie de masse. « Pour donner accès à une vision spatiale du métabolome, il faut planifier un investissement financier lourd, et développer les compétences pour l’utiliser », assène-t-il, comme un explorateur répétant ses gammes avant de repartir à l’aventure.

 

1 Résonance magnétique nucléaire

Equipe Laurent Debrauwer
Laurent Debrauwer, Laurier Innovation technologique INRAE 2015, entouré de son équipe de la Plateforme Metatoul-Axiom, unité Toxicologie Alimentaire.

 

 

Julie CherigueneRédactrice

Contacts

Laurent Debrauwer UMR1331 ToxAlim Toxicologie Alimentaire

Le centre