Biodiversité 3 min

Dans la forêt Amazonienne, la tolérance des arbres à la sécheresse est liée à leur microbiote foliaire

Des scientifiques ont démontré que les microorganismes associés aux plantes aident ces dernières à faire face à la sécheresse. Cependant, les mécanismes sous-jacents sont mal compris et il existe une incertitude quant aux taxons et fonctions microbiennes les plus impliqués. Trois questions à Corinne Vacher, directrice de recherche dans l'UMR Biogeco (INRAE - Université de Bordeaux)

Publié le 24 juin 2022

illustration Dans la forêt Amazonienne, la tolérance des arbres à la sécheresse est liée à leur microbiote foliaire
© INRAE

Pourquoi avoir fait ces travaux ? Y-a-t-il un historique derrière ces travaux ? 

Les épisodes de sécheresse augmentent en fréquence et en intensité partout dans le monde et causent des dégâts dans les écosystèmes forestiers. La réponse des arbres à la sécheresse dépend de nombreux facteurs, y compris de leurs interactions avec des microorganismes (champignons, bactéries…). Les arbres interagissent en effet avec de très nombreux microorganismes, des racines jusqu’à la cime. Les interactions qui ont lieu dans le sol, comme par exemple les interactions avec les champignons mycorhiziens, sont les mieux connues. Celles qui ont lieu au niveau des feuilles sont moins étudiées. Pourtant, quelques travaux montrent que les microorganismes foliaires peuvent altérer le transport de l’eau, modifier l’ouverture des stomates et influencer la perméabilité de la cuticule foliaire. Le microbiote foliaire pourrait donc moduler l’effet de la sécheresse sur les arbres forestiers. Pour tester cette hypothèse, une équipe de scientifiques a exploré la canopée de la forêt Amazonienne à la recherche de microorganismes qui sont liés, positivement ou négativement, à la tolérance des arbres à la sécheresse.
 

Quel est le principal résultat ?

Qu’est-ce que le métabarcodage ? C’est une technique de caractérisation de la biodiversité basée sur le séquençage de régions particulières de l’ADN contenant une information sur les espèces présentes.

Les analyses génétiques (par la technique du metabarcodage*) ont révélé la présence de plus de 15000 « espèces microbiennes moléculaires » (champignons et bactéries confondus) dans les feuilles des 88 arbres qui ont été étudiés. Les chercheurs ont ensuite identifié une vingtaine d’espèces de champignons dont l’abondance est corrélée positivement ou négativement à la tolérance des arbres à la sécheresse. Ces champignons sont pour la plupart décrits comme des espèces pathogènes et sont plus abondants chez les arbres les plus sensibles à la sécheresse. Ces champignons foliaires pourraient donc accroître la vulnérabilité des arbres au changement climatique. Les chercheurs ont aussi identifié deux genres fongiques qui sont liés positivement à la tolérance à la sécheresse. Ces résultats pourront orienter de futures études expérimentales visant à inoculer ces microorganismes pour renforcer la tolérance des plantes à la sécheresse.

 

Quelle(s) méthode(s) avez-vous utilisé ? 

L’étude a été menée par un consortium scientifique interdisciplinaire soutenu par le Centre d’Etude de la Biodiversité Amazonienne (CEBA). L’échantillonnage a été réalisé par une équipe de grimpeurs d’arbres dans la station expérimentale de Paracou en Guyane française. Ils ont collecté des branches et des feuilles dans la canopée, sur 22 espèces d’arbres. Ces échantillons ont ensuite été analysés simultanément par des écologues microbiens et des écophysiologistes du département Ecologie et Biodiversité (ECODIV) de l’INRAE. Onze caractéristiques écophysiologiques représentant la tolérance des arbres à la sécheresse ont été mesurées. La résistance du xylème à l’embolie a par exemple été mesurée par la plateforme PHENOBOIS. L’ADN microbien présent dans les feuilles a été utilisé pour caractériser le microbiote foliaire, grâce à une approche de métabarcodage* mise en œuvre par la plateforme PGTB. Des analyses bioinformatiques et statistiques ont ensuite permis d’identifier les taxons d’intérêt.

 

 

Ces travaux ont été réalisés en partenariat avec les unités suivantes :

  • UMR ECOFOG, AgroParisTech, CIRAD, CNRS, INRAE, Université des Antilles, Université de Guyane, Kourou, France
  • UMR IAM, INRAE, Université de Lorraine, Champenoux, France
  • UMR AMAP, Université de Montpellier, CIRAD, CNRS, INRAE, IRD, Montpellier, France
  • UMR SILVA, Université de Lorraine, AgroParisTech, INRAE, Nancy, France
  • UMR EDB, Université Paul Sabatier, CNRS, IRD, Toulouse, France

Référence

Cambon M. C., Cartry D., Chancerel E., Ziegler C., Levionnois S., Coste S., Stahl C., Delzon S., Buée M., Burban B., Cazal J., Fort T., Goret J-Y., Heuret P., Léger P., Louisanna E., Ritter Y., Bonal D., Roy M., Schimann H., Vacher C. 2022. Drought tolerance traits in Neotropical trees correlate with the composition of phyllosphere fungal communities. Phytobiomes Journal, online https://apsjournals.apsnet.org/doi/abs/10.1094/PBIOMES-04-22-0023-R

Corinne VacherDirectrice de rechercheUMR BIOGECO (biodiversité gènes et communautés)

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