Agroécologie 4 min

Cydia pomonella et Drosophila suzukii, deux ravageurs dans le collimateur de SUZoCARPO

Lauréat de l’appel à projets national Ecophyto, le projet SUZoCARPO vise à acclimater des parasitoïdes exotiques afin de lutter contre les insectes ravageurs Drosophila suzukii et Cydia pomonella. Pour mener à bien ce projet, l’équipe de recherche et développement en lutte biologique de l’Institut Sophia Agrobiotech a recruté une jeune technicienne, Mélanie Huguet, qui a pour mission d’élever ravageurs et parasitoïdes afin de développer sur le terrain une lutte biologique efficace et durable. Celle-ci permettra de diminuer les densités de ravageurs tout en limitant l’usage de pesticides.

Publié le 11 avril 2023

illustration Cydia pomonella et Drosophila suzukii, deux ravageurs dans le collimateur de SUZoCARPO
© INRAE, Arnaud RIDEL

SUZoCARPO, un projet de recherche basé sur une stratégie de lutte biologique par acclimatation

Le projet SUZoCARPO, piloté par l’équipe de recherche et développement en lutte biologique (RDLB) de l’Institut Sophia Agrobiotech et lauréat de l’appel à projets national Écophyto, fait suite à plusieurs projets de recherche qui visent à introduire des insectes parasitoïdes afin de lutter durablement contre les ravageurs Cydia pomonella et Drosophila suzukii

Dégâts de la chenille du carpocapse dans une pomme : une galerie aboutissant directement aux pépins dévorés par la larve.
Dégâts de la chenille du carpocapse dans une pomme

C. pomonella ou « carpocapse de la pomme » et D. suzukii, aussi appelée « drosophile à ailes tachetées », sont 2 redoutables insectes ravageurs qui provoquent de sérieux dégâts au niveau agricole. Le premier sévit dans toutes les cultures de pommiers et occasionne des pertes considérables sur la production de pommes. Quant à la mouche D. suzukii, elle s'attaque à tous les fruits à chair tendre (baies, cerises, prunes, raisins...), alors même que ceux-ci ne sont pas encore mûrs. Les dommages causés sont de plus en plus importants et sa propagation de plus en plus rapide. 

Femelle de Drosophila suzukii
Femelle de Drosophila suzukii

Face à la prolifération inquiétante de C. pomonella et D. suzukii, l’équipe RDLB s’est rendue en Asie pour prélever des parasitoïdes qui pourraient être efficaces afin de lutter contre ces 2 insectes ravageurs. Après de nombreuses évaluations réalisées en laboratoire confiné, les chercheurs ont identifié 2 parasitoïdes : Mastrus ridens pour lutter contre le carpocapse et Ganaspis cf. brasiliensis contre la drosophile.

Le projet SUZoCARPO vise à coupler les recherches sur ces 2 ravageurs et leur parasitoïde respectif. Nicolas Borowiec, ingénieur d’étude dans l’équipe RDLB, indique que « pour Mastrus ridens, les efforts vont se focaliser surtout sur les suivis post-introduction car les introductions du parasitoïde ont déjà débuté il y a 4 ans. Nous allons nous intéresser à ce qu’il se passe sur le terrain, à la fin de l’été, sur 57 sites d’introduction en France, et plus particulièrement cette année sur la région PACA et sur le site atelier de la basse vallée de la Durance. » 

En ce qui concerne la lutte contre D. suzukii, l’objectif principal, ce sont les primo-introductions de G. cf. brasiliensis. « C’est un véritable problème pour la filière cerise, car D. suzukii fait d’énormes dégâts chez les producteurs », précise Nicolas Borowiec. 

C’est pour cela que, dès cette année, après avoir obtenu l’autorisation d’utiliser G. cf. brasiliensis sur le terrain en 2022, il est prévu de procéder à son introduction sur plusieurs sites de la région PACA. La production de ce parasitoïde est actuellement en cours dans le laboratoire de recherche de Sophia Antipolis. L’équipe de recherche collabore avec des scientifiques américains, italiens et suisses pour la prospection, le prélèvement, l’élevage, l’introduction et le suivi du parasitoïde. « Nous avons déjà quelques retours positifs sur l’introduction de Ganaspis après des lâchers dans le sud-ouest du Canada où il a été observé une bonne dissémination », ajoute Nicolas Borowiec. Mais l’ingénieur reste prudent pour le moment sur cette introduction du parasitoïde : « En terme d’efficacité, nous ne serons probablement pas au même niveau que la microguêpe parasitoïde Torymus sinensis utilisée dans la lutte biologique contre le cynips du châtaignier. Mais l’objectif, c’est de réduire les populations de D. suzukii dans les réservoirs sauvages et de faire baisser la pression sur le territoire. »

Élever des insectes ravageurs et leurs ennemis pour une lutte biologique efficace et durable

Pour mener à bien un projet comme SUZoCARPO, il est essentiel pour les chercheurs de disposer en nombre à la fois des insectes ravageurs, mais également de leurs parasitoïdes qui permettraient de les éliminer ou de les réguler. Pour cela, il est nécessaire de procéder à l’élevage de l’ensemble de ces insectes en quantité suffisante pour, dans un premier temps, mener les expérimentations en laboratoire et sur le terrain puis, dans un second temps, effectuer des lâchers sur les parcelles infestées.

Elevage en laboratoire confiné de l'insecte ravageur Drosophila suzukii par Mélanie Huguet technicienne au RDLB
Élevage en laboratoire confiné de Drosophila suzukii.

L’équipe RDLB a fait appel à une jeune technicienne expérimentée pour ce travail qui nécessite précision, organisation et rigueur. Mélanie Huguet a été recrutée en début d’année pour gérer les élevages des ravageurs C. pomonella et D. suzukii ainsi que de leurs parasitoïdes respectifs M. ridens et G. cf. brasiliensis. Elle a pour principale mission d’élever ces insectes en conditions contrôlées (salles confinées avec température et humidité définies), notamment en préparant et en entretenant le milieu artificiel nécessaire à l’élevage de ces insectes. Elle participera également aux campagnes de lâchers de parasitoïdes et d’échantillonnages post-introduction sur le terrain, prévus dans le cadre du projet SUZoCARPO.

Diplômée d’une licence Science de la vie et de la santé, Mélanie Huguet a réalisé en 2018 son stage de fin d’étude (DUT Génie biologique) au jardin botanique de la Villa Thuret à Antibes. C’est ainsi qu’elle découvre le monde de la recherche, avec la mise en place d’une stratégie de lutte biologique contre le papillon ravageur des palmiers Paysandisia archon à l’aide de trichogrammes, des parasitoïdes, dont elle participe à l’élevage. 

En 2019, elle intègre la Fredon PACA, un réseau national qui intervient principalement sur des missions de surveillance du patrimoine végétal, afin de travailler sur la bactérie Xylella fastidiosa qui provoque d’énormes dégâts sur les végétaux. Dans ce cadre, elle mène une surveillance des symptômes de la bactérie, sur le terrain, entre Mandelieu la Napoule et Menton. Elle sillonne le littoral maralpin et surveille plus de 300 espèces de végétaux afin d’identifier des zones de foyer infectées et procède quotidiennement à des prélèvements d’insectes vecteurs et de végétaux. 

Mélanie Huguet s’est orientée vers ce métier car elle a une forte sensibilité écologique : « J’ai choisi ce métier car il correspond à mes valeurs. J’ai l’impression de me rendre utile et de participer à des projets qui nous permettront d’améliorer notre avenir avec moins de pesticides, plus de diversité d’insectes et de plantes utiles à une agriculture durable et à une alimentation plus saine. » Elle est ainsi particulièrement sensible à la protection de l’environnement par l’utilisation de méthodes alternatives, telle que la lutte biologique. Et quand elle n’est pas au laboratoire pour élever les insectes, elle apprécie de se rendre sur le terrain pour observer, prélever et relâcher des insectes utiles à notre environnement…
 

Arnaud RIDELRédacteurDépartement Santé des Plantes et Environnement

Contacts

Mélanie HUGUET Technicienne de rechercheInstitut Sophia Agrobiotech

Nicolas BOROWIEC IngénieurInstitut Sophia Agrobiotech

Le centre

Le département

En savoir plus

Agroécologie

Etudier le génome de guêpes parasitoïdes pour comprendre leur adaptation aux défenses de leur hôte

Dans le cadre d’un consortium international, des chercheurs d'INRAE ont participé au séquençage du génome de guêpes parasitoïdes de pucerons afin de mieux comprendre les mécanismes par lesquels ces agents de lutte biologique exploitent leurs hôtes. L’annotation de ces génomes suggère des adaptations du système immunitaire permettant aux parasitoïdes de mieux résister aux défenses du puceron et aussi de le maintenir en vie pendant la durée de leur développement dans l’hôte.

24 juillet 2020

Agroécologie

Entretien avec Marcel Thaon, éleveur d’insectes à INRAE

Pour faire face aux insectes ravageurs des cultures, le biocontrôle propose d’utiliser contre eux… des insectes « parasitoïdes », c’est-à-dire des insectes dont la larve se nourrit du corps de son hôte pour se développer. Mais avant d’introduire en toute sécurité dans notre environnement ces alliés des agriculteurs, de nombreuses expérimentations s’imposent dans des laboratoires très contrôlés. Marcel Thaon, technicien de recherche dans l’équipe Recherche et Développement en Lutte Biologique (RDLB) de l’Institut Sophia Agrobiotech (ISA), nous fait part de son quotidien d’éleveur d’insectes dans le laboratoire Entomopolis.

13 septembre 2021