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Les études sur le développement embryonnaire du lapin montrent que cette espèce est plus proche de l’homme que de la souris !

Pour comprendre le développement d’un animal, de l’embryon jusqu’à l’organisme adulte, il faut comprendre le fonctionnement des cellules souche pluripotentes (CSP), qui sont à l’origine de la constitution de l’ensemble des tissus. Des chercheurs ont montré que, de façon surprenante, l'expression des gènes de ces cellules chez le lapin présente de nombreux points communs avec celle des humains et des primates. Cette découverte ouvre des perspectives d’utilisation des CSP de lapin pour étudier les propriétés des CSP humaines.

Publié le 09 février 2023

illustration Les études sur le développement embryonnaire du lapin montrent que cette espèce est plus proche de l’homme que de la souris !
© W. Bouchereau

Les chercheurs de l’Unité « Cellules Souches et Cerveau » (Lyon) ont analysé l’ensemble des gènes exprimés dans les embryons de lapin à des stades de développement très précoces, c’est à dire avant l’implantation dans l’utérus de la mère. En parallèle, ils ont analysé deux processus métaboliques clef du développement embryonnaire précoce (la phosphorylation oxydative et la glycolyse), ainsi que les modifications épigénétiques qui ont lieu durant ces premiers stades de développement. Les chercheurs ont ainsi pu caractériser la cinétique de différenciation des cellules pluripotentes[1] en différents tissus. Ils ont pu identifier de nouveaux marqueurs permettant de prédire très précocement (avant l’implantation dans l’utérus) cette cinétique de différenciation pour constituer tous les tissus d’un individu adulte.

Quatre résultats principaux ressortent de cette étude :

(1) Les cellules de la morula évoluent rapidement pour former les cellules de l’ICM (masse cellulaire interne ou embryon) et du trophectoderme (TE, ou annexe extra-embryonnaire) au stade de jeune blastocyste (3.5 j après fécondation). Par la suite, les cellules de l’épiblaste (EPI) et de l’endoderme primitif (PE) émergent (à 4 j) pour former 3 lignées cellulaires clairement distinguables dans les embryons déjà bien développés (5-6 j).

(2) Les données de transcriptomique sur cellules uniques ont permis de préciser la cinétique d’expression des gènes impliqués lors de la transition entre métabolisme oxydatif (OXPHOS) et métabolisme glycolytique, surtout autour du 5ème jour embryonnaire.

 (3) Les cellules de l’ICM , de l’épiblaste précoce (3.5-4 j) et tardif (6-6.6 j) présentent les caractéristiques majeures associées à la pluripotence naïve et amorcée[2]. Une reprogrammation épigénétique importante (méthylation de l’ADN et inactivation du chromosome X) a lieu durant cette transition.

(4) du point de vue de l'évolution, le lapin est plus proche de la souris que des primates. Pourtant, le transcriptome des cellules pluripotentes de lapin présente de nombreuses similarités avec celui de l’humain et des primates non humains, notamment pour les marqueurs de la pluripotence naïve comme les gènes OOEP et DPPA5. De nouveaux marqueurs de la pluripotence naïve ont également été identifiés, tels que les gènes MKRN1, FOLR1 et KDM4A.

Ces données offrent de nouvelles pistes pour l’étude de la pluripotence in vitro et l’obtention de cellules pluripotentes naïves avec l’élaboration de nouveaux milieux de culture et l’utilisation des nouveaux marqueurs de pluripotence identifiés. De telles cellules permettront, grâce au développement de la technologie des organoïdes, d’obtenir des structures 3D présentant des architectures et des fonctionnalités proches de celles des organes qu’ils essayent de mimer. Ces nouvelles approches ouvrent des voies complémentaires à l’expérimentation animale, que ce soit en médecine humaine ou en biologie animale, pour étudier les processus physiologiques complexes.

 

[1] La pluripotence est la faculté de certaines cellules à se différencier en cellules d'un des trois feuillets embryonnaires (ectoderme, mésoderme et endoderme)

[2] Les cellules souches pluripotentes (CSP) peuvent être cultivées in vitro à deux stades distincts : avant et après l’implantation dans l’utérus. Elles sont respectivement appelées "naïves" et "amorcées", selon ces deux stades.

 

 

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Nathalie Beaujean contact scientifiqueInstitut Cellule Souche et Cerveau (SBRI)

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