Agroécologie 2 min
Les fermes d’élevage qui favorisent la biodiversité, une source d’inspiration
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Les fermes d'élevage qui préservent la biodiversité seraient une source d’inspiration à suivre ! Une information positive pour la planète qui est tirée de la conclusion d'une étude, nous dévoilant comment la façon de concevoir et gérer une ferme peut constituer un coup de pouce pour la nature. Des résultats parus dans la revue Agricultural Systems en janvier 2024.
Publié le 09 janvier 2024
La problématique de la perte de biodiversité représente un défi environnemental d'une envergure considérable à l'échelle mondiale. Ce défi est exacerbé par des pratiques telles que la déforestation et l'intensification de l'agriculture, cette dernière engendrant une utilisation excessive d'intrants chimiques (pesticides, engrais…) ainsi qu’une homogénéisation préoccupante des paysages agricoles. La conservation de la biodiversité, en particulier en Europe, serait permise par des élevages dits extensifs, c’est-à-dire qui possèdent peu d’animaux par unité de surface et utilisent moins d’intrants par rapport aux élevages plus intensifs. Il existe néanmoins une diversité d’élevages dits extensifs, favorables à la biodiversité, mais leur productivité et impacts environnementaux autres que sur la biodiversité sont peu ou pas connus.
Dans cette perspective, des chercheurs d'INRAE se sont lancés dans une étude exploratoire afin de mieux comprendre et quantifier les impacts environnementaux des fermes d’élevage favorables à la biodiversité. Ceci à partir d’un petit échantillon de fermes très diverses, et pour certaines très novatrices. Cet échantillon comportait un ensemble de 7 fermes avec des herbivores, notamment des vaches, en France et Angleterre, positionnées sur un gradient d'intensification et d'engagement envers la biodiversité. L’échantillon comprend 1 ferme en ré-ensauvagement agricole, et 3 fermes de vaches allaitantes (dont 2 avec des pratiques favorables à la biodiversité) et 3 fermes laitières (dont une avec des pratiques favorables à la biodiversité). L'approche adoptée a inclus une analyse du cycle de vie1 évaluant 6 impacts environnementaux distincts (changement climatique, acidification terrestre, eutrophisation2 de l'eau douce, eutrophisation marine, occupation des terres et demande en énergie) mais aussi l'efficacité énergétique pour chaque ferme, et son niveau de production.
Les résultats ont mis en lumière que les 4 fermes d'élevage extensives et favorables à la biodiversité, bien que moins performantes en termes de volume de production, ont des impacts environnementaux réduits et une meilleure efficacité énergétique par rapport aux 3 fermes plus intensives.
Dans l’échantillon analysé, une ferme en Angleterre vise à la restauration de la biodiversité par le biais du ré-ensauvagement agricole, c’est-à-dire la reconstruction d’un écosystème naturel en favorisant les processus écologiques spontanés. Elle a d’abord arrêté l’agriculture et laissé la végétation se développer naturellement, et puis introduit graduellement des vaches, poneys et porcs rustiques, ainsi que des cerfs, chevreuils et daims. Ceci afin de créer un écosystème presque naturel, où la seule intervention humaine est le prélèvement occasionnel d’animaux. Cette ferme spécifique a affiché des émissions de gaz à effet de serre très faibles et a démontré un stockage de carbone dans le sol et la végétation 8 fois supérieur à ces émissions, mais son niveau de production est aussi extrêmement faible. Une ferme de vaches allaitantes du réseau français Paysans de nature avait un impact climatique et une production de viande 2 fois plus faible qu’une ferme allaitante classique bio de l’échantillon.
Les conclusions de cette étude mettent en exergue des compromis importants relatifs à la conciliation de la restauration de la biodiversité, de la réduction des impacts environnementaux de l’élevage et de la production alimentaire. Le développement des fermes d’élevage extensives favorables à la biodiversité ne peut s'inscrire que dans une perspective de réduction des cheptels des ruminants mais aussi de la réduction de la consommation de produits animaux au sein des territoires. Il pourra être soutenu par la mise en œuvre des incitations prévues par le Pacte vert de l'Union européenne, en ce qui concerne, par exemple, la restauration des prairies permanentes, la réduction de l’utilisation des pesticides et la promotion de l’agriculture biologique.
Dans l'ensemble, ces résultats mettent en lumière la possibilité, voire la nécessité, d'une coexistence harmonieuse entre l'élevage et la biodiversité pour assurer un avenir durable. Ces conclusions basées sur un échantillon de taille modeste incitent à orienter davantage de recherches vers ces systèmes en rupture avec le modèle économique dominant afin de repenser les pratiques agricoles actuelles et à promouvoir des approches plus respectueuses de l'environnement pour préserver la biodiversité.
Modèle intensif vs extensif
En résumé, la principale distinction entre les fermes extensives et intensives réside dans l'utilisation des terres, la densité d'animaux en présence, le taux d’utilisation des intrants de synthèse, la productivité (quantité de produits par animaux ou par hectare) et les impacts environnementaux. Chacun de ces modèles présente des avantages et des inconvénients, et le choix sur le gradient entre ces deux systèmes dépend de divers facteurs, tels que les objectifs de production, les ressources disponibles et les préoccupations environnementales.
1 Prise en compte des impacts sur la ferme ainsi que des impacts associés aux intrants (bâtiments, diesel, engrais, pesticides, aliments pour les animaux) utilisés sur la ferme.
2 Eutrophisation : Apport excessif d'éléments nutritifs dans les eaux, entraînant une prolifération végétale, un appauvrissement en oxygène et un déséquilibre de l'écosystème.
Référence
Mondière A., Corson M.S., Auberger J. et al. (2024). Trade-offs between higher productivity and lower environmental impacts for biodiversity-friendly and conventional cattle-oriented systems. Agricultural Systems 213 : 103798. https://doi.org/10.1016/j.agsy.2023.103798
Travaux issus d’une thèse financée par l’Ademe, la région Bretagne et l’Institut Olga Triballat.