illustration Guillaume Martin, l’agroécologie à pleine vie
© INRAE, Yoann Leguistin

Agroécologie 5 min

Guillaume Martin, l’agroécologie à pleine vie

Guillaume Martin, chargé de recherche dans l’unité Agroécologie, Innovation et Territoires (AGIR) du centre Inra Occitanie-Toulouse, reçoit le laurier Espoir scientifique 2019 de l’Inra pour ses travaux sur l’adaptation des élevages aux changements climatiques et aux aléas des marchés. Rencontre avec un scientifique, pionnier dans ses approches, et engagé pour bâtir la transition agroécologique en concertation avec les acteurs de l’élevage.

Publié le 19 novembre 2019

Pour Guillaume Martin, tout fait systèmechez lui, il cultive des fruits et légumes en bio qu’il aime cuisiner et déguster accompagnés de vins glanés au cours d’escapades chez des vignerons. Au jardin, il garde ainsi un pied dans l’agroécologie, le champ que ses recherches ne cessent de défricher. À l’Inra, il observe, depuis 10 ans, les changements globaux (climatiques, économiques, réglementaires) qui peuvent fragiliser les exploitations agricoles et affecter leur résilience : « quelle capacité ont-elles à faire face, s’adapter et se remettre ? ». Il choisit de centrer ses travaux sur l’élevage. Les animaux nourris à l’herbe peuvent jouer un rôle fondamental dans le cadre d’une agriculture agroécologique. « La prairie, seule ou en rotation avec des cultures, a de multiples vertus : elle stocke du carbone dans les sols, améliore leur structure et leur fertilité, limite le développement d’adventices (mauvaises herbes) » explique-t-il.

De l’agronomie systémique et des serious games

Par opposition à une recherche factorielle qui isole l’effet d’un ou quelques facteurs, Guillaume adopte une approche systémique qui appréhende les systèmes de production agricole dans leur globalité, sans chercher à réduire leur complexité. En suivant sur plusieurs années des élevages bovins laitiers en conversion vers l’agriculture biologique, il observe une amélioration de leur résilience, à condition d‘opérer une transition franche vers des systèmes herbagers autonomes et économes. À partir de ces résultats, il développe une méthode d‘évaluation de la résilience des exploitations d‘élevage.

Il explore ensuite le potentiel d’autres leviers de résilience, techniques et organisationnels, qui dépassent le cadre de l’exploitation, par exemple des accords entre céréaliers et éleveurs pour intégrer cultures et élevages, ce qui peut minimiser l’empreinte environnementale de l’ensemble. Ses travaux pionniers procurent des outils pour l’analyse et la conception de ces leviers. Puis il coordonne une comparaison internationale d’études de cas. Objectif : caractériser les facteurs qui influencent l'émergence et les résultats d’une interaction entre céréaliers et éleveurs, tels que l’établissement de règles claires (prix, montants et délais des livraisons...) entre les acteurs.

Il est l'un des premiers, dans le champ de l’agronomie, à développer un jeu sérieux (serious game), le Rami Fourrager®, pour faciliter l’adaptation des exploitations d’élevage d’herbivores, et notamment leur transition agroécologique. Ce jeu de plateau permet aux éleveurs de concevoir et simuler collectivement les conséquences d’adaptations techniques et organisationnelles sur leurs exploitations.

La liberté d’explorer, la volonté de partager

Guillaume poursuit une double ambition de production de concepts et de méthodes originaux dans sa discipline, ainsi que de connaissances actionnables pour des éleveurs et des conseillers agricoles, avec lesquels il établit des partenariats pérennes. « La participation des acteurs de l’élevage à mes dispositifs de recherche est essentielle » souligne-t-il. Cela lui permet aussi d’intégrer leurs préoccupations dans la formulation de ses questions de recherche.

la participation des acteurs de l’élevage est essentielle

Encadrement de stages, enseignement, Guillaume est un hyper-actif dans la formation à la recherche et par la recherche ! « J’implique tout particulièrement les étudiants dans mes dispositifs. Ils contribuent pleinement à faire avancer mes recherches. Je tâche de les former aux éléments clés de l’agronomie que je pratique : notamment établir un lien fort avec le terrain et les partenaires et s’ouvrir à l’interdisciplinarité. »

Il diffuse et partage son approche de l’agronomie systémique dans l’institut. En tout premier lieu au sein de son équipe dans laquelle il voit une opportunité de tester la généricité des cadres conceptuels, des connaissances et des méthodes produites, tant la diversité de ce collectif (disciplines, postures, approches, objets) constitue une richesse inestimable dans une ambiance scientifique stimulante.

Ce laurier constitue pour lui une reconnaissance de son travail et en particulier des prises de risques engagées assez tôt dans sa carrière sur ses orientations scientifiques.

Et après?

Guillaume espère garder le même enthousiasme au travail grâce à des projets stimulants, tout en conservant la liberté dont il a pu bénéficier jusqu’à présent pour aller au bout de ses intuitions. Il travaille sur plusieurs thématiques émergentes : l’analyse et la conception de fermes plus diversifiées (par ex. en polyculture-polyélevage) et de formes plus collectives d’agriculture (par ex. dans le cadre de collaborations entre céréaliers et éleveurs), et l’évaluation de leurs impacts sur les pratiques agronomiques et d’élevage et les performances des fermes. Cette phase d’évaluation est indispensable pour envisager les conséquences d’une généralisation de ces nouveaux modèles agricoles dans le cadre de la transition agroécologique de l’agriculture.
 
Equipe de recherche de Guillaume Martin
Guillaume Martin, prix Espoir scientifique, et ses collègues de l'UMR AGIR.

Sandra FuentesRédactrice

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