illustration Céline Pelosi, l'agroécologie des sols comme passion
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Agroécologie 5 min

Céline Pelosi, l'agroécologie des sols comme passion

Spécialiste de l’écologie des sols, chargée de recherche INRAE, Céline Pelosi travaille sur les effets des pratiques agricoles, dont la gestion de la matière organique des sols, et des stress climatiques sur certaines communautés de la faune des sols. Des activités au cœur d’enjeux contemporains tels que l'intensification écologique des agrosystèmes, le changement climatique ou la préservation des ressources naturelles.

Publié le 01 mars 2021

Petite, Céline Pelosi voulait être vétérinaire. Les années passent, elle s’intéresse désormais au comportement des espèces animales dont celui des grands singes. Lors de son Master en écologie, biodiversité et évolution, elle assiste à un cours sur les vers de terre, dispensé par Patrick Lavelle, professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, et brillant écologue du sol. Un déclic se produit, elle vient de trouver sa voie, ce sera l’écologie du sol. Pour elle, cela tombe sous le sens. « J’aime bien le plancher des vaches, ni trop l’eau, ni trop l’air, le sol me convenait bien ! » précise Céline en souriant.

Les processus écologiques, de la parcelle au paysage

De 2003 à 2005, la jeune étudiante va réaliser plusieurs stages au sein de l’unité Biodiversité et fonctionnement du sol – BioSol (Bondy), alors dirigée par P. Lavelle. C. Pelosi va beaucoup apprendre sur la faune du sol et les services écosystémiques, notamment grâce au programme d’Evaluation des écosystèmes (en anglais, Millenium Ecosystems Assessment) - de 2001 à 2005, celui-ci a réuni près de 1 360 experts issus de 95 pays pour évaluer les conséquences des changements que subissent les écosystèmes sur le bien-être humain.

L’opportunité s’offre à elle de poursuivre en thèse dans ce même laboratoire de l'IRD. Toutefois, Céline ne veut pas d’une écologie trop fondamentale. Rejoindre l’Inra, devenu depuis INRAE, où sciences fondamentale et appliquée se mêlent au profit d’une recherche finalisée, est une opportunité qu’elle va savoir saisir.

« C’est ainsi que j’ai commencé ma thèse de doctorat dans l’unité Agronomie, à Grignon ». Dirigé par Jean Roger-Estrade, professeur d'agronomie, son travail de thèse porte sur l’impact des pratiques et des systèmes de culture sur la vie du sol, et en particulier sur les vers de terre. C’est aussi le début de l’entrée des écologues dans les laboratoires d’agronomie.

Si sa thèse abordait la biodiversité des sols à l’échelle de la parcelle, Céline Pelosi désire désormais travailler à une échelle supérieure, convaincue qu’il se passe des choses déterminantes au niveau du paysage. Elle réalise alors un post-doctorat en écologie du paysage dans l’unité Dynamiques et écologie des paysages agriforestiers (Toulouse). Celui-ci lui permet de prendre en compte la manière dont les éléments paysagers (haies, zones non cultivées…) influencent ce qui se trouve dans les parcelles. Il porte sur l’articulation de la gestion agricole et de la gestion des processus écologiques au niveau spatial, et comprend une dimension sociale qui lui plaît beaucoup.

Mieux évaluer l’impact des pesticides sur les vers de terre

En 2011, Céline Pelosi est recrutée comme chargée de recherche Inra, devenu depuis INRAE, au sein de l’unité Ecologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (Versailles). Elle y développe des travaux en écotoxicologie terrestre. Ils débouchent sur des approches et des outils destinés à mieux évaluer le risque environnemental de l'utilisation des pesticides et permettent de quantifier les effets des pesticides sur des organismes terrestres : les vers de terre et leurs proches cousins, les enchytréides, tous deux indicateurs des activités agricoles dans les agrosystèmes.

Pour évaluer et limiter les impacts négatifs des pesticides sur la biodiversité du sol, des tests d’homologation sont réalisés, avant d’être mis sur le marché, sur des vers de terre. L’espèce préconisée est Eisenia fetida, peu sensible aux pesticides et peu présente dans les champs cultivés. Un paradoxe que la jeune chercheuse va investir en étudiant la sensibilité de plusieurs espèces de vers de terre aux pesticides pour discuter de leur pertinence pour les tests.

Dans le même temps, elle participe à la modification d’une norme internationale pour les tests écotoxicologiques sur les vers de terre. L’objectif est de proposer une alternative à l’espèce utilisée jusque-là en recommandant l’utilisation de l’espèce Aporrectodea caliginosa, présente dans les champs cultivés et plus sensible et donc plus pertinente - cette nouvelle norme paraîtra courant 2021.

Aider l'écotoxicologie et l'agroécologie à communiquer pour progresser vers des systèmes agricoles plus durables

Céline va œuvrer pendant sept ans, soucieuse de faire descendre l’écotoxicologie, traditionnellement pratiquée en laboratoire, sur le terrain, travaillant sur des espèces qui soient plus sensibles et plus présentatives des sols cultivés. Elle va également s’employer à développer la thématique de l’écotoxicologie du paysage en lien avec les pesticides. De 2015 à 2019, Céline Pelosi coordonne ainsi le projet Rescape - Résistance des paysages agricoles aux transferts de pesticides dans les sols et les organismes vivants (APR Ecophyto 2014) destiné à évaluer l'impact des caractéristiques du paysage (composition et structure) et des pratiques culturales (en particulier apports de pesticides) sur la résistance des paysages aux transferts de pesticides dans les sols et dans les organismes vivants.

En route pour de nouvelles aventures

Septembre 2019, Céline Pelosi quitte la région parisienne, direction la Cité des Papes où elle rejoint l’unité Environnement méditerranéen et modélisation des agro-hydrosystèmes. Celle-ci mène des recherches sur la physique du sol, les changements climatiques, la faune du sol. « Après avoir travaillé au niveau du paysage, je me voyais bien « redescendre » vers la compréhension des processus biophysiques dans le sol » précise-t-elle.

Céline explore ainsi la façon dont les enchytréides modifient la structure du sol (interactions avec les autres vers, sensibilité aux facteurs du milieu…) - moins sensibles aux pesticides que les vers de terre, ces organismes peuvent prendre le relai de ces derniers lorsque ceux-ci sont affectés par des pesticides d’autant que le rôle des uns et des autres vis-à-vis des sols est assez similaire et complémentaire.

Elle contribue, avec ses collègues de l’unité, dont Yvan Capowiez, et de l’université d’Avignon, à la mise en place d’un dispositif expérimentalMédiClim, destiné à étudier l’impact des changements climatiques en zone méditerranéenne sur le sol, sa faune et les fonctions associées.

La fine équipe développe également des travaux sur la revitalisation des sols. C'est le projet Revitalisation des sols viticoles par inoculation de vers de terre – Revers (2020-2023), lauréat de l’appel à projets SUEZ « Agir pour le capital naturel », dans la catégorie « Innovation technique et digitale ». 
En lien avec les acteurs du territoire, il a pour objectif de participer à la revitalisation des sols dégradés en utilisant des pratiques innovantes,  susceptibles de dynamiser les réseaux d’interactions biologiques, que sont des apports massifs de matières organiques et l'inoculation de vers de terre. Il propose une solution basée sur la nature comme alternative aux pratiques agricoles actuelles.
Dans la même idée, Céline prend part à la création d’une start-up orientée vers la production et la commercialisation de vers de terre pour la revitalisation des sols ou destinés aux laboratoires qui réalisent des tests avant la mise sur le marché des pesticides.

« C’est une nouvelle aventure, une autre facette de la recherche ! » se réjouit celle dont l’ambition est de mettre à disposition des acteurs des territoires agricoles des outils issus de la recherche et de permettre une meilleure évaluation du risque dans les agroécosystèmes.

« Ce continuum vers la société est indispensable et donne du sens à nos recherches » conclue Céline Pelosi.

En savoir plus
  • Pelosi C. et al. 2021. Residues of currently used pesticides in soils and earthworms: a silent threat? Agric. Ecosyst. Environ. DOI : 10.1016/j.agee.2020.107167
  • Pelosi C. et al. 2020. Soil Oligochaeta communities after 9 decades of continuous fertilization in a bare fallow experiment. Soil Organisms 92 : 129.
  • Amossé J. et al. 2020. A two year field experiment to assess the impact of two fungicides on earthworm communities and their recovery. Ecotoxicol. Environ. Saf. DOI : 10.1016/j.ecoenv.2020.110979.

Véronique OiknineRédactrice

Contacts

Céline Pelosi UMR Environnement méditerranéen et modélisation des agro-hydrosystèmes (INRAE,

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