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Comment un poussin peut-il avoir suffisamment de force pour casser sa coquille ?

En préparant votre omelette, il vous est peut-être déjà arrivé de vous y reprendre à plusieurs fois pour casser vos œufs, alors, comment un poussin peut-il avoir suffisamment de force pour s’extraire de sa coquille ? Un article The Conversation.

Publié le 28 octobre 2024

© INRAE

L’œuf est une enceinte close qui permet le développement d’un embryon et du futur poussin. Il fournit tous les éléments nutritifs essentiels au développement de l’embryon jusqu’à l’éclosion. Il assure les échanges gazeux O2 et CO2 pour permettre à l’embryon de respirer, mais également sa protection à la fois physique via la coquille notamment, et moléculaire grâce à des protéines antimicrobiennes très efficaces.

L’œuf se forme chez la poule dans l’appareil reproducteur constitué d’un ovaire, où l’on peut observer de nombreux jaunes en formation, et d’un tube d’environ 70 cm appelé oviducte, composé de différents segments tissulaires, chacun responsable d’une structure de l’œuf

Formation de l’œuf dans l’appareil reproducteur de la poule. Le plus gros jaune est ovulé dans la partie haute de l’oviducte et s’entoure des autres constituants de l’œuf. De l’ovulation du jaune à la ponte, le processus dure 23 à 24h. INRAE, Centre Val de Loire

Une fois ovulé, le jaune le plus gros est capté par le premier segment de l’oviducte, appelé infundibulum. C’est le lieu de la fécondation et des premières divisions cellulaires de l’embryon. L’œuf transite alors dans le deuxième segment nommé magnum qui assure le dépôt des protéines du blanc, puis arrive dans le troisième segment (l’isthme) qui est responsable du dépôt des membranes coquillières (petites « peaux » blanches attachées à l’intérieur de la coquille). L’œuf passe ensuite dans l’utérus, lieu où se forme la coquille, où il reste 17 à 18h sur les 24 heures de formation de l’œuf.

La coquille de l’œuf, une céramique futuriste

La coquille est composée de cristaux de carbonate de calcium. L’arrangement de ces cristaux permet à la coquille d’œuf de poule de résister à une force d’environ 40 Newtons (soit 4 kg en pression statique). Les premiers cristaux se forment sur les membranes coquillières et croissent perpendiculairement à cette dernière.

Cette croissance des cristaux se fait selon une orientation spécifique, grâce à des protéines sécrétées à des moments précis de la formation de la coquille, dans l’utérus. La structure de la coquille d’un œuf laisse apparaître des formes assimilées à des cônes étirés dont la base repose sur les membranes coquillières. Certains d’entre eux fusionnent, d’autres non, permettant ainsi la création de pores qui facilitent les échanges gazeux pour permettre à l’embryon de respirer. Même si certains mécanismes de formation des cristaux ont été élucidés, la formation naturelle d’une telle structure à basse pression et à basse température (41 °C chez la poule) cache encore des mystères que les céramistes aimeraient découvrir pour s’en inspirer (biomimétisme).

Si la coquille est si solide, comment le poussin la brise ?

La coquille n’est pas « juste » une barrière physique de protection. C’est également une source de minéraux et notamment de calcium qui est nécessaire à la constitution du squelette de l’embryon. Au cours de la deuxième moitié du développement de l’embryon, la face interne de la coquille est progressivement solubilisée et dégradée partiellement au niveau de la base des cônes. Ce processus entraîne la dissolution des cristaux de carbonate de calcium, à l’instar du vinaigre qui dissout le tartre.

Le calcium libéré est réabsorbé et transporté jusqu’à l’embryon via les vaisseaux sanguins pour assurer la minéralisation du squelette de l’embryon. En parallèle, la dissolution du calcium de la coquille fragilise cette biocéramique, ce qui facilitera la sortie du poussin au jour de l’éclosion.

Un poussin bien musclé

Deux structures spécifiques contribuent également à la sortie du poussin. Tout d’abord, entre le 10e et le 21e jour, un muscle du cou transitoire très puissant va accompagner les mouvements de tête du poussin qui permettront de briser la coquille. Dans le même temps, une excroissance dure se dépose à l’extrémité du bec. Cette structure, appelée le diamant, sera mobilisée pour casser la coquille quand le poussin se placera en position d’émergence. Après éclosion, le diamant tombe tandis que le muscle du cou transitoire dégénère. Ces deux structures ne se retrouvent pas chez l’adulte.

À partir du 17e jour, le poussin est à l’étroit dans sa coquille. Il va replier sa tête sous l’aile droite et diriger son bec vers la poche d’air qu’il percera au 18e jour par des mouvements de la tête provoqués par la contraction et l’extension du muscle du cou.

IRM d’un embryon après 17 jours de développement. Le bec de l’embryon se positionne progressivement vers le haut de l’œuf. À ce stade, le blanc d’œuf n’est plus visible car a été complètement absorbé par l’embryon par voie orale. INRAE, Centre Val de Loire

La respiration pulmonaire se met en place. La demande en oxygène du poussin est de plus en plus importante, et les échanges gazeux via les pores de la coquille ou par la respiration dans la chambre à air ne suffisent plus. La teneur en CO2 dans le sang du poussin augmente progressivement.

Entre 19 et 20 jours, sous l’effet du manque d’oxygène, les muscles effectuent des contractions périodiques de plus en plus fréquentes et d’amplitude augmentée. Ces mécanismes provoquent des extensions des pattes qui propulsent le poussin vers le haut de la coquille, et des contractions du muscle transitoire du cou qui projettent la tête et le bec contre la coquille. Le diamant, de par sa forme pyramidale, vient désagréger la coquille en s’insérant entre les cônes de la coquille, travail d’autant plus facilité que la coquille est fragilisée. Les mouvements des pattes font tourner le poussin, le trou dans la coquille s’agrandit. Le poussin pousse sur ses pattes et s’étire, ce qui finit de briser la coquille. C’est l’éclosion.

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Anne Duittoz Professeur en Physiologie animaleBiologie des oiseaux et aviculture

Sophie Réhault-Godbert Directrice de RechercheBiologie des oiseaux et aviculture

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