Emporté·es par la foule…

ARTICLE REDIGE PAR EXPLOREUR - Comment modéliser les comportements humains riches et complexes d’une foule, influencés et emportés par des émotions parfois irrationnelles ? Cette question est au cœur des travaux que conduit Patrick Taillandier, spécialiste de la modélisation à base d’agents au laboratoire de mathématiques et informatique appliquées de Toulouse (MIAT) du centre INRAE Occitanie-Toulouse.

Publié le 31 janvier 2025

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Dans le tumulte d’une foule humaine se cache une mine d'informations. Qu’est-ce qui emporte les foules, entraîne ses comportements et opinions ? Comment nos émotions influencent nos décisions collectives ? Patrick Taillandier, chercheur en informatique, met en lumière les avancées de la modélisation des comportements collectifs - un champ émergent à l’intersection de la sociologie, de l'informatique et des neurosciences - qui s'attaque à la complexité des dynamiques des opinions, des décisions et des influences.

Vous avez dit agent ?

Non, l’agent n’est pas un nom de code. C’est une entité autonome capable de prendre des décisions en fonction de son environnement et de ses objectifs. « L’agent peut être un individu humain, un groupe d’individus ou même un organisme biologique, selon le système que l’on souhaite modéliser », détaille le chercheur. Chaque agent agit selon des règles qui lui sont propres, mais ses interactions avec d’autres agents, de même nature ou non, peuvent faire émerger des phénomènes collectifs complexes.

Patrick Taillandier a orienté son expertise sur la simulation multi-agents qui consiste à représenter des entités autonomes dans un système complexe pour en étudier les interactions et les dynamiques globales. « C’est l’émergence de ces comportements collectifs, à partir de règles locales simples, qui rend cette approche si puissante. »

De l’individuel au groupe

L’approche de la modélisation à base d’agents repose donc sur la représentation explicite des individus ou entités qui composent un système et de leurs interactions. On passe ainsi d'un niveau individuel à une vue d'ensemble : « Par exemple, en simulant des automobilistes dans une zone urbaine, on peut observer comment des décisions locales, comme accélérer ou changer de voie, génèrent des embouteillages systématiques ». De même, dans des modèles épidémiologiques (pour étudier les épidémies), chaque individu porteur d'un virus peut être représenté comme un agent interactif. L’étude de leurs comportements permet de prédire l’évolution d’une pandémie à l’échelle d'une population.

Comprendre les dynamiques des opinions

Les modèles mathématiques et informatiques permettent d'explorer les mécanismes d'influence qui régissent la formation et l’évolution des opinions dans une foule. À l'ère des réseaux sociaux, ces travaux prennent une résonance particulière. Les algorithmes développés s'inspirent de théories sociologiques, comme celle des seuils d'adoption : un individu adoptera une opinion si suffisamment de personnes de son entourage l’ont déjà fait. Les simulations reproduisent ainsi des phénomènes bien connus, tels que la polarisation des opinions ou la propagation des fausses informations.

En modélisant les interactions entre individus, nous identifions les points de bascule où une opinion minoritaire peut devenir majoritaire.

Ces travaux permettent d'anticiper les phénomènes de contagion sociale, utiles tant pour lutter contre la diffusion de fake news que pour promouvoir des comportements écologiques ou sanitaires. « Prenons l'exemple du végétarisme. Nous pouvons modéliser comment une personne influencée par des pair·es ou exposée à certains arguments peut adopter ce comportement. Ensuite, nous analysons l'effet global sur une population, à partir de différents types de messages et leurs portés ». Cette approche permet de tester des scénarios, comme la diffusion d’arguments environnementaux ou de campagnes de sensibilisation.

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Patrick Taillandier, un modèle de modélisateur

Son intérêt pour la recherche n’a cessé de croître depuis ses études d’ingénieur informaticien. De l’Australie au Vietnam, de Lyon à Toulouse en passant par Rouen, Patrick Taillandier est devenu un expert dans la modélisation des systèmes complexes, une méthodologie très utilisée pour la gestion des risques comme les inondations, les incendies ou les épidémies.

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