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Epuration des eaux usées, traiter à bon escient

L'eau est une ressource rare dont il convient de préserver la qualité pour l'environnement et pour la santé des écosystèmes. Cet enjeu passe notamment par l’épuration des eaux usées avant que celles-ci soient rejetées dans l’environnement. De la station d’épuration aux perspectives scientifiques, Jean-Marc Choubert, directeur de l’unité de recherche INRAE Réduire, réutiliser, valoriser les ressources des eaux résiduaires, fait le point.

Publié le 27 novembre 2020

illustration Epuration des eaux usées, traiter à bon escient
© INRAE, BERTIN Jean

Nos activités domestiques comme les activités industrielles génèrent des eaux que l’on dit usées ou résiduaires. Elles sont, pour la majorité des Français, collectées et acheminées vers des stations d’épuration pour y être traitées avant d’être rejetées dans le milieu naturel et de rejoindre le cycle de l’eau.

Une nouvelle vie que détaille, à notre intention, Jean Marc Choubert, directeur de l’unité INRAE Réduire, réutiliser, valoriser les ressources des eaux résiduaires - REVERSAAL du centre Lyon Grenoble Auvergne Rhône Alpes, dans un contexte où préserver les ressources en eau et donc optimiser le traitement des eaux usées est essentiel.

Qu’est-ce qu’une station d’épuration ?

Une station d’épuration reçoit et traite les eaux usées.

Ce traitement des eaux usées comporte plusieurs étapes. Un traitement préliminaire permet d’éliminer les déchets volumineux, d’extraire les sables, de débarrasser l’eau des corps gras - s'y ajoute une phase de décantation. Un traitement secondaire, biologique, qui peut être remplacé ou complété par un traitement physico-chimique, permet notamment d’éliminer les polluants dissous - s’y ajoute une phase de clarification.
Les boues résiduaires, provenant de la décantation, du traitement biologique et de la clarification, sont traitées pour être ensuite notamment valorisées sous forme d’épandages agricoles ou de biogaz.

Les différentes étapes de traitement des eaux usées en station d'épuration

Que sont les micropolluants ?

Aujourd’hui, un nombre de plus en plus grand de substances chimiques entrent dans la composition de produits d’usage domestique, médical, industriel… et peuvent se retrouver, à faibles concentrations, dans l’environnement et notamment dans les eaux usées. Ces micropolluants, plastifiants, détergents, métaux, hydrocarbures, pesticides, cosmétiques ou encore médicaments, sont susceptibles d’engendrer des effets négatifs sur l’environnement et les organismes du fait de leur toxicité, de leur persistance ou de leur accumulation.

La question de leur réduction et donc de la réduction de leurs impacts fait sens et les acteurs de l’eau explorent d’ores et déjà la question de manière cohérente, concertée et pragmatique - même si ce n’est pas imposé par la réglementation pour les rejets de stations d’épuration.

Comment réduire la présence de micropolluants dans les eaux usées ?

 « D’abord en réduisant leur usage à la source » propose spontanément Jean-Marc Choubert. Et de citer la réduction de la pollution par les pesticides, portée par les plans Ecophyto ou la réduction de l’usage du plomb ou encore, d’évoquer les changements de composition de produits chimiques. Ce processus est encadré depuis 2000 par la Directive-cadre sur l’eau (DCE) et assorti de la publication de listes des substances prioritaires à surveiller dans le domaine de l’eau.

Tout le monde est concerné par les choix qu’il fait lors de ses achats courants

C’est aussi accepter de changer ses pratiques, en privilégiant par exemple des produits d’entretien à base végétale, plus compatibles avec l’environnement.

C’est également sensibiliser le grand public, les professionnels et les collectivités, améliorer la formation et le dialogue ou encore impulser des modes de gestions différenciés.

La mise à niveau de stations d’épuration imposée par la directive eaux résiduaires urbaines a conduit à déployer les procédés biologiques pour le traitement des eaux usées domestiques. Ceux-ci éliminent une bonne partie des micropolluants organiques (dont pour beaucoup à plus de 70 %). Les procédés existants de traitements des eaux usées fonctionnent déjà bien et sont déjà très performants. Toutefois, certaines molécules organiques très stables, réfractaires au traitement biologique, sont rejetés vers le milieu naturel. On peut imaginer mettre en place un système de traitement dédié. 

Faut-il mettre en place des traitements complémentaires pour éliminer les micropolluants ?

 « Pas nécessairement », pondère Jean-Marc Choubert.

Ces traitements dits complémentaires, peuvent se justifier dans des cas spécifiques et localisés, par exemple lorsque les eaux résiduaires traitées rejoignent l’environnement au niveau d’un petit cours d’eau, de faible débit, situé en amont d’une zone de de prélèvement d’eau destinée à être rendue potable.

Différentes technologies peuvent être utilisées, en fonction des caractéristiques physico-chimiques des molécules : dégradation biologique (bactérie), adsorption (charbon actif), oxydation (ozonation), filtration (membranes)… L’usage du charbon actif ou de l’ozone sont des technologies bien rôdées, peu coûteuses - une dépense d’une dizaine d'euros par an pour le consommateur.  

Réduire les émissions à la source

Dès 2013, la station d’épuration des Bouillides à Sophia-Antipolis (06) s'est dotée d'une extension capable d'éliminer des micropolluants organiques par ozonation. L’efficacité du traitement et l’optimisation du procédé ont été étudiés dans le projet Micropolis (2013-2016) porté par Irstea, devenu depuis INRAE. Si l’ozonation a eu une action sur les molécules présentes en sortie de station d’épuration, elle n’a pas eu d’impact sur les métaux et sur les micropolluants stockés dans les boues. Elle doit être associée à la réduction à la source car elle ne peut, seule, suffire pour limiter toutes les émissions de micropolluants des agglomérations.

Où en est-on sur le plan réglementaire en France et en Europe ?

Ces dernières années, les collectivités ont beaucoup investi dans la mise à niveau de leurs stations d’épuration pour satisfaire les exigences de la Directive Eaux résiduaires urbaines.
Les objectifs de la Directive-cadre sur l'Eau ont été traduits dans des plans d'action successifs (micropolluants, assainissement…). Le plan micropolluants 2016-2021 pour préserver la qualité de l’eau et la biodiversité se décline en un nombre conséquent d’actions destinées à mieux connaître l'état de contamination des milieux et à réduire les rejets à la source.

Mi-juin 2020, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur la stratégie pharmaceutique pour l'Europe. Début octobre, elle a adopté la stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques. Cet été, la liste de vigilance relative aux substances soumises à surveillance à l’échelle de l’Union dans le domaine de la politique de l’eau a de nouveau évolué. Enfin, la Directive européenne sur les eaux résiduaires urbaines est en cours de révision.  Ce travail associe les états membres, et auquel des chercheurs et praticiens participent en soutien au service scientifique interne de la Commission européenne.

Et côté recherche, quelles sont les perspectives ?

De nombreux travaux ont étudié les micropolluants organiques ces dernières années, que ce soient pour optimiser des procédés, explorer des processus et la réactivité des molécules ou élaborer des modèles numériques d’aide à la décision. Dans les unités Irstea devenues depuis INRAE, REVERSAAL et RiverLy - Unité de recherche et de développement pluridisciplinaires sur le fonctionnement des hydrosystèmes, plusieurs projets ont permis des avancées significatives dans l’optimisation des traitements :  Micropolis autour de l’ozonation, ZRV au sujet des zones de rejets végétalisés ou encore Armistiq sur d’autres procédés.  

La station d’épuration du futur comme maillon de l’économie circulaire

Dans l’unité REVERSAAL, de nouveaux projets de recherche portent sur l’amélioration des systèmes d’assainissement, comme par exemple TRANSPRO - Vers des traitements des eaux usées plus durables : Prise en considération des produits de transformation des micropolluants organiques (ANR, 2019-2023).

D’autres pistes de recherche sont également en cours d’exploration pour inscrire la station d’épuration du futur comme maillon de l’économie circulaire en récupérant des matières contenues dans les eaux usées, par exemple des métaux (projet MAYA, 2021-2024).

Catherine Foucaud-SchenemannRédactrice

Contacts

Jean-Marc Choubert Unité Réduire, réutiliser, valoriser les ressources des eaux résiduaires - REVERSAAL

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