Changement climatique et risques 4 min

Inauguration du dispositif expérimental sécheresse

Le mercredi 16 septembre 2020, un nouveau dispositif expérimental sécheresse, situé sur le site expérimental de recherches de Montiers-sur-Saulx, a été inauguré. Ce dispositif piloté par INRAE - BEF, unique en Europe, permettra de déterminer expérimentalement et in situ l’effet de la diminution des précipitations au printemps sur le fonctionnement biogéochimique de l’écosystème forestier local, d’évaluer la résilience des arbres face à ces futures conditions et de déceler d’éventuelles adaptations biologiques des arbres et des microorganismes du sol sur une dizaine d’années.

Publié le 27 septembre 2020

illustration Inauguration du dispositif expérimental sécheresse
© INRAE

Les sécheresses sont connues pour être des causes de dépérissements massifs de peuplements forestiers à l’échelle mondiale avec pour effet des conséquences en termes de biodiversité, de productivité des forêts et des services écosystémiques qu’elles procurent. Les scénarios modélisés du changement climatique prévoient une augmentation des sécheresses printanières et estivales dans notre région. Dans le Grand Est, certaines forêts sont déjà en train de dépérir en raison d’un déficit en eau.

Forêt domaniale de Montiers-sur-Saulx
Les conséquences de la sécheresse sont déjà visibles sur les arbres de la forêt domaniale de Montiers-sur-Saulx (Meuse)

Le dispositif expérimental sécheresse

Un nouveau dispositif expérimental sécheresse, unique en Europe, a été installé sur le site expérimental de recherches affilié au SOERE OPE1 et au réseau AnaEE2, dans la forêt domaniale de Montiers-sur-Saulx (Meuse) gérée par l’Office national des Forêts (ONF). Ce site est constitué d’un peuplement homogène (hêtraie adulte de 60 ans) développé sur un sol représentatif de la région. Ce dispositif3, piloté par INRAE, a pour but de mimer et d’accentuer les sécheresses printanières et estivales pour déterminer expérimentalement et in situ l’effet de la diminution des précipitations sur le fonctionnement biogéochimique de l’écosystème forestier, d’évaluer la résilience des arbres face à ces futures conditions et de déceler d’éventuelles adaptations biologiques des arbres sur une dizaine d’années.

Le dispositif expérimental sécheresse
Le dispositif expérimental sécheresse installé sur le site expérimental de recherches de Montiers-sur-Saulx

Afin de simuler une sécheresse, un toit amovible d’une superficie de 400 m² et situé sous la canopée, peut se refermer automatiquement par temps de pluie pour supprimer l’arrivée de l’eau de pluie au sol sur une parcelle délimitée appelée « parcelle sèche ».

Sous la canopée
Le toit ouvert sous la canopée
Sous le toit
Sous le toit en position fermé. Le toit est bien étanche au niveau de chaque tronc d'arbre en cas de pluie pour simuler une sécheresse extrême. 

Afin d’éviter les transferts d’eau latérale et la colonisation des racines hors de la parcelle sèche, une bâche est mise en place dans le sol après creusement d’une tranchée d’environ 2 m de profondeur. Le fonctionnement de l’écosystème sera comparé entre la parcelle sèche (sous le toit) et la parcelle « contrôle » (sans toit). Ce dispositif inclut l’installation de capteurs dans chaque parcelle permettant de caractériser les fonctionnements biogéochimiques et biologiques des arbres comme la quantité et la chimie de l’eau dans le sol, la croissance des arbres, les flux de sèves et les microorganismes du sol. Ces paramètres sont suivis conjointement par plusieurs équipes du Laboratoire d’Excellence ARBREet de l’Université de Lorraine.

Les principaux résultats attendus à l’échéance de 3 à 10 ans, permettront de déterminer si une forêt mature de hêtres, qui est l’essence locale dominante, pourra résister à l’intensification des sécheresses prévues dans le siècle à venir dans notre région. Ces résultats devraient permettre d’anticiper et de fournir aux gestionnaires des recommandations pour la gestion durable des forêts.

Retour en images sur l'inauguration

Discussions entre les chercheurs INRAE et l'ONF
Discussions entre les chercheurs INRAE et l'ONF :
"Que peuvent apporter les travaux de recherche à la gestion sylvicole locale ?"
Jeanne Touche
Trois groupes d'invités composés de membres partenaires du projet, d'entreprises ayant participé au chantier et d'élus locaux, ont pu découvrir le dispositif expérimental sécheresse.
Marie-Pierre Turpault présente le nouveau dispositif expérimental sécheresse
Marie-Pierre Turpault (Directrice de Recherche INRAE - Unité Biogéochimie des Ecosystèmes Forestiers) présente le nouveau dispositif expérimental sécheresse.
Serge Didier
Serge Didier (Assistant ingénieur INRAE - Unité Biogéochimie des Ecosystèmes Forestiers) a présenté les différents capteurs mis en place pour suivre les cycles biogéochimiques (circulation des éléments chimiques entre les arbres, le sol, l'atmosphère et le sous-sol).
Marie Dincher
Marie Dincher (Doctorante INRAE) a présenté les premiers résultats du dispositif obtenus depuis juin 2020.
"Il y a eu seulement 78 mm de pluie depuis le 1er juin !"
Christophe Calvaruso - Ecosustain
Christophe Calvaruso (Ingénieur de Recherche Ecosustain) a expliqué les contraintes liées à la construction du toit d'une superficie de 400 m² en pleine forêt et son fonctionnement.
"Le toit traverse 32 arbres. Il a donc fallu s'adapter, faire en sorte que le toit impacte au minimum le sol et le fonctionnement des arbres lorsqu'il n'est pas déployé mais qu'en cas de pluie, qu'il se ferme automatiquement et soit bien étanche autour de chaque arbre sur une superficie de 400 m²."
Damien Bonal
Damien Bonal (Directeur de Recherche INRAE - Unité Silva) a présenté le capteur Granier servant au mesure des flux de sève afin de déterminer l'impact des facteurs climatiques sur ces flux.
Capteur Granier
Sous le toit, chaque arbre possède un capteur Granier permettant de mesurer les flux de sève.
Stéphane Uroz
Stéphane Uroz (Directeur de Recherche INRAE - Unité Interactions Arbres-Microorganismes) a expliqué en quoi le dispositif expérimental sécheresse servira pour l'étude des intéractions sols-microorganismes-arbres dans un contexte de changements globaux.
" Les arbres sont toujours associés à des microorganismes et ont besoin d'eux pour vivre. Dans le sol, tout est intimement connecté. L'ensemble est piloté par le climat, par l'apport en eau ou par la disponibilité en éléments nutritifs"
Jeanne Touche 2
Jeanne Touche (Doctorante INRAE - BEF / Université de Lorraine Georessources, financée par le le projet DEEPSURF) est revenue sur les premiers résultats obtenus depuis 2015 grâce au prototype de toit amovible.
"On constate un stress hydrique mais aussi un stress nutritif pour les arbres situés sous le prototype.
5 arbres sur 12 sont fortement défoliés au bout des 5 ans d'étude !"
Prototype
Prototype du toit amovible (environ 75 m²) testé depuis 5 ans en forêt domaniale de Montiers-sur-Saulx afin de préparer le montage du dispositif expérimental sécheresse.
Evolution arbre
Evolution d'un arbre situé sous le prototype : on constate un dépérissement de l'arbre depuis août 2018. 

 


1 L’OPE (Observatoire Pérenne de l’Environnement), labellisé SOERE (Système d’Observation et d’Expérimentation au long terme pour la Recherche en Environnement), est situé dans les départements de Meuse et de Haute-Marne et a été mis en place en 2007 par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) dans le cadre du projet d’implantation du centre de stockage réversible profond Cigéo, destiné aux déchets les plus radioactifs et à vie longue. L’OPE a pour mission de décrire précisément l’environnement avant et après la construction du stockage et d’en suivre l’évolution sur une centaine d’années.

2 AnaEE-France (Analyse et Expérimentation sur les Ecosystèmes) est un réseau de plateformes françaises d’expérimentation, d’analyse et de modélisation pour l’étude des écosystèmes continentaux, terrestres et aquatiques et leur évolution face au changement climatique.

Le coût total du dispositif s’élève à 300 k€ et a été financé par INRAE, la Région Grand Est, le FEDER (Union Européenne, la République Française et l’ADEME) et Lorraine Université d’Excellence (LUE).

Le LabEx ARBRE (Recherches Avancées sur la Biologie de l’Arbre et les Ecosystèmes Forestiers) est un consortium d’équipes de recherches du site lorrain.

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