Société et territoires 5 min

Climat : la fin du ski ?

À l’heure du réchauffement climatique, et alors que la neige semble devenir une denrée rare, l’existence du ski alpin est-elle menacée ? S’adapter pour survivre, voilà le nouveau mot d’ordre des stations. Retrouvez Hugues François, chercheur LESSEM, dans ce reportage France 24.

Publié le 15 mars 2022

illustration Climat : la fin du ski ?
© INRAE
Lien vers l'émission :
https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/%C3%A9l%C3%A9ment-terre/20220218-climat-la-fin-du-ski?ref=tw

À Valloire, le pari de l’altitude

Si la neige fond, alors il faut aller la chercher là où elle est le plus abondante, c’est-à-dire en altitude. C’est en tout cas le pari de la station de Valloire, en Savoie, pour laquelle « en-dessous de 2 000 mètres d’altitude, le ski n’a pas d’avenir, surtout pour les expositions sud ». En effet, la neige se raréfie considérablement en dessous de cette limite. D’autant plus que les périodes de froid sont de plus en plus morcelées et entrecoupées d’épisodes de chaleur hivernale. Face à ce changement brutal, Valloire n’a pas d’autre choix que de se réinventer. La station va fermer une dizaine de pistes situées en dessous de 2 000 m et en ouvrir 4 autres plus haut, pour un coût total de 8 millions d’euros. « On abandonne 20 % de notre domaine à basse altitude pour le translater en altitude », résume Jean-Marie Martin, le patron de la SEM Valloire. De quoi garder en vie le ski alpin pour « 30-40 ans ». Mais passé ce délai, quid de son avenir à long terme ? Jean-Marie Martin ambitionne de diversifier les activités de Valloire afin de proposer des alternatives et devenir une station quatre saisons. « Le tout-ski est fini, mais sans le ski, tout est fini », résume-t-il.

Comprendre la neige au col de Porte

Sans neige, pas de ski. Il apparaît donc indispensable de mieux la comprendre. C’est ce que tente de faire Hugues François, ingénieur de recherche à l’INRAE. À la station de Météo-France au col de Porte (Isère), les scientifiques décortiquent le manteau neigeux. Première constatation : sa hauteur moyenne a diminué de moitié depuis les années 1960, réchauffement climatique oblige. Analyser les couches de neige permettra de mieux anticiper leur évolution dans les années à venir. Moins de neige naturelle signifie plus d'enneigeurs, anciennement appelés « canons à neige ». Selon Hugues François, « pour arriver à maintenir un niveau d’enneigement qui serait équivalent à ce qu’il est aujourd’hui sans la neige de culture, il faudrait augmenter les quantités d’eau consommées pour la production d’environ 40 % ». Avec Météo-France, il a donc développé le logiciel Climsnow, qui permet de prévoir précisément quelles zones auront besoin d’enneigement artificiel, afin d’optimiser l’utilisation des ressources en eau.

À La Clusaz, le bassin de la discorde

De plus en plus utilisée dans les stations, la neige de culture est l'objet de controverses. Au-delà de l'énergie consommée pour la fabriquer, elle nécessite en effet de grandes quantités d’eau, qui impliquent la construction de bassins de rétention, sortes de grands lacs artificiels. À La Clusaz (Haute-Savoie), un projet de nouvelle retenue collinaire suscite la colère du Collectif Fier-Aravis. L’ouvrage se situe dans une forêt et menace la biodiversité locale, parmi laquelle de nombreuses espèces protégées. « C’est tout ce qu’il ne faut plus faire », résume Valérie Paumier, fondatrice de l'association Résilience montagne, qui s’interroge sur la pertinence et la viabilité à long terme de l’enneigement artificiel. Aidée par des militants d’Extinction Rebellion, elle organise des actions de mobilisation sur le site. À la mairie de La Clusaz, on souligne que le bassin sera aussi destiné à l’agriculture, ainsi qu’à l’approvisionnement en eau potable de la station. Une retenue de 149 000 m3, dont les deux tiers sont prévus pour le ski. Le modèle économique de La Clusaz repose en effet en grande partie sur cette activité. Impossible d’y renoncer pour l’instant. Mais Valérie Paumier se défend d’un tel objectif. « On est tous skieurs, on adore le ski », assure-t-elle.

Métabief, le choix de la reconversion

La station de Métabief, dans le Jura, a décidé de briser le tabou. Olivier Erard, directeur du syndicat mixte du mont d’Or, anticipe la mort définitive du ski alpin à l’horizon 2030-2035 et en parle ouvertement. Pour se réinventer, sa station fait le choix de la reconversion et de la diversification. Adieu au tout-ski alpin et place aux activités de quatre saisons. VTT, randonnée et parapente sont au programme. Bien que différentes, nos vacances en montagne ne sont pas près de disparaître et rentrent même dans une « nouvelle ère », selon Olivier Erard, qui souhaite que « la fin du ski alpin ne soit pas un traumatisme ». « Peut-être que c’est la fin du ski, et alors ? », ose-t-il même.

En savoir plus

Changement climatique et risques

Un projet pour la pérennité des alpages face aux aléas climatiques

Le pastoralisme joue un rôle essentiel dans la vie des montagnes. Il participe notamment à l’entretien des paysages, à la vie économique et touristique locale, et au maintien d’une biodiversité prairiale riche. Mais face aux changements récents induits par le réchauffement de l’atmosphère, ces systèmes de production fragiles pourront-ils survivre ? Des chercheurs spécialistes des prairies et de l’élevage en montagne, basés à Clermont-Ferrand et Grenoble, en collaboration avec des experts en socio-économie basés à Avignon, se sont penchés sur la question au travers d’un projet de recherche appliquée, mené actuellement en partenariat dans les alpes franco-italiennes. Ils tentent d’avancer des solutions, avec des changements de pratiques potentielles pour ces zones montagnardes.

16 juillet 2020

Changement climatique et risques

Les racines augmentent les émissions de carbone du permafrost

COMMUNIQUE DE PRESSE - Alors que la température globale augmente, une des grandes incertitudes des projections climatiques est la quantité de carbone que pourrait émettre le permafrost en décongélation via la décomposition microbienne dans le sol. Les racines des plantes stimulent cette décomposition microbienne de la matière organique du sol, processus appelé « effet priming ». Pour la première fois, une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par INRAE et l’Université de Stockholm, montre que l’effet priming à lui-seul provoquerait l’émission de 40 Gigatonnes de carbone issu du permafrost d’ici 2100. Leurs résultats sont publiés le 20 juillet 2020 dans Nature Geoscience.

17 juillet 2020