illustration Claire Berton-Carabin, une émulsion de science
© INRAE, Christophe Maitre

Alimentation, santé globale 5 min

Claire Berton-Carabin, une émulsion de science

Côté cuisine, c’est une mayonnaise qui prend (ou pas). Côté science, c’est une émulsion et un vaste domaine dans lequel Claire Berton-Carabin, directrice de recherche dans l’unité Biopolymères, interactions, assemblages (BIA) du centre de recherche INRAE Pays de la Loire, s’illustre avec brio en déclinant qualité nutritionnelle et durabilité. Elle reçoit aujourd’hui le Laurier 2022 Espoir scientifique.

Publié le 28 novembre 2022

 

Quand Claire Berton-Carabin évoque son travail sur la structure et la stabilité physicochimique des émulsions*, c’est un délice de l’écouter. Elle va au bout des choses, tranquillement (ou presque) mais sûrement, à l’image de son brillant parcours.

 

* Une émulsion est un mélange de deux liquides non miscibles, l'un étant dispersé sous forme de petites gouttelettes dans l'autre. Au niveau macroscopique, une émulsion apparaît comme homogène mais au niveau microscopique, elle est hétérogène. Un troisième ingrédient appelé émulsifiant permet de stabiliser cette émulsion. Cette structure est présente dans de nombreux aliments (produits laitiers et carnés, sauces et condiments…) et systèmes non alimentaires (pharmacie, cosmétique, peinture…).

Le tour du monde des lipides

Ingénieure de formation, Claire s’intéresse très tôt aux lipides, à l’interface entre laboratoire et industrie. C’est d’abord une thèse à INRAE au cours de laquelle elle montre que la composition et la structure de l’interface huile-eau peuvent être maîtrisées de façon à protéger contre l’oxydation les lipides en émulsion et en particulier les oméga-3, des acides gras polyinsaturés qui enrichissent certains produits alimentaires en réponse à des apports alimentaires insuffisants pour une majorité de la population.

L’interface entre l’huile et l’eau, une zone où interagissent de nombreuses molécules

S’en suit un post-doc aux États-Unis. Elle y passe « une des meilleures années de sa vie », à l’aise dans ce qu’elle décrit comme « sa zone de confort », c’est-à-dire la possibilité de mener un projet de recherche tout en étant immédiatement efficiente. Au cours de son séjour, Claire développe notamment une technique de spectroscopie, la résonance paramagnétique électronique, pour évaluer la localisation et la réactivité de petites molécules d’intérêt dans des émulsions alimentaires modèles.

Claire Berton-Carabin revient en Europe et s’installe à Wageningue, aux Pays-Bas. Portée par l’émulation qui règne au sein de l’université, elle développe ses propres axes de recherche, monte une équipe et conforte ses compétences et son savoir-faire tout en gagnant en notoriété. Claire travaille alors sur l'interaction entre la composition de l'interface huile-eau dans les émulsions alimentaires, leurs propriétés structurelles et leur stabilité physicochimique. Elle met en place une approche multiéchelle, développant de nouvelles techniques telles que la microfluidique ou la rhéologie interfaciale, pour mettre en évidence les mécanismes qui contrôlent, dès la première milliseconde, les propriétés des émulsions.

Fin 2018, retour en France. Claire choisit la région nantaise pour poser ses valises, installer sa vie de famille et consolider son avenir professionnel.

Pour des émulsions saines et durables

Elle a tout juste 36 ans, déjà 10 ans de recherche sur les lipides et les émulsions et plus de 60 publications scientifiques quand, en mai 2020, elle intègre INRAE en qualité de directrice de recherche dans l’unité BIA. Perspicace, prévoyante (d’aucuns diraient visionnaire), Claire aime brasser les idées et les projets, « parfois plus qu’il n’en faut ». Une façon de se rassurer, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, avec le plaisir d’avancer selon ses choix et la satisfaction d’aller au bout de ce qu’elle entreprend.

Travailler dans le monde de la recherche aujourd’hui : de la rigueur, des compétences et des qualités humaines

Et des projets, elle en a. Forte de l’expertise qu’elle a acquise aux Pays-Bas, Claire se consacre à la microstructure des émulsions alimentaires et de leurs composants clés avec l’envie de faire plus et autrement. Elle souhaite exploiter le potentiel des protéines végétales pour stabiliser les émulsions alimentaires. Elle travaille déjà sur des procédés à faible impact environnemental pour obtenir des ingrédients enrichis en protéines, privilégiant des transformations douces comme le fractionnement en voie sèche. Claire s’intéresse également aux particules de Pickering, des particules stabilisantes solides du nom du chimiste britannique éponyme. Son idée ? Que ces particules soient biosourcées et qu’elles contiennent des antioxydants naturels pour jouer un double rôle à l'interface huile-eau. Elle a aussi bien envie d’aller voir ce que deviennent ces nouveaux produits en conditions digestives, bouclant ainsi la boucle qui va de la formation de l’émulsion à sa digestion.
Avec elle, d’abord une équipe experte dans le domaine des protéines végétales et celui des lipides. Une double compétence bien utile quand on sait que les fractions protéiques d’origine végétale contiennent souvent une part non négligeable de lipides ! Ensuite, des collaborations, au cœur d’INRAE « un environnement idéal pour nouer des liens avec des collègues qui se préoccupent aussi bien à la sélection génétique des plantes que de l’aliment », ou à l’extérieur, en France ou au-delà des frontières.

Et le Laurier dans tout cela ? Les yeux pétillants, Claire réfléchit un court instant. « C’est tout à la fois une reconnaissance et une source de motivation, une distinction qui me rassure dans mes choix et mes orientations. » Une récompense qu’elle partage avec celles et ceux qui l’ont accompagnée dans son aventure scientifique. Une aventure ? Mieux, un voyage, un voyage extraordinaire qui n’est pas sans rappeler Jules Verne, fameux écrivain nantais que Claire affectionne et auquel on prête une citation qui correspond bien à notre lauréate : « Tout ce que vous pouvez imaginer, vous pouvez le rendre réel ».

Claire-Berton Carabin et son équipe

Et demain ?

Demain, c’est déjà aujourd’hui : des idées qui foisonnent et des projets en cours portés par des engagements en faveur d’une transformation minimale des ingrédients ou matières premières, de la durabilité des produits et de leur qualité nutritionnelle. Vous avez dit naturalité ?

Mini-CV

38 ans
Mariée, 2 enfants

  • Formation
    2019 : Habilitation à diriger des recherches - Université de Nantes
    2011 : Doctorat en sciences des aliments - INRAE et université de Nantes
    2008 : Diplôme d’ingénieure en sciences et technologies des aliments - École nationale supérieure de chimie, de biologie et de physique et université de Bordeaux 1
  • Parcours professionnel
    Depuis 2020 : Directrice de recherche INRAE, unité de recherche Biopolymères, interactions, assemblages, INRAE Centre Pays de la Loire 
    Depuis 2019 : Professeure associée, laboratoire de génie des procédés alimentaires, université de Wageningue (Pays-Bas)
    2013-2019 : Professeure assistante, laboratoire de génie des procédés alimentaires, université de Wageningue
    2013 : Chercheuse postdoctorale, Danone Nutricia Research, Utrecht (Pays-Bas)
    2011-2013 : Chercheuse postdoctorale, Département des sciences de l’alimentation, université de Pennsylvanie (États-Unis)
  • Prix et distinction
    2022 : Laurier INRAE Espoir scientifique
    2017 : Prix du jeune chercheur en lipides, Fédération européenne pour la science et la technologie des lipides
    2012 : Médaille Dufrenoy, Académie d’agriculture de France.

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Claire Berton-Carabin Unité Biopolymères, interactions, assemblages

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