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Une bourse ERC pour comprendre la transmission de l'influenza aviaire dans les réseaux de marchés de volailles vivantes

Claire Guinat reçoit une bourse ERC Starting Grant pour son projet TrackFLU (5 ans, 1,5 M€). Elle étudiera les mécanismes de transmission des virus de l'influenza aviaire dans les réseaux de marchés de volailles vivantes au Cambodge. Sous couvert d'une approche pluridisciplinaire, elle intégrera l'épidémiologie, l'écologie des systèmes d’élevage et l'évolution virale pour analyser les données collectées dans le cadre d’un vaste travail de terrain au Cambodge.

Publié le 05 septembre 2023

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© Adobe stock

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Les marchés de volailles vivantes, une spécificité culturelle d'Asie du Sud-Est

Les marchés de volailles vivantes d'Asie du Sud-Est sont très différents des systèmes conventionnels de production de volailles que l'on trouve en Europe. Alors qu'en Europe, les volailles suivent un cycle court de la ferme à l'assiette en passant par les abattoirs, en Asie du Sud-Est, les volailles passent par un réseau beaucoup plus complexe : les marchés de volailles vivantes. Ces marchés se caractérisent par une forte densité et un mélange de différentes espèces d'oiseaux avec un niveau de biosécurité limité. Ils constituent une tradition culturelle forte en Asie du Sud-Est. Les consommateurs sélectionnent personnellement les oiseaux vivants, en accordant une attention particulière à leur apparence et à leur santé, avant de les faire préparer sur place.

« Cette pratique traditionnelle s'accompagne de défis uniques. Il s'agit d'un réseau complexe, dans lequel les volailles sont transportées entre de multiples marchés par des commerçants avant d'être abattues, ce qui constitue un écosystème parfait pour le maintien et l'émergence de nouvelles souches du virus. C'est la raison pour laquelle nous allons étudier l'ensemble de ce réseau de marchés. » Claire Guinat.

Le cas du Cambodge pour élucider la dynamique de transmission de l’influenza aviaire

Une vaste étude de terrain se déroulera au cours des deux premières années du projet au Cambodge, au cours desquelles Claire Guinat collectera les données nécessaires pour élucider la dynamique de transmission du virus.

Pourquoi le Cambodge ?

Des récentes études de surveillance ont montré les taux les plus élevés de détection du virus de l'influenza aviaire au Cambodge, avec 30 à 50 % des canards et 20 à 40 % des poulets testés positifs. Il existe également des niveaux importants de cocirculation de plusieurs souches du virus. Des cas humains sont régulièrement signalés, ce qui indique une menace zoonotique permanente et persistante. Enfin, les ressources pour contrôler la propagation du virus sont limitées dans le pays, ce qui rend essentielle la structuration de la recherche et des systèmes de contrôle.

« Nous allons mener les collectes de données pendant les périodes où se déroulent les festivals traditionnels, identifiées comme des périodes à haut risque pour la circulation du virus. Nous interrogerons les marchands de volailles et feront des prélèvements d’oiseaux pour découvrir comment le virus se propage dans ce réseau complexe. Nous commencerons par les plus grands marchés et explorerons progressivement l'ensemble du réseau. Une tâche qui s’annonce difficile à réaliser mais passionnante », explique Claire Guinat. Le projet sera mené en étroite collaboration avec l'Institut Pasteur du Cambodge, qui assure déjà une surveillance active de l'influenza aviaire sur les marchés de la capitale.

Des résultats concrets mis à disposition des décideurs locaux

En décryptant les mécanismes de transmission de l’influenza aviaire, le projet TrackFLU entend informer de manière proactive les principales parties prenantes, comme les autorités locales et les services vétérinaires, sur les stratégies optimisées et fondées sur des preuves scientifiques pour le contrôle du virus dans le pays.

Pour cela, une application web a été développée dans le cadre du projet, à découvrir ici. Facile d’utilisation, elle permettra aux utilisateurs de prédire la transmission du virus dans les réseaux de marchés. Tout au long du projet, l'outil sera partagé avec les parties prenantes par le biais d'ateliers et qui pourront être étendus à d'autres pays d'Asie du Sud-Est. Les parties prenantes auront accès à cet outil pour simuler la propagation du virus en fonction des stratégies choisies et identifier celles qui sont les plus optimales pour le contrôle du virus. Cette approche collaborative vise à adapter les résultats aux contextes locaux et à inspirer de futurs efforts de recherche.

Produire des connaissances grâce à une approche interdisciplinaire

Bien que la dynamique de la transmission du virus de l’influenza aviaire soit déjà étudiée, les modèles actuels destinés à soutenir l'élaboration de politiques de lutte contre la transmission du virus présentent certaines limites. Le projet de Claire vise à combler ces lacunes. « C'est là que les séquences génétiques des virus et les outils en phylodynamie deviennent utiles. Les séquences génétiques issues des souches circulantes constituent l’empreinte des événements de transmission passés. Nous pouvons en extraire des informations épidémiologiques clés et avoir une meilleure idée de la manière dont le virus s'est propagé à travers les réseaux de marchés au fil du temps », explique Claire Guinat.

Avec cette approche intégrée, combinant des données de terrain et des connaissances interdisciplinaires, Claire cherche à ouvrir la voie au progrès scientifique, en inspirant de futures recherches au sein de la communauté scientifique au sens large.

Un parcours prometteur pour mieux prédire et contrôler les épidémies futures

Claire est diplômée de l'École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT) en 2012. Elle a obtenu son doctorat en épidémiologie vétérinaire au Royal Veterinary College et au Pirbright Institute (Royaume-Uni) en 2016. Après son doctorat, Claire a effectué un postdoc de 4 ans à l'ENVT, INRAE, pour lequel elle a obtenu la bourse PRESTIGE. En 2020, elle a rejoint le groupe Computational Evolution (cEvo) à l'ETH Zurich (Suisse) avec une bourse Marie-Curie.

Depuis son doctorat, ses activités de recherche portent sur l'étude de la dynamique de transmission des zoonoses et des maladies infectieuses animales dans le but d'améliorer notre capacité à prédire et à contrôler les épidémies futures. En 2022, Claire Guinat est devenue chargée de recherche à INRAE, rejoignant le groupe Epidémiologie et décision en santé animale (Epidesa) de l'unité Interactions hôte-agent pathogène (IHAP).

« Mon projet de recherche actuel combine les séquences génétiques des pathogènes et les données de surveillance des foyers pour reconstruire les épidémies et identifier les déterminants de la propagation, particulièrement pour l’influenza aviaire mais aussi pour d’autres maladies infectieuses animales. Le groupe Epidesa au sein de l'unité IHAP possède une forte expertise dans la modélisation des maladies et l'épidémiologie des maladies infectieuses animales, ce qui correspond étroitement à la trajectoire de mon projet de recherche actuel », dit-elle.

Au-delà de ses recherches, Claire est également membre du groupe de travail scientifique de l'initiative internationale PREZODE (Preventing Zoonotic Disease Emergence), qui place la recherche sur la santé animale, humaine et environnementale au premier plan. Elle est aussi membre du comité d’expertise spécialisé en santé et bien-être animal (CES SABA) à l’ANSES et du groupe de travail sur influenza aviaire et vaccination à l’EFSA.

Ariane Lelah Direction de la communication

Contact

Claire Guinat Chercheur en épidémiologie spatiale et moléculaire des maladies infectieuses animalesINRAE -UMR IHAP / ENVT

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