Alimentation, santé globale 4 min
Fièvre catarrhale ovine et maladie hémorragique épizootique : trois fronts d’émergence en Europe
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Depuis l’été 2023, la France connaît deux fronts d’émergence de virus transmis par les moucherons du genre Culicoides aux ruminants domestiques et sauvages : les virus de la fièvre catarrhale ovine (FCO) et de la maladie hémorragique épizootique (MHE). Depuis août 2024, le territoire national est confronté à un troisième front avec une souche exotique de FCO introduite aux Pays-Bas, et circulant en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne, au Royaume-Uni et plus récemment Danemark et en Suisse. Le Cirad, dans le cadre d’une convention avec le ministère de l’Agriculture, mobilise son expertise entomologique acquise lors de la crise sanitaire de la FCO entre 2009 et 2012 et participe activement à la veille sanitaire internationale* dans le domaine animal, avec notamment INRAE, l’Anses et la Direction générale de l’alimentation (DGAL).
Publié le 05 septembre 2024
« Les culicoïdes sont des petits moucherons responsables de la transmission de virus aux ruminants domestiques et sauvages avec des impacts économiques importants sur les mouvements d’animaux », explique Claire Garros, chercheuse spécialiste de ces insectes au Cirad.
Entre 2009 et 2017, le Cirad a été mandaté par la Direction générale de l’alimentation (DGAL)** sur la coordination de la surveillance des populations de Culicoides en France hexagonale. Depuis, les équipes de recherches de l’unité ASTRE Cirad-INRAE appuient l’expertise scientifique et technique sur ces moucherons vecteurs et le risque de transmission de virus transmis aux animaux d’élevage.
« Après une première crise sanitaire de fièvre catarrhale ovine entre 2002 et 2012 en France métropolitaine, l’émergence du virus de Schmallenberg en 2011 sur le continent et la réémergence de la FCO en 2015, la France fait de nouveau face à trois fronts d’émergence », expose Claire Garros.
Un épisode de FCO a débuté en août 2023 dans le sud du Massif central, occasionnant de la mortalité chez les bovins et ovins. Après analyse, le laboratoire national de référence de l’Anses a conclu qu’il s’agissait d’un variant du sérotype 8 de FCO pour lequel le vaccin reste efficace. Ainsi, 2 souches de sérotype 8 sont présentes en France hexagonale, le sérotype 8 et son variant. La nouvelle souche s’est depuis propagée et a été la cause de cas cliniques observés dans l’Hexagone, notamment dans les Pyrénées-Orientales, l’Aude et l’Ariège. Ces détections sont caractérisées par des cas cliniques graves et une mortalité élevée. En réponse à ces foyers, le Cirad a organisé 3 missions entomologiques pour évaluer le niveau d’abondance des populations de Culicoides sur le gradient altitudinal et infirmer la présence d’une espèce à distribution afrotropicale et méditerranéenne, Culicoides imicola, qui a colonisé entre 2008-2011 un petit territoire du département des Pyrénées-Orientales. « L’analyse des captures est encore en cours mais on observe déjà de fortes abondances pour des sites de captures en altitude », explique Maxime Duhayon, technicien supérieur en entomologie au Cirad.
Dans le même temps, le Sud-Ouest de la France fait face pour la première fois, depuis septembre 2023, à des foyers de maladie hémorragique épizootique (MHE) avec des impacts sanitaires forts sur les bovins. « La maladie progresse depuis 2022 dans la péninsule ibérique et dans les îles italiennes (Sicile, Sardaigne) avec une origine de l’introduction nord-africaine. Il n’existait pas de vaccin pour ce virus, mais en août 2024, un vaccin a obtenu une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) », révèle Carlène Trevennec, ingénieure de recherche INRAE, co-animatrice de la veille sanitaire internationale.
L’arrêté ministériel du 25 octobre 2023 fixe des mesures de surveillance, de prévention et de lutte vis-à-vis de la maladie hémorragique épizootique avec la mise en place d’une zone régulée sur l'ensemble des communes situées dans un périmètre de 150 km autour des foyers déclarés. Les bovins, ovins, caprins ou cervidés des établissements situés dans la zone régulée ne peuvent sortir de cette zone, sauf dérogations. Des mesures de gestion des animaux sont aussi recommandées, comme la désinsectisation des animaux ou des véhicules de transport. « Il n’y a pas de méthode de lutte antivectorielle miracle contre les Culicoides. Les outils actuels montrent des limites et ne permettent pas une protection individuelle totale. La désinsectisation est un outil complémentaire à la vaccination quand elle est disponible ». Le Cirad s’implique avec la Fédération régionale des GDS AURA à étudier les pratiques et l’impact des traitements insecticides lors des déplacements d’animaux.
Le dernier front d’émergence qui a touché la France en août 2024 concerne le sérotype 3 de la FCO. L’épizootie a débuté aux Pays-Bas autour en septembre 2023, avec une circulation rapide à tout le pays. Le virus a ensuite été détecté en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni, puis récemment au Luxembourg et au Danemark et en Suisse. À ce jour, environ 340 foyers sont recensés dans le quart Nord-Est de la France avec une campagne volontaire de vaccination pour limiter les impacts de la maladie.
Dans le cadre du projet VECTOCLIM (VECTOr-borne diseases and CLIMate change in Occitanie, projet RIVOC coordonné par l’université de Montpellier, sur financement de la Région Occitanie), le Cirad développe des modèles de dynamique des populations de Culicoides et des modèles épidémiologiques pour évaluer l’impact du réchauffement climatique récent et futur sur la transmission des virus transmis par les Culicoides. « En m’appuyant sur les données entomologiques collectées depuis 2009 par le Cirad et ses partenaires, et des données de la littérature, je développe un modèle de dynamique temporelle et spatiale des populations de Culicoides. Ce modèle a pour objectif de mieux appréhender les potentiels changements d’activité saisonnière et d’abondance des populations de Culicoides européennes sous différents scénarios climatiques », présente Pachka Hammami, chercheuse de l’université de Montpellier accueillie au Cirad au sein de l’unité Astre.
Enfin, pour appuyer les acteurs de santé et les partenaires dans la gestion de ces 3 épizooties, le Cirad participe aux groupes de travail de l’Anses et de la plateforme ESA ainsi qu’aux rapports d’expertises scientifiques et techniques émis par l’Anses, à la demande du ministère de l’agriculture et appuie les recommandations en termes de mesures de lutte antivectorielle et de surveillance épidémiologique.
* La veille sanitaire internationale de la plateforme ESA
La plateforme nationale d’épidémiosurveillance en santé animale (plateforme ESA) apporte un appui méthodologique et opérationnel aux services compétents de l’État et aux autres gestionnaires de dispositifs de surveillance pour la conception, le déploiement, l’animation, la valorisation et l’évaluation des dispositifs de surveillance sanitaire et biologique du territoire français.
Elle comporte une veille sanitaire internationale, co-animée par INRAE et l’Anses - qui vise à identifier, analyser et suivre des signaux relatifs aux dangers sanitaires menaçant le territoire français en santé animale.
Le processus de production comprend une surveillance des signaux nationaux et internationaux. Elle est menée sur la base de sources de données officielles et non officielles. Un réseau d’experts nationaux et internationaux multidisciplinaire (Anses, Cirad, DGAL, INRAE) est mobilisé pour trier, analyser et contextualiser ces signaux. L’analyse de ces signaux relatifs à des dangers sanitaires conduit à la rédaction notamment de bulletins hebdomadaires de veille sanitaire internationale.
Pour en savoir plus : Veille sanitaire internationale | PLATEFORME ESA (plateforme-esa.fr)
En savoir plus sur les organisations membres de la plateforme ESA : https://www.plateforme-esa.fr/fr
**Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Unité de recherche
UMR Animal, santé, territoires, risques et écosystèmes - UMR ASTRE | Cirad
Pour en savoir plus
Bulletins hebdomadaires de veille sanitaire internationale | PLATEFORME ESA (plateforme-esa.fr)
À propos
Le Cirad est l’organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes. Avec ses partenaires, il co-construit des connaissances et des solutions pour des agricultures résilientes dans un monde plus durable et solidaire. Il mobilise la science, l’innovation et la formation afin d’atteindre les objectifs de développement durable. Il met son expertise au service de tous, des producteurs aux politiques publiques, pour favoriser la protection de la biodiversité, les transitions agroécologiques, la durabilité des systèmes alimentaires, la santé (des plantes, des animaux et des écosystèmes), le développement durable des territoires ruraux et leur résilience face au changement climatique. Présent sur tous les continents dans une cinquantaine de pays, le Cirad s’appuie sur les compétences de ses 1800 salariées et salariés, dont 1240 scientifiques, ainsi que sur un réseau mondial de 200 partenaires. Il apporte son soutien à la diplomatie scientifique de la France.
INRAE, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, est un acteur majeur de la recherche et de l’innovation. L’institut rassemble une communauté de 12 000 personnes, avec 272 unités de recherche, de service et d’expérimentation implantées dans 18 centres sur toute la France.
Institut de recherche finalisée, il se positionne parmi les tout premiers organismes de recherche au monde en sciences agricoles et alimentaires, en sciences du végétal et de l’animal, et en écologie-environnement. Il est le premier organisme de recherche mondial spécialisé sur l’ensemble « agriculture-alimentation-environnement ». INRAE a pour ambition d’être un acteur clé des transitions nécessaires pour répondre aux grands enjeux mondiaux.
Face à l’augmentation de la population et au défi de la sécurité alimentaire, au dérèglement climatique, à la raréfaction des ressources et au déclin de la biodiversité, l’institut a un rôle majeur pour construire des solutions et accompagner la nécessaire accélération des transitions agricoles, alimentaires et environnementales.