Bioéconomie Temps de lecture 2 min
Fabriquer de la nourriture à partir de nos déchets organiques : une fausse bonne idée ?
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Les technologies « waste-to-nutrition » visent à transformer les déchets d’origine agricole ou alimentaire en ingrédients pour l’alimentation humaine et animale, tout en réduisant l’impact environnemental des systèmes alimentaires. Les scientifiques d’INRAE ont évalué l’impact environnemental de 5 de ces technologies dans 9 scénarios d’utilisation en France. Ils les ont comparés aux technologies de valorisation des déchets déjà existantes comme la méthanisation ou le compostage. Leurs résultats, publiés dans Nature Sustainability, montrent que ces nouvelles technologies n’ont pas systématiquement de bénéfices environnementaux par rapport aux solutions existantes.
Publié le 17 mars 2025

Les technologies waste-to-nutrition visent à transformer les déchets organiques résiduels (résidus forestiers, agricoles, lisiers, déchets verts, déchets alimentaires…) en ingrédients pour l’alimentation humaine ou animale. Elles sont souvent présentées comme des solutions innovantes et durables pour réduire l’impact environnemental des systèmes alimentaires. Il peut s’agir d’élevages d’insectes nourris de résidus agroalimentaires, de bioraffineries pour extraire les protéines des résidus végétaux ou de production de protéines par les microorganismes dans des réacteurs biologiques. L’objectif de ces technologies émergentes en France est de valoriser au mieux les déchets pour réduire l’usage des ressources naturelles, mais leur impact environnemental réel est mal connu.
Les scientifiques ont évalué les répercussions environnementales en France de 5 de ces technologies : l’élevage d’insectes, la fermentation solide (transformation des coproduits alimentaires par des levures), l’extraction de protéines végétales, la production de mycoprotéines (protéines produites par des champignons) et de protéines microbiennes. Ils ont effectué une analyse de cycle de vie (ACV) dans 9 scénarios de potentielle utilisation. Ils ont ainsi comparé leur impact environnemental à celui des technologies de valorisation des déchets déjà existantes comme la méthanisation, le compostage ou l’alimentation d’animaux directement à partir de co-produits agricoles et alimentaires. L’évaluation a considéré des indicateurs environnementaux clés tels que les émissions de gaz à effet de serre (GES), l’eutrophisation marine et l’utilisation des terres et de l’eau afin d’identifier les conditions optimales pour maximiser les bénéfices environnementaux de ces technologies.
Leurs résultats montrent que l’efficacité environnementale de ces nouvelles technologies est variable et dépend largement de l’acceptation des consommateurs. Par exemple, il faudrait que les protéines issues des insectes ou des microorganismes remplacent au moins 80 % du poids de la viande produite et consommée pour que ces technologies soient réellement avantageuses sur le plan environnemental. L’alimentation direct des animaux d’élevage avec des déchets organiques adaptés reste souvent bien plus efficace pour réduire l’impact environnemental des systèmes alimentaires, comme c’est déjà le cas en France. En effet, les bénéfices pour le climat de produire de nouveaux ingrédients par les technologies waste-to-nutrition sont minorés par les émissions générées par les processus de transformation, notamment la consommation d’énergie. Même dans les meilleurs scénarios, la contribution des technologies waste-to-nutrition à l’atténuation du changement climatique reste nettement inférieure à des stratégies comme la réduction du gaspillage alimentaire ou la diminution de la consommation de viande*.
* À échelle française, l’analyse et les calculs montrent que dans le meilleur scénario, les technologies waste-to-nutrition peuvent réduire les émissions de GES jusqu’à 10 MtCO2eq. Ce chiffre reste très inférieur aux stratégies de réduction du gaspillage alimentaire (qui pourraient réduire jusqu’à 15 MtCO₂-eq les émissions de GES) ou de diminution de la consommation de viande (entre 20 et 25 MtCO₂-eq de réduction potentielle d’émission de GES).
Référence
Javourez U. et al. (2025). Environmental mitigation potential of waste-to-nutrition pathways. Nature Sustainability. DOI : 10.1038/s41893-025-01521-z