Biodiversité 4 min

Du comportement végétal à l'intelligence des plantes ?

PARUTION - Ce livre prête aux plantes un comportement analogue au nôtre, quoique très différent, et tente d’en comprendre les spécificités par une démarche positive, et non une démarche de dévalorisation ou d’exclusion par rapport aux aptitudes des animaux. La reconnaissance d’une sensibilité végétale et l’étude des comportements qui y sont associés peuvent nous apprendre à mieux comprendre et ressentir la diversité de ce qui lie les vivants entre eux.

Publié le 25 juin 2020

illustration Du comportement végétal à l'intelligence des plantes ?
© © INRAE, Jean Weber

Ces dernières années, les revues scientifiques consacrées à l’écologie et à la biologie végétale se sont fait l’écho de polémiques autour de l’intelligence des plantes. Conjointement, les médias grand public et les auteurs de vulgarisation se sont emparés de cette question. Non seulement les plantes seraient intelligentes, mais en plus elles se parleraient, s’entraideraient, se défendraient...

Pourtant, l’intelligence est une notion qui est loin d’être clairement définie et partagée parmi les biologistes et les philosophes. Ainsi, pour certains, le comportement d’une plante serait proche de celui d’une machine, alors que d’autres y voient une proximité avec celui de l’animal ou même avec des spécificités de l’esprit humain.

Afin de comprendre ces débats, il convient de s’entendre sur l’histoire et la nature de ce concept d’intelligence et de ses enjeux avant de se demander s’il peut ou non s’appliquer aux plantes et dans quelle mesure. L’intelligence peut être analysée sous plusieurs approches : la cognition, la communication, la mémoire, l’apprentissage, la rationalité ou la conscience. Quelles sont les expériences scientifiques et les positionnements philosophiques qui étayent ou contestent la présence de ces facultés chez les plantes ?

L’auteur, Quentin Hiernaux, est actuellement chargé de recherche au Fonds de la recherche scientifique (FRS-FNRS) et enseigne à l’université libre de Bruxelles, où il a soutenu une thèse de philosophie sur la problématique de l’individualité du végétal. Ses recherches portent sur l’histoire et l’épistémologie des sciences végétales et se concentrent sur la problématique des comportements des plantes, ses enjeux historiques, philosophiques et éthiques. Ses travaux concernent plus généralement le statut de la plante à travers l’histoire de la philosophie et dans l’éthique de l’environnement.

Editions Quae – coll. Sciences en questions – 96 pages, 25 juin 2020 – 9,50 euros

EXTRAITS

La philosophie reconnaît en réalité plusieurs formes de conscience (elles-mêmes relativement interdépendantes). À côté de la conscience réflexive existe une conscience spontanée, c’est-à-dire une conscience immédiate de son environnement (Lalande, 1996, ibid.). L’existence d’une telle conscience (awareness) chez tous les êtres vivants et donc chez les plantes a été défendue par certains scientifiques (Margulis et Sagan, 1995 ; Chamovitz, 2014 ; Trewavas, 2014, chap. 25). Les plantes ont ainsi conscience du type de lumière ou de contact, de la gravité et des signaux chimiques qui les atteignent, de leurs expériences passées et des conditions de leurs modifications physiologiques antérieures (Chamovitz, 2014, p. 166).

 

(...) Des formes de reconnaissance de soi (une conscience corporelle ou « sociale »), qui impliquent plus que la simple connaissance immédiate de l’environnement, invitent à s’interroger sur une forme intermédiaire de conscience. De telles facultés se manifestent de diverses manières qui demandent toutes de posséder au minimum un système de valeurs différenciant le soi et l’environnement de la plante.

les plantes parviennent à résoudre efficacement les problèmes de leur vie en interagissant et en s’adaptant à leur milieu grâce à une mémoire et à l’apprentissage

(...) il existe chez les plantes la possibilité de discriminer entre le soi et l’autre et même plus finement entre le soi et l’autre comme environnement (ressource ou obstacle) ou l’autre comme autre soi (c’est-à-dire membre de son espèce, partenaire de reproduction) ou autre que soi (membre d’une autre espèce) avec les nuances que cette dernière variation suppose (l’autre pouvant être neutre, prédateur ou coopérateur). Évidemment, les plantes ne se représentent pas ces différentes modalités d’interaction, mais leurs comportements permettent effectivement de les discriminer par leurs réactions. Dotées d’une forme de conscience de soi minimale qui ne requiert ni intention ni réflexivité, les plantes parviennent à résoudre efficacement les problèmes de leur vie en interagissant et en s’adaptant à leur milieu grâce à une mémoire et à l’apprentissage. Certains auteurs considèrent d’ailleurs qu’une telle aptitude correspond à la définition même de l’intelligence.

 

chez les plantes, la sensibilité à la lumière ne sert pas tant à concevoir l’espace, comme chez les animaux, que le temps.

• Les plantes, grâce à leur sensibilité à la lumière, sont donc capables d’obtenir des informations de position, de forme, de clarté et de couleur à l’instar d’un œil. Mais l’analogie est fonctionnelle et seulement partielle. En outre, elle ne devrait pas occulter le fait que la sensibilité des plantes à la lumière dépasse largement la fonction d’un œil. En effet, la réception de la lumière et sa discrimination est probablement infiniment plus déterminante pour la vie des plantes que pour l’œil humain (il en est probablement de même pour de nombreux animaux) dont le rôle premier est l’orientation dans l’espace. Si un humain peut très bien vivre daltonien, achromate, ou même aveugle, la perception des longueurs d’onde de la lumière est vitale pour les plantes. Elle régule la croissance des tiges et des feuilles, la germination, l’orientation des chloroplastes, la photosynthèse, la floraison, le phototropisme, le photopériodisme, la synthèse de pigments, etc. Enfin, chez les plantes, la sensibilité à la lumière ne sert pas tant à concevoir l’espace, comme chez les animaux, que le temps.

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