Agroécologie 2 min

Comment une bactérie modifie son ADN, sans mutation, pour mieux attaquer les plantes ?

Une équipe de chercheurs d’INRAE a étudié comment la bactérie Ralstonia pseudosolanacearum, un agent pathogène de plantes, responsable de la maladie du flétrissement bactérien sur diverses cultures, s’adapte à son environnement grâce à des modifications épigénétiques, et non seulement par des mutations génétiques classiques. Ces résultats de recherche ont été publiés dans la revue PLoS Biology le 20 septembre 2024.

Publié le 08 octobre 2024

© INRAE, Isabelle Mila

L'adaptation des êtres vivants s'explique généralement par des mutations génétiques bénéfiques qui sont transmises de génération en génération. Cependant, les mutations génétiques ne suffisent pas toujours à expliquer pleinement l’adaptation. Plusieurs études scientifiques rapportent l’existence d’un héritage non génétique (ou épigénétique) entre générations qui peut permettre l’adaptation à de nouveaux environnements. Comprendre les mécanismes d’adaptation des agents pathogènes est un enjeu majeur en phytopathologie afin de mieux prédire les risques d’émergence de maladies sur de nouvelles plantes ou de nouveaux territoires. 

Les chercheurs du Laboratoire des Interactions Plantes-Microbes-Environnement (LIPME) se sont penchés sur la bactérie phytopathogène Ralstonia pseudosolanacearum, organisme de quarantaine qui provoque la maladie du flétrissement bactérien sur plus de 250 espèces végétales. Cette bactérie du sol provoque de sérieux dégâts à la fois dans les champs (pommes de terre) et sous serres (tomates). 

L’équipe de recherche a ainsi étudié comment la bactérie s’adapte à de nouvelles plantes en modifiant son ADN, sans changer sa séquence génétique, grâce à la méthylation, une forme de modification épigénétique. En utilisant une technique avancée de séquençage (SMRT-seq), ils ont étudié la méthylation de l’ADN de la bactérie et ont découvert l’apparition de 50 modifications dans l’ADN de bactéries maintenues pendant 300 générations dans cinq plantes différentes. L’un de ces changements aide la bactérie à mieux s’adapter à ses plantes hôtes en affectant un gène important, le gène epsR, connu pour moduler la production de polysaccharides extracellulaires importants pour la virulence de la bactérie. 

Ils ont également montré que ces changements dans l'ADN peuvent se produire rapidement et rester stables sur plusieurs générations, même lorsque R. pseudosolanacearum n’est plus en contact avec la plante. Cette étude est la première à montrer un lien direct entre les variations épigénétiques et l'adaptation bactérienne à un nouvel environnement, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives sur les mécanismes d’adaptation.

Référence : Gopalan-Nair R, Coissac A, Legrand L, Lopez-Roques C, Pécrix Y, Vandecasteele C, et al. (2024) Changes in DNA methylation contribute to rapid adaptation in bacterial plant pathogen evolution. PLoS Biol 22(9): e3002792. https://doi.org/10.1371/journal.pbio.3002792

Arnaud RidelRédacteurDépartement Santé des Plantes et Environnement

Contacts

Alice Guidot ChercheuseLaboratoire des Interactions Plantes Microbes Environnement (LIPME)

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