Société et territoires 5 min

Des chercheurs INRAE éclairent le débat français sur le projet d’accord entre l’Union européenne et le Mercosur

Le 19 septembre 2020, Stefan Ambec, directeur de recherche INRAE, remettait au Premier ministre le Rapport de la commission d’évaluation du projet d’accord commercial UE-Mercosur. Cette commission d’experts indépendants comptait trois scientifiques INRAE dont S. Ambec, chargé d’en coordonner les travaux en qualité de président. Echanges autour d’un travail destiné à éclairer le débat public.

Publié le 06 octobre 2020

illustration Des chercheurs INRAE éclairent le débat français sur le projet d’accord entre l’Union européenne et le Mercosur
© INRAE, Christophe Maître

Fin juin 2019, la Commission européenne a annoncé que le projet d’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et les pays sud-américains (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) du Mercosur (en espagnol, Mercado común del Sur) faisait l’objet d’un accord politique de principe. L’entrée en vigueur de cet accord reste toutefois conditionnée par une ratification par chacun des États membres de l’UE, dont le Parlement français.

Cet accord commercial suscite encore de nombreuses interrogations à propos notamment de ses effets sur la biodiversité et l’environnement.

Des experts pour évaluer les effets de l’accord

Pour ces raisons, afin d’éclairer la position de la France, le gouvernement a mandaté une commission d’experts pour évaluer l’impact de cet accord en matière de développement durable, de santé des consommateurs et d’aménagement des territoires. Par lettre de mission, le Premier ministre en a confié la présidence à Stefan Ambec, directeur de recherche INRAE, spécialiste de l’économie de l’environnement.

La commission “s’attachera en particulier à évaluer les effets de l’accord en termes d’émission de gaz à effet de serre, de déforestation et de biodiversité. Elle appréciera les conséquences du projet d’accord sur la capacité des Etats et de l’Union européenne à réguler et à appliquer leurs normes aux produits consommés sur le marché européen”, écrivait-il.
Elle “ formulera des recommandations pour répondre aux risques qu’elle identifiera” et ses conclusions “ont vocation à apporter un éclairage objectif sur les enjeux de l’accord pour nourrir le débat public et préparer le positionnement de la France”, poursuivait-il.

Un éventail d’expertise pour couvrir toutes les questions

Cette commission comptait dix membres, issus du monde scientifique ou de la haute administration, reconnus pour la qualité de leurs travaux en matière environnementale, commerciale, agricole, sanitaire, juridique, sociale et géopolitique. Parmi eux, trois directeur de recherche INRAE, S. Ambec, Hervé Guyomard, dont les recherches portent sur la modélisation et l'analyse des politiques publiques appliquées à l'agriculture et l'environnement et Sébastien Jean, dont les travaux concernent l’économie internationale, en particulier dans sa dimension commerciale.

Une méthodologie en trois temps

Très vite, cette commission s’est mise à l’œuvre, travaillant en totale indépendance.

Elle a mené d’abord une série de discussions auprès des administrations centrales, Services généraux des affaires européennes et direction générale du Trésor, pour collecter des informations sur l’accord lui-même et prendre connaissances des analyses que ces services auraient pu conduire auparavant.

Puis, direction Bruxelles où les échanges se sont poursuivis auprès des directions générales - commerce, agriculture, climat, environnement et santé – de la Commission européenne ainsi qu’avec Sandra Gallina, la négociatrice en chef de cet accord.
Ce sont ensuite de nombreuses auditions avec des experts et des parties prenantes – organismes professionnels, syndicats, organisations non gouvernementales… Puis une dernière phase, faite de rédaction, relecture et coordination sur la synthèse du rapport et les recommandations.

Prendre en compte l’environnement

En parallèle, la commission a mobilisé les données des marchés agricoles et la littérature scientifique. Elle s’est également appuyée sur une analyse d’impact quantitative, réalisée en 2019 par un cabinet mandaté par la Commission européenne. Cette analyse ne prenait toutefois pas en compte la modification d’usage des terres pour répondre à la demande de produits agricoles.

Or, depuis quelques années la forêt recule en Amazonie et dans la savane brésilienne du Cerrado et les moyens alloués aux administrations chargées de faire respecter le code forestier diminuent.

Dans ce contexte, la commission a estimé le risque de déforestation dû à l’augmentation annuelle du quota de viande bovine prévu dans l’accord, soit 99 000 tonnes équivalent carcasse.

« Que se passerait-il si ces bovins supplémentaires étaient élevés dans des pâturages d’origine forestière », s’est interrogé S. Ambec… même si ces exportations pourraient, a priori, se faire sans déforestation, sur les terres existantes.

Le risque de déforestation a été évalué sous forme d’un équivalent en surfaces de pâturages supplémentaires théoriquement nécessaire pour répondre à l’augmentation de production de viande bovine soit 700 000 ha. Les émissions de gaz à effet de serre qui en résulteraient, alourdiraient de fait le bilan carbone. Sans déforestation, le solde entre les gains économiques et les coûts climatiques calculés est positif. En revanche, la prise en compte du risque de déforestation renverse cette conclusion : si ce risque était avéré, le bilan net entre les gains économiques et les coûts climatiques serait alors négatif.

Contribuer au débat public

Au terme de ce travail, la commission a produit un rapport, assorti de recommandations et de propositions, que Stefan Ambec vient de remettre au Premier ministre.

Contribuer à la décision publique avec sa propre expertise

 

 « C’est une bonne expérience de support à la décision publique car c’est un document basé sur des connaissances scientifiques » constate-t-il. « Pour nous à INRAE, pour les chercheurs, c’est une façon d’être utile à la décision publique en valorisant notre expertise » précise Stefan Ambec.

Rapport de la commission d'évaluation Accord UE Mercosurpdf - 6.79 MB

Catherine Foucaud-Scheunemann

Contacts

Stefan Ambec UMR Toulouse School of Economics – Recherche (INRAE, Univ. Toulouse Capitole, CNRS, EHESS)

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