Alimentation, santé globale 6 min

Impact du pâturage sur la qualité des produits

Le salon Tech&Bio qui s'est déroulé les 18 et 19 septembre derniers dans la Drôme est l’occasion de revenir sur des recherches emblématiques d’INRAE sur l’impact du pâturage sur la qualité des produits. Des recherches pour lesquelles le Centre Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes a joué et joue un rôle moteur.

Publié le 16 janvier 2020

illustration Impact du pâturage sur la qualité des produits
© INRAE

De nombreuses études ont été menées par les chercheurs INRAE pour fournir des éléments objectifs sur l’influence des terroirs et modes de production sur les produits, liaison qui constitue un élément fondamental de la notion d’AOC et d'AOP ou de produits Bio. Ces études répondent aux demandes des professionnels des filières et fournissent des indications précieuses pour raisonner les évolutions à donner aux cahiers des charges de leurs produits, ou aux consommateurs directement. Pour de nombreuses productions de qualité, la consommation de fourrages naturels locaux (foin ou pâturage) est un des éléments structurant de l’appellation.

En France, depuis une dizaine d’années, l’institut et notamment les équipes du Centre Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes ont ainsi mené d’importants travaux pour caractériser et authentifier les produits d’animaux nourris à base d’herbe. Que ce soit le goût du lait, la couleur, la texture, la flaveur des fromages ou de la viande, on peut montrer un impact significatif du pâturage sur la qualité des produits.

La valeur nutritionnelle des produits notamment fait l’objet d’une demande constante d’informations de la part des filières concernées et est une des motivations d’achat des produits par les consommateurs. Les recherches ont notamment montré le bénéfice procuré par le pâturage pour le lait et la viande : forte diminution des acides gras saturés, augmentation des acides gras polyinsaturés comme les Ω 3, amélioration du ratio Ω6/Ω3 ainsi qu’une hausse de la teneur en antioxydants et certaines vitamines. Même si les effets du pâturage dépendent du pourcentage d’herbe dans la ration de l’animal, leurs qualités nutritionnelles restent supérieures à celles des produits animaux nourris à base de compléments ou d’ensilage de maïs.

La diversité botanique des prairies naturelles joue également un rôle, en particulier sur les fromages.

 

La qualité des produits est influencée par les procédés technologiques, mais aussi les conditions d’élevage et la nutrition des animaux.

Dans le cas des fromages au lait cru, il faut principalement considérer trois éléments : le milieu physique (géologie, sols et climats) qui est à l’origine, entre autres, de la nature des fourrages ;  l’animal et ses caractéristiques génétiques ; et l’homme qui intervient par ses pratiques culturales et d’élevage et son savoir-faire pour la fabrication des fromages.

A ce dernier niveau, l’influence se note par exemple sur la qualité bactériologique du lait, qui dépend des conditions d’environnement des animaux (prairie, aliments, hygiène, traite…) et de la fromagerie (effet important de la technologie de transformation). La diversité de cette microflore participe à la diversité sensorielle des fromages.

On peut ainsi dire que les fromages fabriqués à partir de lait d’été de pâturage (ou sous cahiers des charges promouvant l’élevage à l’herbe) sont meilleurs pour la santé. Ils sont par ailleurs préférés sur le plan gustatif.

La couleur et la flaveur de la viande sont influencées par différents facteurs liés aux propriétés des muscles (taille des fibres, activité enzymatique, etc.), aux caractéristiques de l’animal (race, âge, sexe…), aux conditions d’élevage en particulier au cours de la phase de finition (quantité et nature des aliments, activité physique par exemple au pâturage) et aux conditions d’abattage (durée et conditions de transport et d’attente à l’abattoir, stress, etc.). L’influence de la cuisson est en général plus faible.

Ainsi, dans le cas des viandes, la flaveur est en général plus intense lorsque les ruminants sont finis au pâturage. En particulier, la viande d’agneaux est assez sensible à la composition botanique de la prairie (présence de légumineuses), avec une appréciation variable des consommateurs (on aime ou on n’aime pas). Par ailleurs la viande peut être plus tendre et plus juteuse avec une finition à base d’herbe mais les résultats sont variables selon le muscle étudié et les conditions d’élevage. Au pâturage, les ruminants se déplacent plus, ils produisent des muscles plus rouges (et parfois plus durs). Le tissu adipeux est plus jaune en raison de l’ingestion de plus de caroténoïdes. Pour un muscle donné, couleur et flaveur seront plus marquées pour des animaux plus âgés et pour une teneur en lipides plus élevée.

Même si l’on sait que la tendreté de la viande tend à diminuer avec l’âge de l’animal, elle varie aussi énormément d’un animal à l’autre, ou d’un morceau à l’autre. Les choses sont donc complexes.

L’influence respective des facteurs d’élevage et de transformation va aussi dépendre de la perception qu’a le consommateur de la qualité sensorielle de l’aliment. A ces dimensions intrinsèques de la qualité s’ajoute la représentation qu’a le consommateur de l’origine de la viande, cette représentation participant au plaisir qu’il prend à la manger et à la confiance qu’il lui accorde.

 

Les efforts de recherche sont maintenant concentrés sur les microbiotes, grâce aux nouveaux outils

Depuis peu, c’est le microbiote de la vache, du lait et de la prairie et leur lien qui intéresse les chercheurs. Les nouveaux outils de la métagénomique leur permettent aujourd’hui d’aller plus loin.

Des flux microbiens se développent dans une ferme, depuis la prairie en passant par la vache, le système de traite et impactent la composition du lait cru. La transformation et l’affinage continuent cette différenciation. L’objectif des recherches aujourd’hui est d’identifier des pratiques d’élevage qui garantissent la qualité à la fois sanitaire et organoleptique des fromages au lait cru.

Les fromages AOP présentent une diversité et des spécificités sensorielles très grandes qui ne peuvent être dissociées de la diversité et des spécificités de leur microbiote. Près de 400 espèces de bactéries, levures et moisissures ont été détectées tous laits crus confondus. Les pratiques traditionnelles utilisées de la production du lait à l’affinage des fromages permettent d’obtenir une flaveur (saveur et arômes) riche et intense pour chaque fromage, et diverse entre fromages d’une même variété. Richesse et diversité sont maximales pour les fromages traditionnels au lait cru.

Il apparaît par ailleurs que certaines communautés microbiennes des fromages traditionnels au lait cru, composées de microorganismes natifs, peuvent protéger efficacement les fromages à cœur et en surface du risque pathogène (comme Listeria monocytogenes). Cette protection dépend de la nature des espèces microbiennes présentes. Par ailleurs, outre les effets bénéfiques liés au pâturage évoqués précédemment, les fromages au lait cru pourraient avoir d’autres effets bénéfiques. C’est ce que suggèrent les études chez les jeunes (enfants/adolescents), montrant un effet protecteur de la consommation de lait cru vis-à-vis des allergies, de l’asthme, du rhume des foins et de la sensibilisation atopique. L’origine de cet effet protecteur n’est pas encore bien caractérisée.

Enfin, le lien au terroir ne repose pas uniquement sur des éléments historiques et culturels, le volet biotechnique doit être pris en compte. Sur la question de l’authentification analytique, on travaille aujourd’hui jusqu’à la mise au point de technologies d’authentification, à partir d’analyses du lait, pour certifier des éléments de cahier des charges des filières AOP. Les méthodes spectrales ont un certain potentiel pour discriminer les compositions suivant les itinéraires de production.

 

En conclusion, les produits de qualité élaborés à partir des animaux nourris à l’herbe ont des atouts indéniables et inégalables, notamment pour ce qui est des fromages. La qualité des produits est alors en grande partie en lien avec l’alimentation au pâturage. Les choses sont plus complexes pour les viandes. De nombreux services indispensables aux territoires sont par ailleurs adossés à cette activité, notamment l’entretien des paysages en zone de montagne. De plus, ces productions souscrivent également à la notion de bien-être animal, de plus en plus appréciée.

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